Ce soir, nous fêtons le solstice d’été

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Ce soir, nous fêtons le solstice d’été et l’anniversaire de Marc. Des dizaines de bougies flottantes et vacillantes nous ont guidés le long du sentier qui mène à la vieille maison. Sa façade enguirlandée d’ampoules multicolores étincelle doucement comme un arbre de Noël dans la lueur du crépuscule. Des tables et des tonneaux de chêne sont disposés un peu partout dans le jardin, sous les arbres illuminés eux aussi. Comme à la fameuse auberge espagnole, chacun a amené qui sa fameuse salade de harengs, qui une quiche croustillante, qui son dessert recette secrète. Et des bouteilles, des dizaines de bouteilles, du rouge, du blanc, du rosé. Un cercle s’est déjà formé autour du barbecue et du plateau débordant de saucisses et de merguez. Un autre groupe joue au palet dans l’allée aux bougies. Un barnum blanc a été monté près du garage flambant neuf qui a remplacé la cabane décrépite. Sous la tente, sur une table, Ana a disposé des livres à donner ou échanger et nous a invités à y ajouter les nôtres. A côté, se trouvent des albums photos, souvenirs de tous ces anniversaires célébrés ensemble. Chacun pourra en prendre une en repartant, celle qu’il préfère. Une tombola a également été mise en place. Chaque invité dépose dans un chapeau un bout de papier avec son nom. Contre le mur, près de la porte d’entrée, trône un tableau de Marc. Celui ou celle dont le nom sera tiré au sort repartira avec.

Mais en se promenant dans le jardin tout emmêlé, véritable labyrinthe végétal, on découvre d’autres tableaux en une exposition à ciel ouvert, au détour d’un arbre ou d’une balançoire, contre le toboggan du petit ou le long du poulailler. Dans le verger, il y a celui, merveilleux, qui représente un arbre matrice d’un fœtus qu’il nourrit de ses milliers de ramifications. Arbre de vie, dressé fermement et fièrement vers la lumière, entouré d’eau et de montagnes insolentes, autres forces immuables de la nature.

Les amis ne cessent d’arriver. Ils sont nombreux. Il y a les amis de toujours et les plus récents, la famille et les enfants qui courent comme de jeunes chiots en liberté. La musique et le vin coulent à flot. Les discussions aussi. Elles sont banales, inconséquentes et manquent d’humour et de dérision à mon sens. Les gens parlent toujours d’eux-mêmes au bout du compte. Peu douée pour ce type de bavardage superficiel, ce rituel social de début de soirée, j’écoute la musique et je regarde Ana qui slalome entre les petits groupes qui se sont formés. Elle a encore maigri, est devenue presque transparente, comme si avec lui, tout ce qui faisait sa substance s’en était allé, avait été aspiré. Elle a pris soin d’elle enfin, est allée chez le coiffeur pour redonner un aspect civilisé à ses mèches folles. Quelques flammèches rousses se sont rebellées quand même et lèchent ses joues, malicieusement. Un soupçon de blush, du mascara, elle qui ne se maquille jamais. Et du rouge à lèvres. Ça donne bonne mine lui a dit la coiffeuse, il faut que la couleur tranche avec votre teint mais pas trop. Pour masquer la fragilité de ce corps qui l’abandonne et qu’elle ne reconnait plus, elle a enfilé plusieurs couches de vêtements bariolés, chamarrés, et plaqué un sourire étincelant sur son visage. Elle marche d’un pas vif, afin d’empêcher sa jambe traitresse de trembler. Elle semble heureuse d’avoir réuni autour d’elle toute la tribu de sa vie. De leur vie.

Aujourd’hui tout est cadeau. Cadeau pour nous.

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