Épisode 05 - Où l'on accuse le majordome

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 — Monsieur ne peut pas être sérieux ?

 — L’ami Charles. Je vous ai dit que j’ai besoin de l’ami.

 — Alistair, vous savez tout sur moi. Depuis les idioties que j’ai fait pendant mon adolescence, les mauvaises fréquentations qui m’ont amené à m’engager dans l’armée et la suite de circonstances qui m’ont conduites à me vautrer dans les caniveaux d'où vous m’avez sorti il y a dix ans. Le spécialiste des tableaux c’est vous, moi je n’y connais rien.

 — Est-ce que le nom Prométhée vous dit quelque chose ?

 — C’est un personnage mythologique, mais en dehors de ça je ne connais personne qui répond à ce patronyme.

 — En venant ici, nos amis gangsters recherchaient un voleur de tableau s’appelant Prométhée. Un criminel suffisamment doué pour leur faire croire qu’il serait capable de subtiliser une œuvre aussi connue que “la Ronde sur la musique du Temps” exposée dans l’un des plus fameux musée d’art ancien de Londres.

 — Il serait aussi doué que ça… questionne Charles avec un ton admiratif.

 — Ce fameux cambrioleur aurait commencé sa carrière en dérobant la copie du Raphaël que vous pouvez voir sur ce chevalet, dis-je en indiquant la direction de celui-ci. Vous rappelez-vous de ce tableau ?

 — Je devrais m’en souvenir ?

 — Oui Charles, c’est certainement vous, qui l’avez accroché dans la coursive ouest au premier étage qui donne sur l’atrium. A l’époque vous m’aviez dit avoir trouvé des tableaux dans le grenier et m’avez demandé l’autorisation de les accrocher dans la maison.

 Je regardais le visage de mon ami recherchant une réaction qui m'indiquerait la moindre duplicité. Je savais qu’il était impossible qu’il soit Prométhée. Pourtant...

 — Maintenant il va falloir suivre mon raisonnement. Si ces criminels viennent ici m’accuser d’être Prométhée c’est que j’ai, sans le savoir, un rapport avec ce voleur. Ce tableau est, selon le patron de Petrov, l’élément le plus direct qui me lie à lui et… ce tableau c’est vous qui l’avez accroché sur un mur de cette maison. Donc je récapitule... Charles êtes-vous Prométhée ?

 — …

 — Charles ?

 — Non, ce n’est pas moi. J’ai peut-être accroché un tableau trouvé dans le grenier, même si je n’en ai pas spécifiquement le souvenir, mais c’est tout ce que j’ai fait. Vous croyez vraiment que je pourrais faire ce genre de choses ?

 — Non pas vraiment, mais comme Conan Doyle l’écrivait dans les aventures de Sherlock Holmes “Lorsque vous avez éliminé l’impossible, ce qui reste, si improbable soit-il, est nécessairement la vérité.”

 — Cela vous aide vraiment dans la recherche de votre voleur ?

 — J’ai bien peur que mes compétences en matière d’enquête criminelle soient proches de zéro. Si Sherlock Holmes arrive à dénouer les plus sombres mystères en suivant cette maxime, elle n’est pour moi qu’une source de nébulosité supplémentaire. Je me targue de savoir retracer l’histoire d’une œuvre picturale, de sa première esquisse jusqu’à nos jours, mais les mystères de la psychée humaine resteront pour moi à jamais hermétiques.

 — Vous avez toujours besoin d’un ami pour l’accuser d’un crime, ou je peux reprendre mon poste de domestique ?

 — Charles, vous êtes injuste avec moi, ce n’est pas moi qui ai choisis pour vous le travail de majordome.

 — Vous savez pourquoi j’ai choisi ce rôle qui me convient parfaitement. Et puis un Lord se doit d’avoir au moins un domestique à son service.

 — Un Lord plus argenté, pourrais vous payer des gages.

 — Vous savez que je considère que c’est moi le débiteur. Je ne saurais jamais vous remercier assez d’avoir sauvé le pauvre diable que je suis et de m'accueillir dans ce foyer.

 — Doucement Charles, n’en jetez plus, vous allez finir par me faire pleurer. Néanmoins je suppose que vous devez aujourd’hui commencer à regretter d’être à mon service. Je ne sais comment me tirer du guêpier dans lequel vous me voyez pris. De votre côté vous devez considérer avec appréhension la résurgence de vieux démons que vous voudriez oublier.

