Massacre à la trottinette VI.
Alertée par mon rugissement la foule de joyeux vint pour un câlinage de masse. Je commençai à en bousculer quelques uns avec des mains dans la figure, des insultes généreusement lancées dans le tas et des coups de pieds parfois bien placés. Rien n'y faisait. Leur avancée était tout aussi inéluctable qu'étouffante. Je reculai devant leur nombre en serrant mes poings ; résolu à trouer de quelques dents en moins leurs imperturbables sourires. Pourquoi souriaient-t-ils tous ainsi ?
— Vous trouvez ça drôle ?! Je riais frénétiquement, la panique n'étant pas loin.
Dans ma retraite aveugle je vins percuter avec mes talons un troupeau de trottinettes. Ces saloperies étaient toujours laissées n'importe où, au beau milieu du passage. Je ne supportai pas ça. De plus elles étaient responsables de ma chute au moment le plus fatidique, pendant mon baroud d'honneur. Étendu de tout mon long, dos au sol je me débattais avec mes nouveaux adversaires. Je me relevai ; les frappais de violents coups de savate. On pouvait frapper les trottinettes ; les trottinettes ne se rendaient pas ; les trottinettes... Je m'éclatai le pied dès la première volée sur une de mes victimes électriques. Me tenant l'endroit douloureux entre mes mains, souffrant à cloche-pied, je réalisai un peu tard que parfois les trottinettes pouvaient aussi faire mal ; elles pouvaient faire très mal... J'en saisis une par la tête avec l'idée de partager, stricto sensu, ce nouveau ressenti. Mes aimables collègues, eux non plus, ne se rendirent pas quand je vins leur présenter ma découverte. J'avais opté pour un repli agressif leur nombre était pour eux un avantage certain. Je défigurai à reculons chaque visage rayonnant de bonheur qui se présentait devant moi.
Armés seulement de leur tendres intentions ils vinrent teindre d'un rouge sombre mon fléau improvisé. J'avais mal aux bras. Ils tombèrent sous mes coups furieux. Hommes, femmes, jeunes et vieux. Le premier d'entre eux était un beau brun aux yeux verts. Les autres n'étaient que des cadavres. Le hall désinfecté à la lavande de synthèse s'était habillé de macchabées. Il ne restait plus que le Yoshi. Je ne reculai plus, j'avançai, moulinant avec une toute nouvelle habitude mon assommoir, je savourai déjà la disparition prochaine du reptile.
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