1. 

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 Sa robe rouge s'arrêtant aux genoux et faite de dentelle épousait ses formes voluptueuses et mettait en valeur sa peau pâle comme la neige. Elle offrait une magnifique vue sur sa chute de rein et ses divines fesses. Des escarpins noirs soulignaient le galbe tonique de ses mollets, sa chevelure de jais tombait en cascade sur ses frêles épaules. Ses ongles vernis étaient assortis à sa tenue. Face au miroir de style baroque, elle appliqua du rouge carmin sur ses lèvres pulpeuses. Puis, elle admira son reflet avec satisfaction. La succube respirait la sensualité et la luxure. Stevan ne pourrait pas lui résister, il n'aurait d'yeux que pour elle ! La jeune femme esquissa un sourire. Même si elle trouvait toutes ces fêtes humaines stupides et inutiles, elle devait bien avouer qu'il y avait du bon à célébrer la naissance de cet homme que les humains appelaient Christ.

 Elle descendit les grands escaliers habillés d'un épais tapis assorti à sa robe. Ses talons aiguilles résonnaient dans l'immense demeure. Elle rejoignit son acolyte le plus fidèle couché sur le canapé face au feu de cheminée. Les flammes éclairaient son visage viril aux lignes tranchantes. Ses pupilles dilatées suivaient les courbes d'encre avec fascination et désir. Lamia en déduisit qu'il lisait une scène érotique entre deux beaux mâles. Le bel homme délaissa son livre et leva la tête vers sa maîtresse. Il siffla d'admiration.

 — Si avec ça ton p'tit flic ne comprend pas le message, c'est qu'il est encore plus stupide que je ne le pensais.

 — Et quel serait, d'après toi, le message que je souhaiterais lui faire passer ? demanda-t-elle, le regard malicieux.

 Le jeune homme se redressa sur le canapé et afficha la même étincelle dans ses yeux charbon.

 — Qu'il abuse de ton corps toute la nuit, sauvagement, passionnément comme tu aimes.

 Un léger sourire fleurit au coin de ses lips rougeoyants.

 — Possible.

 Elle claqua des doigts et, aussitôt, un homme, vêtu d'un trois-pièces noir et gris, traversa le mur. Un long manteau noir était posé avec soin sur son avant-bras.

 — Votre Altesse.

 Il s'inclina devant la jeune femme avant de l'aider à enfiler son manteau.

 — Je compte sur vous, Gaspard pour veiller à ce que Balthazar ne fasse pas d'incartades en mon absence, ni lui ni les autres.

 — Oui, Votre Altesse, vous pouvez compter sur moi.

 — Bien. Je ne rentrerai pas cette nuit, ne m'attendez pas.

 — Parce que tu seras trop occupée à te faire sauter par ton p'tit flic, je présume, sourit Balthazar, moqueur, reprenant sa place initiale.

 Elle lui adressa un regard noir. Ses yeux virèrent au rouge sang, dont, au milieu, une petite fente noire rétrécissait dangereusement. Une vive brûlure apparut alors sur l'avant-bras de Balthazar qui poussa un puissant hurlement. Après quelques secondes, les yeux de la succube redevinrent normaux, et le jeune homme, suant à grosses gouttes, put reprendre son souffle.

 — Sale garce, grinça-t-il entre ses dents.

 Satisfaite, Lamia s'éloigna et, la main sur la poignée de la grande porte d'entrée, elle lui lança :

 — Mon p'tit flic, comme tu dis, a un nom, ce serait bien que tu t'en souviennes.

 Et elle claqua la porte. Dehors, la lune brandissait sa lumière éclatante sur la ville. Belle, pleine, lumineuse. Le vent froid caressa ses jambes nues et un délicieux frisson la parcourut. Cette soirée s'annonçait mémorable.

 La succube descendit les marches en pierre et s'installa dans sa Ferrari noire. Elle actionna le moteur qui vrombit de plaisir. Quelques mètres plus loin, caché par les branches nues des arbres et leurs ombres menaçantes, le portail s'activa et la laissa passer. La voiture s'éloigna du château jusqu'à se confondre avec le paysage sombre. Lamia alluma la radio et une musique qu'elle ne connaissait pas prit d'assaut le calme. La musique lui permettait d'éviter de trop réfléchir à cette soirée et à son cœur qui tambourinait dans sa poitrine. L'une des plus puissantes succubes angoissait à cause d'un simple mortel. À mourir de rire !