 — Je ne vous cacherais pas que je préfèrerais que l’épisode que je viens de vivre se conjugue au passé, mais vous pouvez compter sur moi pour vous aider à affronter cette crise. Mon expérience du milieu et mes compétences au combat devraient vous permettre de rééquilibrer la balance en votre faveur.

 — Je pense que je vais juste recourir à nos bonnes vieilles forces de polices pour dissiper la méprise de ces messieurs. Prométhée n’irait jamais voir Scotland Yard n’est-ce pas ? Cela devrait les convaincre que je ne suis pas cet individu.

 — J’ai une aversion naturelle vis à vis de la maison poulaga, vous le savez Alistair. Je vous déconseille fortement de les mêler à cette histoire en leur montrant par exemple ce tableau volé. Avec leurs gros godillots, ils auront vite fait de vous arrêter pour une raison ou une autre...

 — Je suis d’accord avec Charles, coupe une voix féminine provenant de l’entrée de la pièce.

 Une touffe de cheveux bouclés roux surplombant une coupe garçonne taillée de près. Des yeux couleur azur et des tatouages visibles sur ses épaules. Pas de doute, cette voix harmonieuse appartient bien à ma nièce Pauline Greenhill. Elle est d’ailleurs la seule Greenhill dont je puisse supporter la présence avec plaisir. Comment un tel bouquet d’énergie et de fraîcheur peut-il faire partie de cette famille de grippe-sou et d’imposteurs patentés.

 La surprise se lit sur son visage quand elle s'aperçoit que Charles est assis en face de moi.

 — J’ai raté un conseil de famille ? Qu’est-ce qui se passe ?

 — Nous venons d’avoir une visite des plus déstabilisantes. Nous sommes en train d’en discuter.

 — Ha… Voilà qui explique bien des choses.

 — Que veut-tu dire Pauline ?

 — Je sortais des… enfin vous savez d'où je sortais, quand j’ai vu un gadjo qui semblait s'intéresser à la porte de ma chambre. Je me suis cachée dans les communs pour éviter de le rencontrer.

 Les communs du manoir dans les étages résidentiels sont composés de couloirs exigus incorporés entre les murs des pièces principales. Dans les temps fastes de la noblesse familiale, Ils permettaient à la domesticité de se déplacer au sein du logis pour assurer leur service sans croiser les propriétaires des lieux. Les portes qui donnent accès à ces passages de souris sont étroites et camouflées par des éléments de décoration. Mais les artifices occultant ces passages, usés par l'âge, ne sont plus aussi efficaces qu’il l’étaient jadis.

 — Il n’a pas trouvé la porte en te cherchant ?

 — Si, mais en visitant le passage il a oublié de lever les yeux. Qui était cet inconnu ?

 Pauline avait suivi pendant quelque temps l’enseignement d’une école de cirque dans son enfance. Elle en avait gardé quelques notions d’acrobatie qu’elle utilisait aujourd’hui pour faire ce genre de prouesse. Elle se suspendait sur de solides barres métalliques placées à 2 mètres 50 de hauteur qui étaient autrefois utilisées pour faire sécher le linge de maison. La faible luminosité de l’endroit la rendait presque invisible. Lors d’un premier avril mémorable, afin de faire une blague, elle avait ainsi réussi à surprendre Charles, qui pourtant est un homme difficile à piéger.

 J’expliquai à Pauline en détails la mésaventure qui me frappait, sans oublier le moment où elle avait également frappée Charles au niveau de l’estomac. Je lui apprenais qu'elle avait eu une brillante idée en se dérobant au regard du complice d’Alexander Petrov, qui l'avait formellement désignée comme moyen de pression. Enfin je lui fis part de mon intuition, sur le fait que je dois côtoyer Prométhée sans le savoir, car la foudre, ou peut-être la pomme, ne tombe jamais très loin de l’arbre.

 Quand je lui demandais de me donner ses sentiments personnels sur la situation, je ne m’attendais pas à une réponse aussi sidérante que :

 — Tu as raison oncle Alistair, car ton lien avec Prométhée c’est moi.

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