Massacre à la trottinette V.

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Je devais être un spectacle touchant ; affaissé sur le plastique mou de ma banquette, j'attirais à moi les joyeux usagers. À la file indienne ils attendaient les yeux rieurs. Je les trouvais à présent laids. Dans leurs costumes vert pomme, ils faisaient pitié. Je me levai quand même plus par habitude que par envie. j'étais l'objet de leur humeur. Ils me prirent dans leurs bras. À chaque embrassade, je perdis un peu plus de mon aplomb. J'aspirais à une solitude qu'ils m'interdisaient par leurs remèdes affectueux. Nous arrivâmes tendrement à la gare du nord. La station était grande, immense même. Cette idée et ma naïveté m'apportèrent un soulagement. Plus il y avait d'espace entre l'hilarité des autres et moi-même plus je pourrais respirer. C'était sans compter sur le comité d’accueil. Un yoshi portant son œuf nous fit coucou à travers la vitre. Les passagers ne tardèrent pas à imiter le dinosaure poussant des petits cris de joie. Nous sortîmes du tram afin de nous mettre en rang face à lui. Je pris la dernière place. Qu’espérais-je vraiment ? Je ne voulais pas de nouveau finir dans les bras de qui que ce soit : je désirais simplement être seul. Seul avec moi-même. Ce souhait semblait impossible à réaliser. Dans ce hall purifié à la lavande de synthèse, j'étais condamné à la bonne et pesante compagnie d'autrui. Je m'approchai du plus gai d'entre eux. Après quelques instants seulement je pouvais plonger mon regard dans ses yeux rose pastel. Dans ses mains son œuf moucheté de vert, il me le tendit en dodelinant d'une jambe sur l'autre, poussant ses onomatopées. Les muscles de ma gorge se serrèrent. Un rire sorti :

— Tu te fous de ma gueule ?!

Mes paroles n'avaient aucun effet sur lui, ni sur les autres. Moi ? J'étais choqué. J'ignorai être capable de telles paroles, d'une telle violence. Yoshi remarqua mon refus. Il me posa l’œuf dans une main. Je le lâchai immédiatement comme si son contact était ardent. Pourquoi je ne le voulais plus ? Ne l'avais-je pas tant espéré ?

— Tu sais où tu peux te le mettre ton œuf ?!

L'animal tenta un câlin. Je repoussai le reptile de toute mes forces.

— Fous-moi la paix! Je criai avec une telle conviction que j'en avais perdu mon souffle.

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