 Dix minutes plus tard, la démone s'arrêta devant une bâtisse blanche plutôt jolie et propre. Elle sortit du véhicule et tapa le code de l’immeuble. Arrivée au quatrième étage, elle sonna. Lamia pouvait entendre les pas de Stevan à travers la porte, sentir son parfum viril et épicé s'approcher, avant de venir l'enlacer complètement dans un cocon protecteur lorsqu'il ouvrit le dernier obstacle entre eux. Une serviette autour de ses hanches et une brosse à dents dans une main, l'homme ne cacha pas son étonnement de voir la jeune femme aussi vite.

 — Lamia ?! Tu es déjà là ! Ne me dis pas que je suis en retard !

 — Ne t'inquiète pas, tu as encore le temps, je suis venue plus tôt que prévu.

Juste pour avoir le plaisir d'admirer ton corps à moitié nu devant moi. Ses yeux glissèrent avec gourmandise sur son torse musclé et légèrement poilu. Lamia avait toujours trouvé un homme avec une légère pilosité tellement sexy et viril. Une douce chaleur s'immisça dans son bas ventre à mesure que son regard descendait vers l'objet de ses convoitises. Un jolie v lui montrait le chemin de tous les plaisirs. À cet instant, elle maudissait de tout son être cette saleté de serviette qu'elle voudrait réduire en tas de cendres. Stevan ne loupa pas le désir qui brillait dans les yeux marron de sa petite-amie. Mal à l'aise, il passa une main sur sa nuque et se racla la gorge.

 — Je finis de me préparer et j'arrive.

 Il referma derrière elle et tourna les talons. Lamia regarda ses muscles rouler à chacun de ses pas et se lécha les lèvres d'impatience, avant qu'il ne disparaisse dans sa chambre. Elle avait déjà hâte de passer au plat de résistance. Elle avait l'impression que cela faisait une éternité qu'il ne lui avait pas fait l'amour.

 La jeune femme observa l'appartement propre et très peu meublé. Stevan se contentait du strict minimum. Aucune décoration qui prouverait que c'était un jour de fête. Dans le coin du salon, un épais dossier trônant sur le bureau attira son attention. Elle devina qu'il s'agissait d'une enquête. De nature curieuse, elle osa s'en approcher. Lamia savait qu'elle ne devait pas, Stevan lui en voudrait, mais elle ne pouvait pas s'en empêcher. Elle s'installa au bureau et découvrit des photos du cadavre d'un homme allongé sur une table en bois. Ses chevilles, ses poignets et son cou étaient sanglés. Nu, il semblait avoir subi une autopsie. La partie du thorax jusqu'à l'abdomen était ouverte en deux et ses intestins reposaient sur son épaule droite. Un véritable bain de sang ! Près du corps, le cœur de la victime était soigneusement mis dans un bocal en verre.

 Lamia sentit ses sens s'exciter. Ses canines supérieures et inférieures s'allongèrent et ses yeux de succube apparurent. Ses papilles salivaient devant cet organe juteux et appétissant, son envie d'enfoncer ses crocs dans cette chair tendre brûlait sa gorge. La faim la dévorait, son corps s'embrasait de désir.

 Soudain, un cœur battant contre sa prison s'approcha d'elle. Ses battements l’apaisaient et la chamboulaient à la fois. Elle voulait le délivrer pour mieux le savourer, quand la voix de Stevan l'appela.

 — Lamia, tu pourrais m'aider à mettre...

 Sa phrase mourut. Sous le choc, Stevan recula d'un pas. Son regard de démon luisait dangereusement, ses crocs tranchants le firent déglutir. S'habituerait-il un jour à son apparence démoniaque ? Lamia réalisa soudainement sa stupidité et redevint normale. Stevan remarqua alors le dossier ouvert derrière sa petite-amie. Il le prit et disparut quelques instants avant de revenir. Honteuse, la succube baissa le regard. La colère s'empara d'elle. Merde ! Elle avait tout foiré ! Elle se maudissait, se fustigeait de tous les noms. Il fallait qu'elle s'excuse, mais ses mots restaient malgré elle bloqués dans sa gorge.

