Un début à tout

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Je l’appréhendais depuis ma plus tendre enfance. Chacun de mes rêves secrets y était étroitement lié. On devait penser de moi que j’étais extrêmement naïve, inconsciente ou beaucoup trop jeune pour comprendre, mais j’y croyais coûte que coûte, tout bas, silencieusement, ardemment. L’amour, le vrai, le mien, il existait quelque part et il me cherchait sans peut -être même encore le savoir… J’avais six ans.

Bien sûr quand on est jeune les questions fusent de toutes parts à tout âge et les interprétations hâtives aussi. Un copain devient rapidement un amoureux et le sens de découverte est tabou dans pratiquement toutes les familles malgré qu’il soit naturel. Heureusement pour la mienne j’avais la réputation de Sainte-Nitouche… au grand malheur de ma confiance en moi, mais je ne baisserais pas les bras si facilement, après tout, j’avais seulement treize ans.

Oui bien sûr, je vécus des frissons, je tombai amoureuse et je vécus des expériences, comme tout le monde, mais au bout du compte mes espoirs de rencontrer ce dont j’avais rêvé pendant plus de dix ans s’amenuisaient, car, aussi parfait, beau et charmant était le garçon que je pouvais rencontrer, aussi froid mon cœur restait ou devenait rapidement à à peine 18 ans. Cette idée naquit alors en moi comme dans la plupart des adolescents(es) de cet âge : Vis, éclate-toi, pas besoin de s’attacher ou de vivre LE grand amour, vis l’amour de la vie, vis!

Dans cette lancée enivrante je m’inscrivis dans un stage humanitaire aux Honduras. Je passais alors 2 semaines dans une frénésie totale avant le début de la formation pré-départ. Le grand jour arrivant enfin, je mis ma chemise à carreaux blanche et bleu marin dont je remontai les manches jusqu’aux coudes, une jupe courte en corde roi beige avec une paire de collants rayés rouges, bleus poudre, et verts kaki, une veste rouge vin, mes converses argents à paillettes et comme touche finale signée ‘’stage humanitaire’’ un bandana rouge à motifs dans mes longs cheveux roux.

En y repensant bien aujourd’hui je ne comprends toujours pas ce style auquel je tenais tant, mais bon, il fut involontairement un atout à la plus belle rencontre de toute ma vie, alors je ne m’en tiens plus rigueur.

Je rajoutai au personnage que j’étais à l’époque un long manteau en feutre noir, un épais foulard turquoise, une tuque noire en laine et mon sac en bandoulière brun serti du fameux « carré rouge » pour braver la tempête de janvier et me rendre à l’arrêt d’autobus… oui, oui… avec mes converses à paillettes. Le trajet terminé, j’entrai dans la pièce sûre de moi, 7h53, révisant mentalement mes bases en espagnol. Puis, je m’assis près des responsables de la formation me présentant brièvement au groupe, déposant mon sac sur la chaise à ma droite et impatiente de commencer et d’en apprendre plus sur notre destination.

8h12 nous attendions les derniers retardataires et je perdais déjà patience, mais à peine cette réflexion me frôlait l’esprit que la porte s’entrouvrit. Le temps, je le jure, se figea à ce moment précis et mon cœur se mit à battre à tout rompre… je n’avais pas encore vu son visage, mais je savais…Enfin!

Enfin… je ne m’y attendais pas! Je ne le cherchais pas et presqu’au contraire, je comptais profiter d’un jeune célibat pour vivre, séduire, me faire séduire, boire, fêter… bref tout ce dont les jeunes peuvent rêver. Mais quand je vis ses yeux bleus perçants balayer la pièce et se poser sur moi, que mon bras machinalement retira mon sac de la chaise à ma droite en soutenant son regard et qu’en lui lançant mon plus beau sourire je l’incitais à y prendre place, que son sourire rendu me fit rougir, que mon souffle se coupa et que mon cœur bascula véritablement pour la première fois, ma perspective de ma jeunesse revient alors drastiquement à mon plus vieux rêve… jusqu’à ce que je me rende compte que ma vie ne serait plus jamais la même. ELLE venait de tout chambouler en passant un simple cadre de porte. Pour elle j’étais déjà prête à tout et je ne la connaissais même pas encore.

Le soir même je mettais fin à ma fréquentation naissante avec un charmant jeune homme et quand il me demanda pourquoi ma réponse ne pouvait être plus honnête :

Moi : « J’ai rencontré une fille aujourd’hui et j’ai des sentiments pour elle »

Lui : « Il s’est passé quelque chose entre vous? »

Moi : « Non, mais si j’ai des sentiments pour elle alors que je ne savais même pas que je pouvais être attirée par une fille je ne crois pas qu’on puisse aller plus loin toi et moi. »

Lui : « Je comprends. Je ne peux pas rivaliser avec une fille. Mais est-ce que tu veux en parler? »

Et nous en avons parlé. C’est même lui qui me donna mes premiers conseils de drague et je le remercie encore pour sa compréhension incommensurable. Les gens négligent souvent le courage qu’il nous faut pour s’avouer à soi-même être quelque chose que nous ignorions totalement et qui va à l’encontre de nos propres valeurs familiales, mais ses paroles ce soir-là dans les estrades du terrain de baseball, furent pour moi un baume sur le cœur d’une plaie que j’ignorais avoir. Comment le décrire… au cours de cette conversation franche, asexuée et objective je découvris un nouveau côté de moi-même…ce petit prince charmant endormi que la vérité venait de réveiller. Il me sembla avec lui naturel que l’amour trouve son chemin peu importe comment il se présente dans nos vies et aussi invraisemblable qu’il puisse nous paraitre. Jamais je n’aurais pu rêver un meilleur confident pour cette première discussion sur ma bisexualité, ce mot qui à l’époque me faisait si peur.

Quand je la revis le lendemain matin, à la 2eme journée de formation, je me sentais légère et mystérieusement confiante contre toute attente. Malgré son look de Tom Boy l’idée que j’avais en tête me plaisait plus que tout au monde: la charmer.

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