Le câlin du Yoshi III.

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La courtoisie régnait sur les banquettes de plastique mou; une place pour chacun et chacun à sa place. La mienne, celle d'aujourd'hui, allait arriver d'un instant à l'autre. Mes regards étaient si insistants et tellement pleins de convoitise que ma smart watch en rougit de gêne.

"ProjetFun. Veuillez prendre la troisième correspondance. Une fois arrivé à destination, suivez les panneaux directionnels correspondants".

Mon excitation était telle qu'elle voilait dans une parfaite indifférence les nominations des autres qui tout autour vibraient. J'étais comblé et j'avais le temps de le publier sur mon profil. "Aujourd'hui ProjetFun! #lifeisperfect #happy" écrivais-je avec l'habitude d'un utilisateur confirmé; les notifications sous les effigies de petits visages jaunes souriants, envoyant un baiser et les pouces bleus ne se firent pas attendre. Il était bon d'être si bien entouré. Dans la voiture, tout le monde se congratulait délicieusement de la même manière.

Il était tout bonnement impossible de se perdre à travers toutes les voies que comptait la très grande gare du nord. Chaque usager n'avait qu'à suivre les indications. Un miracle organisationnel dont je profitai avec joie. Marchant à travers les allées blanches dont on pouvait apprécier le parfum microbicide de la lavande de synthèse, je remerciais les inventeurs d'un tel prodige sans pouvoir en citer un seul. Qui s'en souciait ? Cela fonctionnait incroyablement bien. Si bien que je fus au but si rapidement que je ne vis sur mon passage qu'une poignée d'affiches préventives du comité sanitaire, sur lesquelles on pouvait voir un vieux souffreteux se prenant la tête entre ses mains crispées. Une phrase semblait le soulever. Porté ainsi comme par un espoir de rémission, il faisait moins peur :

"N'oublie pas ton vaccin contre la tristesse".

Ces annonces faisaient date. Plus personne ne pouvait dire exactement quels étaient les premiers symptômes et comment cette épidémie se propageait à l'époque. À l'instar de la peste, il ne restait qu'un nom lourd d'une souffrance passée, surannée. Elles étaient mentionnées dans les lignes de e-readers d'Histoire rétros. Tout cela se prêtait à une fièvre archéologique passionnante et pleine de découvertes. Cependant, je finis par quitter cette envie naissante. L'excitation que je nourrissais pour le projet d'aujourd'hui, le ProjetFun, en effaça les contours. Je laissai la trottinette électrique au milieu de ses congénères. Elles semblaient attendre des utilisateurs avec une patience sans limite.

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