In extremis

5 minutes de lecture

Sans se retourner, Joanna percevait Tom qui triturait un écran tactile. Peut-être cherchait-il des stations émettrices afin de se tenir informé sur la gravité des évènements récents. Son regard ne cessait d'aller de la route à l’affichage lumineux de son téléphone.

Prostrée côté passager, elle observait le ciel noir et sa myriade d'etoiles se refermer sur un triste spectacle de véhicules abandonnés sur une route désertée.
— Joe ! Dit Tom en s'adressant à elle sans quitter du regard son téléphone.
— (silence)
— Chérie, tu vas bien ? Relança-t'il à son encontre
— (nouveau silence)
— Si c'est à propos de ce qui s'est passé, je suis désolé. Je n'avais pas le choix. C’était lui ou nous, tu comprends ?
— Qu’est-ce qui se passe, Tom ! Murmura-t-elle.
— Tout est parti en vrille, c'est tout. Le monde tel qu'on le connaissais n'existe plus. Maintenant, c’est la loi du plus fort et, crois-moi, je n’ai pas l’intention de laisser ses barbares nous faire du mal.

Joanna ne cessait de penser à ce qui s'était passé quelques heures auparavant au moment ou elle et Tom se faufilaient à travers des chemins peu fréquentés d'une clairière qu'ils connaissaient dans le but d'éviter de mauvaises rencontres. Malgré toutes leurs précautions, ils étaient tombés sur un individu à l'allure inquiétante qui était affubé d'une parka militaire visiblement trop grande pour lui ainsi que la capuce qui lui recouvrait la tête presque entièrement.

Ce dernier leur avait aussitôt réclamé de la nourriture, prétextant qu'il n'avait rien manger depuis des jours. Tom avait refusé car ils n'avaient pris que ce qu'ils avaient trouvé dans leur frigo.

L'individu s'était soudain montré menaçant et avait brandit un long couteau de chasse qu'il cachait dans l'une de ses manches, et leur avait crié dessus en leur ordonnant de laisser leurs sacs à terre, loin devant eux. Tom s'était alors tourné vers elle tout en balançant un "Et merde !" de dépit, puis avait fait glissé son sac à dos à ses pieds. Il l'avait ensuite poussé lentement en direction de l'agresseur tout en faisant mine d'être coopératif tandis que ce dernier gitait sa lame devant lui. Elle avait compris ce que Tom attendait d'elle et avait oté à son tour le sien qu'elle tendit à son mari. En un éclair, son sac avait fait voltiger l'arme et l'une des jambes de Tom s'était détendue sur les parties intimes du gars. Ils avaient profité du moment où ce dernier, à genou, grimaçait de douleur en se tenant l'entre-jambe, pour s'esquiver avant qu'il ne se relève. Malheureusement, à cause des broussailles denses, les quelques mètres parcourus ne leur avaient servi à rien. Elle était tombée par terre au moment même ou le métal tranchant avait fendu l'air dans son dos. Tom, au son de sa chute, s'était retourné vers leur assaillant en lui criant dessus pour attirer ainsi son attention, ce qui lui avait sauvé la vie. Elle en avait profité pour se lever sans faire de bruit, avait saisi un bout de bois qu'elle avait, par instinct, jugé lourd et épais et l'avait abattu de toutes ses forces sur le haut du crâne de ce sauvage à l'instant où il lui avait tourné le dos. Elle s'était figée quand ce dernier s'était retourné vers elle, titubant, le front en sang. Tom s'était aussitôt jeté sur lui avant qu'il ne réagisse, avait saisi son coup en une clé de lutte et lui avait brisé la nuque d'un coup sec. Ensuite, ils étaient restés immobiles pendant de longues secondes, observant l'individu inerte au sol. Elle s'était alors mise à pleurer doucement dans un coin.

Le véhicule où ils se trouvaient maintenant était stationné sur une grande route avec tant d’autres voitures abandonnées. Ils s’étaient réfugiés dans l’une d’entre elles pour se reposer avant de reprendre leur fuite loin de la folie humaine. La radio n’offrait plus que des crépitements ininterrompus et David se résolus à contrecœur par l’éteindre pour le moment.