 — On peut y aller, sauf si tu as envie de...

 — Je t'attends dans la voiture.

 Elle se leva et sortit de l'appartement en trombe sans un regard pour lui. Stevan soupira. Son cœur battait à vive allure. Il s'en voulait. Il aurait dû ranger le dossier pour éviter que Lamia ne tombe dessus. Il l'avait mise mal à l'aise. Stevan espérait juste que sa réaction ne l'ait pas blessée. Le policier se frapperait volontiers la tête contre le mur ! Comme s'il n'était pas suffisamment stressé par cette soirée !

 Un autre soupir fendit l'air. Le couple devait mettre de côté cet incident pour l'instant. C'était Noël, pas la fête des disputes et des séparations. Il prit ses clés et rejoignit sa compagne dans la voiture luxueuse.

 Le trajet leur semblait durer une éternité. Le silence de mort les asphyxiait comme un gaz toxique qui rongeait chacun de leur organe. Lamia serrait le volant de toutes ses forces, au point que ses phalanges devenaient plus blanches que sa peau. Elle était furieuse. Contre elle-même, contre sa curiosité maladive, contre son incapacité à se maîtriser. Et le cœur de Stevan qui ne cessait de battre la chamade la rendait folle. À chaque battement, ses barrières qui l'empêchaient de perdre le contrôle s'effritaient un peu plus.

 — Je suis étonné que tu m'aies proposé cette soirée. Je pensais que les traditions des humains t'ennuyaient ?

 Lamia lui jeta un coup d'œil, confuse. Il souriait, mais ses yeux ne reflétaient pas la même confiance. Elle comprit sa manœuvre et elle l'en remercia intérieurement.

 — Je me suis dit que ça te ferait plaisir, dit-elle en haussant les épaules. Vous, les humains, accordez beaucoup d'importance aux traditions, alors j'ai pensé que t'inviter aujourd'hui marquerait le coup.

 Stevan ne s'attendait pas à autant d'attention de la part de la démone.

 Un sourire attendri fleurit sur ses fines lèvres.

 — Merci.

 Lamia se détendit. Elle se sentait déjà plus légère. La soirée n'était peut-être pas aussi foutue qu'elle le pensait...

 — Et du coup, où m'emmènes-tu dîner ?

 Elle grimaça. Mieux valait ne pas lui dire tout de suite, Stevan risquerait de s'énerver et de vouloir rentrer chez lui. Or, Lamia comptait sur cette surprise pour que son petit-ami laisse ses instincts se déchaîner. Deux semaines qu'elle n'avait pas senti sa queue la remplir, elle n'en pouvait plus ! L'attende était insupportable ! Les sex-toys étaient peut-être bien pour un temps, mais ils ne valaient pas la performance du policier. Auparavant, elle ne se serait pas contentée d'un seul amant.

 — C'est une surprise, si je te le dis c'en est plus une.

 Il insista, mais Lamia se mura dans son silence. Un peu déçu de n'avoir aucun indice, Stevan observa le paysage qui défilait devant lui. Le panorama donnait une atmosphère romantique. La ville scintillait sous le ciel sombre comme un gigantesque arbre de Noël. Un océan de couleurs dansait autour d'eux, les encerclait tel un cocon protecteur, et vint se refléter dans leurs yeux. Il admira Lamia et suivit les traits de son visage. Ses yeux marron mis en valeur par de longs cils noirs, son nez fin, sa mâchoire carrée, ses pommettes hautes, ses lèvres pleines et rouges qu'il rêvait de sentir autour de son membre.

 Alors qu'il s'apaisait, l'atmosphère chauffa crescendo. La panique le prit. Il avait peur de comprendre. Il connaissait beaucoup trop bien cette sensation. Stevan regarda partout. Tout s'était figé, comme un film qu'on mettait sur pause. Les passants ressemblaient à des figurines. Le couple roulait à vive allure entre les voitures. L'air le brûlait presque, lorsque des flammes jaillirent devant eux.

 — Oh putain !

 Lamia appuya d'un coup sur l'accélérateur et la voiture franchit le portail enflammé.

 — Bordel de merde, Lamia ! Tu veux me tuer ou quoi ?! Ne me dis pas qu'on se trouve...

 — En Enfer, si.

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