Je déambule dans les rues parisiennes, par cette douce après-midi de mai, l’esprit dans les nuages. J’entre dans ma librairie préférée à la recherche d’une histoire sympa, le grand lecteur que je suis est en manque d’ouvrages. Je flâne dans les rayons et inhale l’odeur des vieux bouquins que j’aime tant. Je me remémore l’étrange rêve qui a hanté ma nuit et dont je n’ai gardé que quelques bribes à mon réveil, comme un puzzle inachevé.

Les pièces qui me restent sont des vagues rouge orangé, la tour Eiffel, une fleur de lys et un liquide marron se déversant sur une table.

Toujours la tête ailleurs, je sors de la boutique et emprunte l’avenue de la bourdonnais pour rejoindre la galerie d’art quelques rues plus loin.

Arrivé à l’angle de la rue suivante, un jeune homme en skateboard me coupe la route et manque de me faire tomber. Je me rattrape de justesse à la table d’un café à laquelle une jeune femme est installée, un livre à la main. Dans ma perte d’équilibre, je fais tanguer la table et renverse sa tasse de café qui se déverse sur le sol.

– Toutes mes excuses mademoiselle, je suis confus, dis-je.

– Pas de souci monsieur, ce n’est rien.

Je lève les yeux et découvre le visage associé à cette voix mélodieuse. Une jeune femme aux traits fins et doux, le teint clair, des yeux malicieux, bleu-turquoise à s’y noyer et de longues ondulations d’un rouge flamboyant en guise de chevelure.

Les pièces de puzzle me reviennent soudain : les vagues rouge orangé, le liquide marron qui coule. En arrière-plan de ce visage angélique, la tour Eiffel, encore une pièce de mon rêve.

– Tout va bien monsieur ?

– Euh, oui, oui, veuillez m’excuser. Appelez-moi Adam, dis-je en lui tendant la main.

– Enchantée Adam, moi c’est Lys.

– Lyse ?

– Non, non Lys ! Comme la fleur, dit-elle.

Comme... la fleur !

La regardant plus en détail, sa beauté m’apparaît presque enchanteresse. Je dois lui paraître bien bêta, figé devant elle, ma main toujours dans la sienne, la bouche ouverte sans aucun son. Pourtant, elle me sourit toujours, le visage décontracté, comme si elle avait l’habitude de provoquer une telle réaction.

– Euh, veuillez...

– Cessez de vous excuser Adam, rit-elle. Asseyez-vous plutôt avec moi, enfin si vous avez le temps.

– Oui bien sûr, j’en serais ravi.

Je m’assois donc face à elle tandis qu’un serveur vient nettoyer le café renversé.

– Deux cafés s’il vous plaît monsieur, la note sera pour moi.

– Vous n’êtes pas obligé Adam.

– C’est la moindre des choses, j’ai renversé votre café après tout.

– Ce n’était pas votre faute.

– Peut-être pas totalement mais j’ai été distrait.

Je suis resté assis là, à boire mon café avec cette inconnue, à échanger sur la vie parisienne. Lys vient d’arriver et ne connaît pas la capitale. Je me suis donc proposé de lui faire visiter les coins à ne pas manquer et nous nous sommes donné rendez-vous au pied de la tour Eiffel quelques jours plus tard. C’est fou à quel point parler avec elle était simple, presque naturel, comme une évidence. Au milieu du tourbillon de vie qui nous entourait, je ne voyais pourtant qu’elle, comme si nous étions seuls, assis à cette table, sans personne autour.

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