Prendre son courage à deux mains!

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L’idée était belle oui, mais la mettre en œuvre relevait d’une toute autre paire de manches. Je le rappelle, je ne savais rien d’elle, encore moins si je pouvais lui faire confiance ou lui plaire, et avouons-le, j’étais assez extravagante. Avait-elle seulement quelqu’un dans sa vie ? Les femmes lui plaisaient-t-elles ? Si oui, quel type ? Avait-t-elle envie d’aimer ? De s’engager ?... Et moi ? Tant de questions. J’étais dans le néant et j’avais peur, peur de chambouler ma vie, peur d’avoir mal, mais surtout, peur de me tromper ou que ce sentiment soit temporaire et de faire mal aussi. Je passai donc deux semaines en silence à me sonder perpétuellement et à tenter de voler un indice ici et là en espérant secrètement qu’elle me remarque.

C’est à la Saint-Valentin que je risquai le tout pour le tout pour capter son attention. Mais, hey ! Oh ! Personne ne devait savoir ce que je ressentais. Moi, étiquetée « lesbienne » pour l’histoire d’une seule femme ? Et si ça ne fonctionnait pas pour moi ? Et si j’étais rejetée ? Êtes-vous seulement conscient de l’impact que cette nouvelle, une fois dévoilée, aurait dans ma vie ? Peut-être, mais nous y reviendrons dans un autre chapitre. Pour l’instant, nous avions encore neuf semaines à passer en groupe. Je ne pouvais me permettre un froid et un revers aussi monumental.

Néanmoins, la « quétaine » en moi maintenant réveillée, prenant son courage à deux mains, je me lançai dans un projet artisanal comme je n’en avais jamais fait pour camoufler mon intention véritable. Je confectionnai une carte de Saint-Valentin personnalisée pour chacun des participants du groupe, soit treize. Le jour venu, chacun reçut la sienne, amusé et surpris. Quand vint son tour, à elle, je laissai transparaitre malgré moi un sourire et un regard gêné. Je ne me rappelle même pas si à ce moment-là j’ai eu le courage de la regarder dans les yeux, mais le contact de sa main frôlant la mienne en prenant l’enveloppe me fit frissonner. J’aurais eu envie qu’elle ne la lâche jamais.

De l’autre côté de la table de conférence, je sentis son regard se poser sur moi de plus en plus fréquemment et les sourires échangés se multipliaient. Avais-je seulement une chance ? À ce moment je commençais à y croire, à me faire confiance.

Les jours suivants, ma motivation pour me rendre à la formation se décuplait, surtout qu’au cours de nos nombreuses conversations enflammées j’appris qu’elle venait de mettre fin à la fréquentation qu’elle avait depuis quelques temps. La raison, pour être honnête, ne m’intéressait même pas. Elle était libre et encore mieux, la fréquentation avait été une fille. Une fille ! C’est tout ce que je voulais savoir ! Ça, et qu’elle était libre.

À ce stade je crois que nous étions amies, et dans ce groupe de jeunes stagiaires, entre les amies avec un grand E, les étreintes étaient… courantes. Étrangement, personne ne remarqua que les nôtres, qu’elle initiait souvent, étaient… tendres, et d’une durée supérieure à la moyenne. Étrangement aussi, c’était toujours moi qui y mettais fin en me surprenant à humer l’odeur de sa peau.

Avec recul, malgré cette béatitude évidente que je ressentais dans ces bras entre lesquels j’avais envie de littéralement m’abandonner, et malgré que je sois capable de m’avouer sans honte mon attirance irréprochable pour elle, le regard des autres sur mon intimité anonyme et naissante était difficile à supporter. Non, personne ne le savait, mais de ces étreintes fleurissait en moi un désir qu’il m’était impossible de révoquer et tous les soirs je m’endormais en regardant secrètement une photographie de ce visage qui m’inspirait le bonheur. Je savais désormais ce qu’il en était pour moi, mais elle, de son côté qu’en était-t-il réellement ? Comment savoir si ce sentiment insondable était réciproque ? Comment pourrais-je lui dire ? Elle qui me croyait hétérosexuelle et moi qui ne le savais pas avant elle. Comment lui faire véritablement comprendre ?

Puis, un bref moment lors d’une formation intensive de deux jours à Montréal alors que je me réveillais, au milieu de la nuit dans la pièce qui nous servait de dortoir, étendue sur le sol dans mon sac de couchage. Mes yeux mi-clos prirent quelques secondes à comprendre la scène et à réveiller ce sentiment traitre qui me prit dans les tripes.

Étendue en face de moi, un peu à droite, encore si proche, ses pieds pouvant presque toucher les miens, une autre que moi c’était lovée au creux de son épaule. Qu’avais-je donc manqué ? Je la voyais là, étendue sur le dos, les mains derrière la tête, la bouche entre ouverte, cette expression paisible sur le visage, ses longs cheveux noirs s’étalant dans la pénombre. Je me croyais discrète à la contempler quand elle ouvrit les yeux, comme surprise et trouvant immédiatement mon regard. Son sourire sincère me toucha, lui, suivi de son regard décontenancé se posant sur cette fille lovée contre elle et revenant à moi. Elle, disculpée de tout doute. Elle ne le savait pas. Je souris et me retournai pour m’endormir les papillons au ventre. Elle avait eu peur que je me méprenne, et si elle avait eu peur, ça voulait dire… Un autre cap était passé.

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