Chapitre 2 : Fondant au chocolat et magie

3 minutes de lecture

Impossible que ce billet soit pour elle : le mot retraite ne peut pas lui être destiné ! Elle n’a que trente-cinq ans ! Elle n’est pas encore en fauteuil roulant ! À mesure que les minutes passent, Olympe se sent un peu mieux. Elle respire plus calmement et peut ramasser le courrier qu’elle a laissé tomber. C’est idiot, elle le sait, mais cette lettre lui donne envie de pleurer. Bon, surtout ne pas dramatiser, c’est simplement un avis pour lui rappeler de mettre des sous de côté pour ses vieux jours.

Pour oublier tout ça, Olympe décide de sortir au village et de s’offrir une pâtisserie très calorique à la boulangerie. Habitant à l’extérieur de la commune, elle suit un joli chemin de terre que bordent des campanules sur environs deux kilomètres. Elle traverse un pont de bois sous lequel chante un ruisseau à l’eau claire et finit par arriver devant le panneau ʺSort-roseʺ. Par les jours de beau temps, Olympe adore flâner dans le village. Les rues sont toutes pavées, et au milieu des passants, quelques sorciers volent avec précaution sur leur balai. Les couleurs des devantures sont vives et tous les habitants ont l’air heureux, souriant… un monde parfait. Quelques personnes la reconnaissant la saluent aimablement d’un signe de tête.

Olympe arrive devant la boulangerie. La façade du commerce est d’un joli rose bonbon qui donne des envies de bubble-gum. Une clochette tintinnabule discrètement lorsque la sorcière franchit l’entrée. Une fillette à la peau bleue et aux courts cheveux blonds tient dans ses petites mains une énorme meringue sentant le citron. À la caisse, une fée rend la monnaie, tandis que ses ailes pailletées battent doucement dans son dos. Olympe regarde les gâteaux dégoulinants de crème, et les flans rebondis, ne sachant que choisir. Agathe, la fée et propriétaire des lieux, lui demande :

— Que prendrez-vous ?

— Oh ! Tout a l’air tellement bon.

La gourmande pointe son doigt sur une pâtisserie au chocolat :

— Le fondant, s’il vous plaît.

Agathe le lui emballe dans une jolie boîte en carton qu’elle ferme d’un nœud doré. Olympe la remercie et réajustant le gros nœud noir dans ses cheveux bouclés, elle sort de la boutique. Au même instant, un homme ouvre la porte et alors que la clochette retentit la heurte de plein fouet. La sorcière laisse tomber sa pâtisserie sur le sol carrelé. Le carton se déforme légèrement, mais ayant vérifié que son fondant est toujours intact, Olympe pousse un soupir rassuré. C’est alors que l’inconnu l’apostrophe durement.

— Vous ne pouvez pas faire attention !

Olympe lui adresse un regard noir. Elle est à deux doigts de lui jeter un sort pour qu’une ribambelle de grenouilles lui saute au visage. Mais la femme est une gentille sorcière, aussi elle se retient, se contentant de lui tirer la langue, comme une méchante enfant. Serrant sa boîte en carton contre elle, Olympe s’éloigne d’un pas précipité.

Il fait un temps splendide, le soleil pose ses rayons sur les toits aux tuiles rouges, tout en éclaboussant de lumière les rues pavées. Une brise au parfum printanier, mélange de primevères et mimosas donne à Olympe des envies de passer la journée au grand air. La sorcière se sent bien. Jusqu’à ce que deux galopins la bousculent en riant, trop occupés à jouer à la pour la voir. L’un des deux garçons s’en aperçoit et dit à son camarade :

— Mince, on a poussé une vieille dame !

Et plein de bonnes intentions, il ajoute :

— Pardon, m’dame, on vous avait pas vue.

Et les deux enfants continuent leur course à travers les rues de Sort-Rose. Olympe, reste figée de stupeur. Ses jeunes viennent d’insinuer qu’elle est âgée ! Tout d’un coup, la sorcière ne remarque plus la beauté de la journée. Pour elle le soleil n’a plus d’importance, et l’air a soudain une odeur de poussière. Elle reprend sa marche d’un pas lent, et passant devant une poubelle rose y jette son carton avec le fondant au chocolat. C’est les épaules basses qu’Olympe rentre chez elle. Elle va directement dans sa cuisine aux meubles blancs et se fait une infusion. Elle attend quatre minutes que l’eau soit bien chaude pour mettre le petit sachet de cannelle et ajouter deux sucres roux. Elle tient la tasse brûlante entre ses mains, et cela la réconforte un peu. Elle hume la douce odeur qui lui rappelle la période de Noël, puis boit une gorgée qui finit par l’apaiser complètement. Une idée germe dans son esprit : plus personne ne la trouvera vieille, plus aucun cheveu blanc ne se mêlera à ses boucles brunes. Après tout, elle est une sorcière et si des crèmes ne font rien pour la garder jeune, la magie le pourra ! Toute ragaillardie, Olympe est déçue d’avoir jeté son fondant au chocolat.

(à suivre...)

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Ode Colin ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0