Déménagement

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Ton arrière grand-père, mon grand-père paternel est décédé. Il m’a énormément aimée et figurait parmi les rares personnes qui m’aimaient et qui osaient l’avouer ouvertement.

La maison qu’il habitait et qui appartenait à tes grands-parents maternels, bon-papa et marraine, se retrouvait vide et qui le premier nous a proposer de l’occuper gratuitement, à la fois pour économiser un loyer, la maintenir en état, qu’elle ne reste pas vide.

J’étais partagée.
Ton frère était heureux à l’école maternelle se trouvant à quelques maisons de chez nous.

Nous habitions presqu’en face de marraine et bon-papa. Nous pouvions voir mes parents et ma grand-mère maternelle ainsi que mon frère n’importe quand. Si nous déménagions à une heure de là, oui nous économisions le prix d’un loyer, mais papa travaillait. Il avait des horaires atypiques, jour, nuit, week end, ne suivant aucun ordre logique. Il pouvait donc être libre le week end pour que nous allions voir la famille, tout comme il pouvait travailler durant deux semaines en continu.

Et, si mes parents et mon frère savaient se déplacer pour venir nous dire bonjour, il n’en n’était pas de même de ma grand-mère qui souffrait de plus en plus de sa jambe. Monter les deux étages qui menaient à notre appartement était un calvaire pour elle. C’était donc moi qui le plus souvent, prenait le bus avec vous pour aller lui dire bonjour. Parfois j’y allais quand Xavier était à l’école, mais alors il me fallait être revenue pour 15 heures.

Je savais que ma grand-mère ne serait pas éternelle non plus, elle approchait des 88 ans. Je l’aimais énormément et j’avais une peur bleue de la perdre. Je voulais que vous la connaissiez aussi bien que moi, que vous appreniez à l’aimer comme je l’aimais, que vous vous rendiez compte quelle femme exceptionnelle elle était.

Elle me demandait de ne pas partir. Non pas pour rester près d’elle, elle n’était pas égoïste, pour elle si je pouvais économiser le montant d’un loyer, c’était parfait. Mais pour mon père, propriétaire de la maison avec ma mère. Propriétaire à deux mais c’était lui qui commandait. Elle me déconseillait, alors que c’est pour le fuir que j’avais quitter la maison, de me remettre sous sa coupe en acceptant de vivre dans une maison qui lui appartenait.

Ma mère en revanche me le conseillait, pour que je puisse gâter mes enfants, avoir une vie meilleure. Mais je n’étais pas malheureuse. Nous étions moyens, comme tant d’autres gens.

C’est papa, qui, ne connaissant pas toute l’histoire ni tout ce qui m’éloignait de bon papa. Il ne savait pas à quel point, malgré le fait que j’acceptais d’aller manger le dimanche chez eux avec les enfants pour faire plaisir à marraine, malgré le fait que je ne répondais pas aux méchantes « piques » qu’il faisait sur moi, malgré le fait qu’il t’ai brutalisé pour que tu cesses de pleurer et que marraine m’a empêché de te protéger alors que je m’étais levée de suite pour intervenir. Elle pensait qu’il faisait bien et m’a dit « laisse le faire ». Mais NON. NON. NON et mille fois NON. Brutaliser ma fille devant moi, non. C’était fini. J’ai encore été manger le gâteau de temps en temps, je n’ai pas provoqué la dispute pour faire plaisir à marraine, mais je n’ai plus été manger chez eux et je te gardais près de moi.

Donc, papa a insisté pour qu’on aille habiter à Marchin. Pour lui ce n’était pas seulement une maison sans loyer, mais aussi plus de place, un jardin pour les enfants, des barbecues, des promenades en forêt ou à la campagne, la possibilité pour vous de faire du vélo ou de la trottinette ou du karting à pédales sur un chemin privé et très peu fréquenté. Lui qui avait vécu dans un appartement avec une simple terrasse, prenait presque cela pour un paradis.

Il a tant insisté que j’ai fini par dire oui.

Nous avons déménagé, un camion a ramené tous nos meubles là bas.
Le chauffeur du camion que nous nous apprêtions à payer, ce cessait pas de nous donner le tarif en rajoutant sans cesse et c’est xxx si vous donnez le pourboire. Pressé qu’il était de partir. Mais dans un déménagement surtout en compagnie de petits enfants, il faut faire attention. Et ce chauffeur restait derrière nous, derrière marraine et bon-papa, sans cesser de répéter, c’est YYYY et XXXXX si vous donnez le pourboire.

Pour finir, tu connais marraine, elle a fini par dire « Oh paie le s’il te plaît et donne lui son pourboire qu’il arrête ». Sans beaucoup de dignité, l’homme ne s’est pas vexé se contentant de se retourner vers moi en tendant la main. Il a mis son argent dans sa poche, a signé le reçu et est parti plus vite qu’il ne faut pour l’écrire, me laissant dégoûtée d’avoir dû lui laisser un pourboire aussi gros alors que, pourboire d’accord, mais il y avait des limites et cela touchait notre budget.

Nous avions des meubles, mais comme ils étaient assez légers, ils ont rapidement étés mis en place dans les différentes pièces. Remplir les armoires et garde-robes également a été assez vite. Avant la fin de l’après-midi, tout était rangé. Marraine vous avait surveillé pendant que nous rangions et puis nettoyions.

Première pique : bon papa qui était venu quelques fois chez nous, connaissait nos meubles, pourtant il s’est senti obligé de dire que « des meubles modernes jurent dans une vieille maison, ce n’est pas beau » Sauf que, moi, j’aimais mes meubles. Je les avais choisi, ma grand-mère me les avait offerts et je ne voyais pas pourquoi ils ne convenaient pas à la maison.

Pour une personne « normale », je suppose que l’on est juste un peu irrité et que l’on n’y pense plus.

Mais, sans encore le savoir, je n’étais pas une personne normale mais une femme autiste et TDAH. Et cette réflexions, comme toutes les réflexions que me faisait mon père lorsque nous dînions le dimanche « en famille » me faisait du mal et je n’attendais qu’une chose, que mes parents s’en aillent pour que je puisse pleurer. Autant que lorsque nous dînions le dimanche, j’attendais de rentrer à la maison pour pouvoir pleurer.

J’aurais du écouter ma grand-mère, je n’aurais pas du accepter. Je le savais depuis le début, mais je suis incapable de dire non, surtout si on me force la main en me disant que c’est « dans l’intérêt des enfants »

Je voulais retourner dans cet appartement si chaleureux, que j’aimais tant, où je me sentais si bien, dont je venais de remettre les clés au propriétaire et la garantie locative au déménageur vénal.

Heureusement, dans ma détresse naissante, ma grand-mère me téléphonait tous les soirs pendant une heure pour que je ne me sente pas seule. Elle seule avait compris que ce n’était pas ce que je voulais, que je n’étais pas heureuse, et avait prévu la suite.

Pourquoi ne l’ai-je pas écoutée ?

J’avais tellement envie de dire « non » pour elle justement, pour continuer à aller la voir tous les jours jusqu’à la fin de sa vie. Pourquoi ? Mais pourquoi ai-je fais cette bêtise ?

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