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Il choisit une direction au hasard, incapable de se repérer dans ce labyrinthe de rues identiques. Il prit seulement soin d’éviter le centre ville, de rester à l’écart du monde. Les constructions se firent bientôt plus rares. Un panneau lui apprit qu’il quittait la bourgade de Magog. Magog, un nom bien bizarre pour une ville, il ne l’avait jamais entendu ce nom là. Un visage de femme déformé par la colère le hantait. Quelle femme déjà ? Celle qui lui hurlait dessus, qui semblait l’avoir reconnu, qui lui lançait ce regard fou, plein de reproches. C’était à n’y rien comprendre. Et cette enfant, plus tôt, à Mog, la petite pie jacassante, qu’avait-t-il fait, déjà, avant ça ? On l’avait drogué, drogué c’est ça. La drogue lui obscurcissait les idées. Fuir. Il devait fuir, prendre la route, rentrer chez lui. Il s’appelle Jacques Morelli, il a quarante deux ans, il vient de Lyon, non, pas de Lyon, d’une maison quelque part sur sa colline, et cette musique qui s’entête, il faut l’écouter, partir, rouler. Il devait fuir.

Il roula longtemps, des minutes comme des heures, et des heures comme des journées. La voiture avalait une route de campagne. Elle serpentait des montagnes anciennes usées par la pluie, le gel et les vents. Elles drappaient leurs humiliations de vieilles mères dans une dignité de verdure vallonnée. Des nuages d’arbres moutonnaient entre les horizons joueurs qui n’avaient de cesse de jaillir puis plonger, jaillir et plonger de la forêt à mesure que Jacques s’enfonçait dans l’arrière pays. Ça aurait pu être le paradis, s’il avait su où il se trouvait. Un instant, Jacques se sentit en sécurité. En sécurité mais épuisé. Épuisé mais inquiet. Il avait peur de s’endormir. Le soleil entamait sa descente dans un ciel azurin sans nuage. Où passerait-il la nuit ? Dans cette voiture ? Comment l’avait-il trouvée, d’ailleurs ? Il se ferait repérer, d’un moment à l’autre. Il crut discerner au loin un véhicule à l’arrêt. On le cherchait. Il tourna brusquement sur une piste de terre et de graviers, se perdant un peu plus dans la contrée. La voiture cahotait, les graviers tapaient sous le chassi et un nuage de poussière le poursuivait, troublant les horizons passés. Il rentrait chez lui, il retournait à la maison. La maison, à Lyon ? Non. Pas à Lyon. Il rêvait d’un foyer, d’une vieille maison posée de travers sur sa colline, une colline qui, elle, en regardait d’autres de travers, comme ici. C’est ça, il rêvait d’un lieu auquel il appartenait, auquel il avait appartenu. Chez lui. Pourquoi ne pouvait-il pas se souvenir ? Que lui avait-on fait, bon sang ? Il frappa le volant de rage, hurla de colère, déversa sa frustration à coups de poings. Les crépitements secs et assourdissants des ondes radio remplirent soudain l’habitacle. Il cherchait encore les commandes sur le volant quand une musique grésillante surgit des interférences. Il stoppa la voiture dans un crissement. Il avait reconnut l’air dès le premier accord, et les paroles percutèrent enfin son esprit embrouillé.

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