Bonheur absolu

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Quand on t’a posé dans ma chambre à côté de mon lit, j’étais épuisée et j’ai regardé l’infirmière te donner ton premier biberon. Tu étais si petite, si fragile. La taille et le poids d’un petit prématuré. Mais tellement jolie.

Je t’ai regardé quand l’infirmière t’a délicatement posé dans mes bras et nos yeux se sont croisés. J’ai eu un flash.

J’ai revu une photo se trouvant dans l’album de mes parents.
Tu étais ma copie conforme au même âge.

Comme si j’étais revenue dans le passé et que je tenais mon « moi » dans mes bras.

J’ai ressenti une telle décharge d’amour et de tendresse.

Tu étais si douce.
Tu ne pleurais pas.

Un petit ange.

Une petite merveille.

Tellement plus petite et plus fragile que ton grand-frère au même âge.

Quand il a fallu te remettre dans ton petit lit à côté du mien, j’ai ressenti la première déchirure, mais heureusement il était transparent et je pouvais me tourner vers toi et te regarder bouger doucement, puis t’endormir comme une petite fée.

Je t’ai regardé toute la nuit et pourtant j’étais fatiguée. Papa était venu m’apporter à manger de la friterie à côté de l’hôpital, j’ai mangé en te regardant.

Quand je suis restée seule, j’ai continué à te regarder.

Ma Prunelle.
Ma merveille.

Moi qui suis autiste Asperger, comment pouvais-je, même en pensées, exprimer le torrent d’amour qui déferlait sur moi ?

Les mots ne venaient pas.

Seul l’amour et la tendresse m’envahissaient.

Je t’aimais et je t’aime encore toujours autant que ce jour-là.

Comme le jour de la naissance de ton grand-frère, un immense sentiment de responsabilité s’est emparé de moi.

J’étais responsable de toi. De cette petite vie qui avait grandi en moi depuis le mois de juillet passé, qui n’avait cessé de se développer pour sortir comme un cadeau le lundi de Pâques.

Ce sentiment de responsabilité m’a donné des crises d’angoisse, même si j’avais déjà un enfant. Même si tout s’était bien passé à part sa naissance. Même si je ne rencontrais aucun problème majeur à part la haine que me vouait mon père à l’époque.
Haine qui l’avait poussé à me dire que je n’aurais pas du te faire.
Qui l’avait poussé à dire à ton frère que s’il aurait une petite sœur, il serait moins gâté, il aurait moins de jouets, de vêtements, de vacances et qu’il serait mieux chez lui et chez ta marraine qui était aussi ta grand-mère.

Mais en attendant, ton frère ne comprenait pas la haine et les paroles méchantes et était heureux comme un roi d’avoir « une tite soeur ».

Comme toute la famille à cette époque, il est venu te voir avec papa, ton arrière grand-mère, ta grand-mère maternelle qui était aussi ta marraine, ton oncle maternel, mon frère qui était ton parrain, la famille de ma mère, mon parrain, mes oncles et tantes. Le peu de famille de papa, son frère ton oncle Patrick, sa femme Susan, et tes deux cousins Chloé et Nathan, ayant respectivement 4 ans et demi pour Chloé et 3 ans comme ton frère Xavier pour Nathan, mais beaucoup plus grand que lui. Ton grand-père paternel, Constant et ta grand-mère paternelle qui, déjà rongée par la maladie d’Alzheimer, ne se rendait pas compte que tu étais sa petite fille, mais a pleuré en te prenant dans ses bras sous la surveillance de ses fils pour qu’elle ne te laisse pas tomber sans le vouloir.

Comme tout s’était très bien passé et que tu te développais bien, à part une extrême sensibilité de la peau, qui a fait dire au médecin que si tu continuais à « marquer », il faudrait te mettre des langes en tissus comme « dans le temps », et ta propension à l’allergie qui faisait que tu devais boire du lait non allergique. Du NAN HA ; tu as pu quitter l’hôpital après deux jours et étrenner le joli lit que nous t’avions préparé, marraine, Xavier, papa et moi.

La chambre était tellement grande, elle faisait au moins trente mètres carrés, que vos deux lits à Xavier et toi, tenaient aisément dans la pièce et que, plus tard, il y aurait suffisamment de place pour mettre deux grands lits, des bureaux, voir de séparer la pièce.

En ce qui nous concerne, le living était tellement grand, que nous avions pu le couper en deux et prendre l’énorme garde-robe pour couper la pièce en deux et nous faire d’un côté une chambre d’une taille très raisonnable, juste à côté de votre chambre pour que je puisse vous surveiller.

Et de l’autre côté, nous avions su mettre une salle à manger pour 8 personnes, avec buffet, ainsi qu’un divan 3 places, un 2 places, un fauteuil une place et en face fabriquer un meuble télé avec deux bibliothèques et un buffet.

Il restait de la place pour que vous jouiez devant nous, sur le tapis plein et sur le tapis d’éveil sans vous blesser. Il restait aussi de la place pour que toutes les caisses contenant vos jouets ne nous empêchent pas de nous déplacer.

Un appartement idéal que nous n’aurions jamais du quitter.

Mais en même temps, si nous ne l’avions pas quitté, tes frères et sœurs ne seraient pas nés et ça je ne veux même pas l’imaginer. Je rêvais d’une famille nombreuse depuis mes 15 ans. Je n’avais eu qu’un frère. On s’adorait. Il venait vous voir tous les jours depuis la naissance de Xavier et même bien avant. Il dormait chez nous.

Marraine venait vous voir tous les jours.

On allait faire les courses ou une promenade ensemble.
Le dimanche, on allait chez ton arrière grand-mère, où vous mangiez pêle mêle du gâteau, des speculoos, du jambon, des chicons et de la glace quand la camionnette passait.

Nous étions heureux.

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