Massacre à la trottinette II.

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Nous étions une petite dizaine à nous tenir les côtes devant une nouvelle vidéo. J'ignorais que mettre un concombre derrière un chat pouvait avoir cet effet-là. Tranquillement en train de manger, le greffier était surpris par une ombre posée derrière lui dans un de ses moments les plus intimes. On aurait pu croire qu'il allait se défendre à coups de griffes et de dents contre ces courges prises d'une soudaine scoptophilie : Il fuyait. Était-il honteux de son manque de vigilance ? Était-il vraiment effrayé ? Ces félins cultivaient d'ordinaire une image nonchalante couplée à une efficacité redoutable. C'était du moins ce qu'on disait d'eux. Moi, je n'en avais jamais vu. Qu'est-ce qui poussait cet animal à déguerpir comme ça ? On aurait pu trouver une réponse si seulement cela nous intéressait. Après tout, nous, on ne voulait que rire de lui. Nous nous prîment dans les bras après avoir calmé notre hilarité collective. Les uns après les autres je serrais contre mon buste le corps avenant et chaud de mes tendres collaborateurs. Tous affichaient une attitude si positive que j’eus du mal à ne pas faire de même. Pourtant, profitant de cette proximité, j'examinai nez et lèvres afin de savoir qui parmi ces bienheureux pouvait porter le titre de happyface38. C'était impossible. Ils avaient tous un visage rieur et les pupilles dilatées. Ma montre était de nouveau verte. Je repris le projet là où je l'avais laissé, c'est-à-dire au score frustrant de 2940 points. À un tétrominos près du niveau supérieur... Tout en m'asseyant je lus à voix basse les noms de mes partenaires qui s'affichaient sur le tableau des résultats. Pour l'instant je n'étais pas le dernier. Cette idée me rassérénait. Les six dernières heures allaient être déterminantes et je comptai bien faire mon possible pour ne pas être le moins productif.

J'avais repris ma concentration. Tout ce qui était autour de moi fut enveloppé d'un parfait désintérêt. Le chrono qui courait sans arrêt, les tapotages frénétiques des autres consoles, l'agacement d'une voix basse qui parfois se faisait un peu trop audible. Je me voyais. J'étais dédoublé en un tiers incapable de sentir mon corps en action. Ce projet me semblait similaire à tous les autres projets auxquels j'avais pu participer avant. J'entrai dans une mémoire physique, une exécution automatique. Rien ni personne n'aurait pu m'empêcher d'arriver à mes fins. La première place. J'approchai d'ailleurs du trio de tête. L'agacement se fit plus aigu. Je n'étais qu'à deux tétrominos de la troisième place alors occupé par catlover5. Je me penchai de plus en plus sur mon poste comme pour gagner en vitesse, mon buste écrasé sur le plastique noir du bureau. Un ensemble de quatre carrés descendit sur le terminal. Il ne pouvait pas m'échapper. Je convulsai. Mon efficience provoqua alors des protestations à deux ou trois postes du mien. J'y étais parvenu.

— À nos aimables collaborateurs. Nous tenons à vous informer qu'ayant été perturbé par une anomalie, le poste 8 va être déconnecté et ses points partagés par toute la ligne numéro 2. Veuillez continuer l'activité en cours. Merci de votre tranquillité.

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