Première scène

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Les collines de sable dérobant l’horizon étaient la proie du zénith. Soleil avait chassé les champs d’ocre et les avait changés en immensité de verres. A leur pied, Rezos trônait comme le ferait un ruisseau au cœur d’une jungle-monde : Quelques maisons aux toits allongés en ombrelle attendaient patiemment le soir. Cette ombrelle s’étirait comme une longue feuille au-dessus du village, donnant une ombre supplémentaire à un village aux airs de raie manta.

Partant pour l’extérieur du village, Konkolo longeait le dos des habitations, s’épargnant quelques mètres de bronzettes. Les maisons semblaient vides, aucun bruit n’en sortait, pas même l’idée d’un souffle ou d’un ronflement. Konkolo avait grandi par ici comme le font les fleurs ou les idées, c’est-à-dire sans réelle conscience de soi, prenant racine au creux de ce qui était à proximité, savourant la lumière, paisiblement, ne se mêlant ni des soucis ni des parasites. Rezos était l’endroit parfait pour devenir une ombre, un échantillon de pas ; il n’y avait pas d’envers du décor, l’on s’asseyait dans les baraques raffraîchies par la pierre et l’on savourait l’air valsant sous les coups des rayons d’un midi constant.

Les quelques couples du secteur ne fêtaient ni platine, ni diamant : les seules joies venaient de rares fluctuations des ombres, de quelques fourmis de passage, de bruits de pas rappelant que Dieu faisait encore sa ronde quelque part dissimulé par la voûte azur et inviolable. Seuls quelques évènements faisaient offices de marqueurs temporels, rares denrées…

Le partage, les plans de vie, les unions, Konkolo n’en connaissait rien, pas même les traits. Chaque compagnon était raflé par le Temps, les alliances n’existaient que par des doigts coupés ou amochés par la poussière : De sa petite taille, il ne devinait pour seule coopération que celle de son corps, léger gadget dont les muscles souriaient à l’un l’autre. Les aiguilles tournaient à la perte de sens, il n’y avait que la chair et sa brute réalité. De ce fait, il n’avait pas d’âge, au sens strict dont on l’entend. Ses membres fins mais robustes donnaient un bpm approximatif à la mélodie du cœur, Konkolo était bien plus proche des rires que des pleures : Le tournesol gravé à sa naissance sur ses côtes avait encore toute sa vigueur.

Arrivé à l’aurée de l’ombre de Rézos, Konkolo fit une pause afin de savourer l’air déchargé de soleil. Souffle… Etait-ce nécessaire de préciser que regarder en arrière n’avait ici rien d’une coutume, au contraire des grandes villes du Nord… ? Silence… Un peu plus loin, un fin plateau de grisaille présentait Oshun sur sa surface. Assis, chaque genou posté sur l’autre jambe, il ne bougeait pas d’un frisson depuis les premiers jours de Konkolo. Le village se souvenait avec peine du regard de l’homme, ses yeux clos s’étaient imposés à la mémoire. Reflétaient-ils des paysages loin des contrées de sel entourant le village ? Ou les avaient-ils fermés pour les oublier, à son tour ? Posé là, comment résistait-t-il à Soleil ? Son tapis de méditation attirait ses battements par le jeu des couleurs, le sol mimait les ondulations de l’océan ; la chaleur valsait. Néanmoins, celle-ci semblait être atténuée, contenue, comme si son essence fuyait en-dessous de la surface, ne laissant qu’un brasier superflu : Konkolo avait vérifié ce phénomène en posant le bout de sa sandale, côté talon, sur la petite étendue. La température avait alors semblé réconfortante, cocon paisible…

Oshun… Rézos ne possédait pas de registres de naissance mais, à contempler la grisaille sur le visage de l’homme, les poussières l’avaient certainnement érigé en majesté. Une fine tunique soulignait sa peau mâte, de larges clavicules dépassaient de son col ouvert… Jamais ses cheveux n’avaient poussé, son crâne était lissé par la lumière constante berçant son état. Oshun… Personne ne disait mot sur cet homme dont la carcasse traversait le temps figé de Rézos. Il s’était sûrement apaisé là, décidé ; l’on posait son regard comme on le ferait pour une relique, un talisman, un ciel étoilé… Sa nature de berger rêveur éveillait la curiosité de Konkolo, depuis longtemps rassasiée des environs.

Konkolo quitta sa pénombre et s’approcha, la fascination atténuait la chaleur s’écroulant d’un coup sec sur sa peau. Devant Oshun, il fit un léger mouvement de menton en signe de salut et se mit à tourner autour de lui, cherchant une faille. Soleil, les entourant, ne laissait aucune ombre. « T’es tu fait pousser des racines ? Raffles-tu une quelconque rosée ? Ou bien aspires-tu le ciel comme le premier breuvage ? »

Afin de ponctuer ce jour, Konkolo entreprit d’attirer Oshun au monde.

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