Après les dernières lueurs du jour, une lumière jaune/orange tapissa graduellement le vaste décor d'apocalypse s'étendant tout autour d'eux. Joanna s’emmitoufla dans son manteau matelassé tout en essayant de garder ses yeux ouverts.

— Crois-tu que tout cela vaille encore le coup de vivre ? Dit-elle à Tom.

— Ne dis pas des choses comme ça, Joe. On doit absolument trouver des groupes de personnes qui, comme nous, fuient ce chaos. Des gens comme toi et moi. Tu vois. Si on s'en sort, on reconstruira peut-être quelque chose de nouveau. Tu n’es pas la seule à avoir peur, moi aussi. Par contre, le désespoir ne nous fera pas avancer. On doit se serrer les coudes.

Elle baissa son visage l’air triste.
— Et si ce n’est pas le cas ?
— Le cas de quoi ! Lui répondit Tom légèrement irrité.
— Que quoi qu'on fasse, rien ne change.
— Arrête de penser au pire constamment. Tu es forte, tu l’as toujours était et c'est ce que j'ai toujours aimé en toi. Viens là. Ils se blottirent l’un contre l’autre, seuls dans cette immensité d’épaves silencieuses. N'oublie surtout pas la promesse que je t'ai faite.

Plus tard, dans la nuit, Tom se réveilla plusieurs fois, croyant entendre des bruits un peu partout. Joanna dormait profondément sur la banquette arrière. Un peu avant l’aube, il sortit du véhicule pour se soulager au bord de la route. À ce moment-là, il perçut clairement des voix provenant des arbres se trouvant à quelques mètres devant lui. Il s'approcha d'eux et ce qu’il entendit lui fit faire demi-tour rapidement en direction du véhicule. Une fois aux côtés de sa femme, sans dire un mot, il l’attira dans ses bras et lui couvrit la bouche d’une main.
Elle ouvrit brusquement ses yeux sur Tom.
— Chut ! Il y a des gens sur la route, lui murmura-t-il. Je l’ai ais entendu parler entre eux. Joe... Je crois que ce sont des pillards !
Elle se força à rester calme pour que Tom ne vois pas la peur dans ses yeux. Il ôta sa main de sa bouche, s’allongea partiellement sur elle et leva lentement sa tête afin de voir s’ils venaient vers eux. Il se rabaissa brusquement et la regarda longuement.
— Tu sais, ma promesse, quand tout cela a commencé. Que tu n’avais rien à craindre lorsque nous sommes partis ! Eh bien, maintenant, il faut que tu me fasses confiance dessus.
— J’ai toujours eu confiance en toi, Tom. Dis-moi ce qui va se passer !
— On va se lever et s’asseoir l’un à côté de l’autre. Ok ?
— Ils sont partis ? Murmura-t-elle. Son regard scrutait celui de Tom.
— On va faire comme si. Tom essayait de se persuader que, peut-être ne l'avaient-ils pas vu entrer dans la voiture.
— On va dire qu’ils sont partis, Joe, mon amour. Donne-moi ta main. Il lui sourit et elle comprit sans qu’elle sache pourquoi, que quelque chose de particulier allait se jouer maintenant.
Ils se levèrent ensemble. À l’avant de leur véhicule, une quinzaine d’individus aux visages sales et aux yeux injectés de haines les observaient attentivement à travers le pare-brise. L’un d’eux jeta violemment sa batte de base-ball sur la vitre qui se fissura instantanément sous le choc. Elle poussa un cri de frayeur, son cœur battait à tout rompre alors que Tom la serrait de plus en plus fort dans ses bras.
— Fais-moi confiance, lui dit-il fébrilement.
C’étaient ses derniers mots qu’elle entendit avant qu’un flash éblouissant ne frappe sa tête et que tout devint lumière et oubli.

Annotations

Vous aimez lire Pasot ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0