Un premier baiser?

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Je crois que le moment était venu, mais le courage, ce courage qu’il faut aux hommes pour faire les premiers pas, celui qu’on leur impose dans ce jeu de rôle, il ne m’était pas naturel. Pourtant, j’y tenais à ce moment presque qu’autant qu’à ma vie. Il fallait que je le fasse, un pas, un vrai! Sinon je savais que je la regratterais toute ma vie, elle.

Il a été dit par Anaïs Nin;

« L'alcool n'est pas seul à pouvoir libérer la conscience. Les sentiments passionnés en sont également capables. »

Je ne crois pas qu’Anaïs n’ait jamais aimé une femme! Car ce soir-là, autour d’une table de billard, dans l’ambiance feutrée et festive de l’événement bénéfice que nous organisions, que nous célébrions en groupe et qui arrivait à grand pas, c’est bien de whisky dont j’ai eu besoin pour lui dire à l’oreille:

Moi : « Il faut que je te parle »

Elle : « Oui, quoi? »

Moi : « …En privé… »

Elle : « Qu’est-ce qui se passe? »

En un soupir timide je laissai sortir de ma bouche ces quelques mots qui me surprirent moi-même:

Moi : « Je crois que je suis bisexuelle »

Oui, bon! Ça n’était pas la meilleure réplique, mais ça avait l’instance d’être clair… pour moi du moins… et ça la fit réagir d’une façon à laquelle je ne m’attendais pas.

Il ne fallut pas une seconde qu’elle déposa sa queue de billard et la partie qu’elle menait, me fit signe du regard de la suivre, empoigna un tabouret qu’elle fit glisser sur le plancher nous éloignant du groupe jusqu’à une petite table pour deux au fond de la salle. Elle me fit signe de m’asseoir et d’attendre, parti chercher sa bière en bouteille et m’offrir un autre whisky avant de revenir s’asseoir, de poser les breuvages sur la table et de s’y accouder en me regardant droit dans les yeux.

Elle : « Donc, qu’est-ce qui te fait dire ça? »

Je me sentais dans un interrogatoire. Un interrogatoire exaltant que je ne m’étais pas préparé à affronter, mais au bout duquel j’espérais qu’elle obtienne les réponses que j’étais venue lui dévoiler.

Moi : « J’ai rencontré une fille récemment »

Elle : « Ok… »

Moi : « Et j’ai des sentiments pour elle …enfin… je crois»

Je ne pourrais relater exactement la suite de cette conversation qui remonte maintenant à sept ans mais, je peux vous dire… qu’elle ne comprit pas. Elle me raconta plus tard néanmoins que son meilleur ami, qui nous avait accompagné ce soir-là au petit bar miteux, lui avait répondu quand elle lui avait raconté la scène « Et toi la grande, t’as pas allumé? C’était clair non? ». J’imagine que sa rhétorique nous a aidé pour la suite, parce qu’avec mes grands talents et sa compréhension de mes subtiles avances nous aurions pu tourner en rond longtemps. Comme de hasard elle m’invitait la semaine d’après à aller chez elle. Invitation que je tardais à accepter, peut-être pour me faire désirer, ou peut-être parce que j’appréhendais ce qui pouvait se passer.

C’est le soir du fameux souper bénéfice que j’acceptais finalement la demande et mes parents, chez qui je vivais et qui la considéraient uniquement comme une amie, n’y virent aucun inconvénient.

Je ne voyais que ses lèvres danser devant moi et la hâte de me retrouver seule avec elle se faisait sentir comme jamais auparavant. J’étais ivre, ivre de bonheur de sentir sa confiance chavirer se rapprochant timidement de moi, de la voir peser ses mots pour me plaire et tenter de m’épater et de me faire rire à chacun de ses actes. Quand je m’assis sur son lit, je remarquai par terre une pochette de dvd rouge vif que je pris entre mes mains. À peine avais-je pu lire les trois grosses lettres noires XXX sur la pochette qu’elle effectuait un vol plané de l’autre côté du lit double, me l’enleva des mains, couru à la cuisine et la jeta dans la poubelle en me lançant : « C’est rien ça ! Ce n’est pas à moi de toute façon! ». Je ne pouvais m’empêcher de rire en me disant qu’il y a bien seulement une femme pour être aussi sincèrement embarrassée dans une telle situation.

Quand l’heure de se coucher arriva, elle n’avait toujours rien tenté et avait agi comme un…une vraie « Gentlewoman ». Étendue chacune de notre côté, toutes deux tournées vers l’extérieur du lit, dos à dos, incapables de s’endormir je cherchais un moyen de renverser la vapeur. Je fis alors semblant de me lever lentement en disant d’un ton naïf : « Non mais… moi ça m’intrigue de savoir c’était quoi le dvd…». Je n’avais pas fini ma phrase que ses bras autour de mes côtes, juste sous mes seins, me ramenaient dans le lit. Elle, collé de tout son long contre mon corps. Je pouvais sentir son souffle court et rapide sur ma nuque et évidement elle devait sentir le mien qui s’accélérait à son contact. Nous étions incapable de quitter cette étreinte, immobiles, je sentais sa chaleur contre ma peau mais elle ne tentait rien de plus et en moi tout devenait clair et me troublait. Après un long silence qui me sembla durer une éternité, elle me souffla à l’oreille avec une voix douce et sensuelle que je lui découvrais : « Si tu crois que…peut-être…si…tu crois être bisexuelle… je peux peut-être… t’aider… » . Maladroite elle coupa sa phrase d’un trait. Je la sentie se figer toute entière. Elle s’en voulait, mais je savais qu’elle ne voulait ni m’embarrasser, ni me précipiter sauf que… j’en avais terriblement envie.

Je me retournai alors comme un dix sous entre ses bras pour me mettre face à elle. Nez à nez j’attendais ce baiser comme une promesse, comme une révélation… mais elle ne fit rien, étonnée de par mon assurance. Sous ses yeux béats qui me regardaient tendrement, c’est moi qui lui volai notre premier baiser.

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