Chapitre 1

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Je m'appelle Emma James. Ce n'est pas mon vrai prénom. J'ai 23 ans. C'est mon vrai âge. Je travaille dans un restaurant, non loin de mon appartement, ce qui est assez pratique. Cela fait presque un an maintenant que j'y habite. J'ai des amis, principalement des collègues de travail mais ils me suffisent. Je ne parle jamais de mon passé. Je profite de ma liberté. Une vie simple.


Avant, ce n'était pas comme ça. Avant, j'étais prisonnière. J'en ai des choses à raconter mais pour l'instant, c'est un secret. Je ne veux mettre personne en danger.


Malheureusement pour moi, le temps a filé rapidement, trop rapidement, et bientôt, je devrais reprendre la route et trouver un nouvel endroit où m'installer. Je suis d'ailleurs, trop longtemps, restée ici. Je me suis mise en danger moi-même.


Ma vie est pourrie mais je dois faire avec. Le principal est que je sois vivante et libre. Je ne peux pas regarder en arrière mais je ne peux pas non plus avoir la vie de tout le monde. Je ne peux pas tomber amoureuse, ni même fonder une famille, construire un foyer et y vieillir. Je serai en cavale toute ma vie. Au moins, ça me fait voyager.



– Si tu devais choisir entre lécher cette assiette sale et servir la table 3 à ma place, tu choisirais quoi ?

Ma collègue et amie Amanda vient de me poser une colle. En effet, la table 3, qu'elle sert, comporte deux personnes totalement charmantes : la première personne était un homme, d'une cinquante d'années, barbu, petit et trapu qui ne fait que de se plaindre depuis qu'il a posé ces fesses sur cette chaise : soit le verre est trop sale, soit son plat est trop froid ou soit la musique de fond est trop forte. La deuxième personne est une femme du même âge, environ, sûrement sa compagne, qui elle, passe son temps à râler contre lui. Dès qu'elle ouvre la bouche, ce sont des hurlements qui y sortent. Toujours sans aucune gêne, elle a même sorti une cigarette avant de l'allumer alors même qu'elle se trouve à l'intérieur de l'établissement. Ma pauvre collègue a dû lui expliquer, avec beaucoup de mal, que c'est interdit.

Je comprends alors son énervement mais en fixant l'assiette, puis cette table, je choisis sans mal:

– Je préfère de loin lécher cette assiette.

Amanda fait la moue, à bout, ses épaules s'affaissant.

– J'espère qu'ils ont bientôt terminé et qu'ils ne me commanderont plus rien sinon je jure de commettre un meurtre, continue-t-elle et je la prends gentiment dans mes bras pour la réconforter.


Cela me fait bien rire, je dois le reconnaître. Ce métier réserve beaucoup de surprises mais pas forcément de bonnes.


Je lui frotte le dos en imitant sa moue et la relâche enfin.


– S'ils ne te donnent pas de pourboire, là tu pourras les tuer et je t'aiderai volontiers, tenté-je de la faire rire.


Cela marche puisqu'un sourire apparaît sur son visage. Elle me frappe, néanmoins, avec un torchon, comprenant que je me moque d'elle.


– Bon allez, je retourne en salle, finit-elle par dire avant de me quitter, très heureuse.


Derrière le bar, je termine de préparer la commande d'un client, assis à l'une des tables dont je m'occupe. Je relève rapidement la tête pour zieuter vers l'horloge. Il me reste encore une heure à tenir avant que ma journée ne soit terminée. Je ne suis pas de service ce soir alors il est encore très tôt. Je pense à mon frigidaire vide et conclus que je dois faire des courses juste après. Me plonger dans mon minuscule divan pour regarder une série n'est pas pour tout de suite. Je souffle de mécontentement avant d'afficher mon faux sourire habituel pour aller servir le client.


Cela fait donc bientôt un an que je travaille ici. Je m'y sens à ma place, il me plaît, bien qu'il soit fatiguant. J'avais postulé à beaucoup d'annonces qui ne demandaient pas un niveau d'études. Puis, après avoir galéré pendant plusieurs semaines pour garder mon logement, faute d'argents, le patron de ce petit restaurant m'a contactée. Il n'a pas trouvé cela dérangeant que je ne sois pas de ce pays, que je n'ai aucune qualification et diplôme à lui présenter. Il m'a formé et en quelques jours à peine, je connaissais tout par cœur. Il m'a donc gardé et maintenant je suis toujours au même poste. Cela me convient surtout que mes collègues sont tous adorables.


Pourtant, j'ai grandi dans un monde où tout m'était accessible. On me donnait tout ce que je voulais et on m'a offert un avenir plus que satisfaisant sur un plateau d'argent. J'ai refusé cela car d'une certaine manière, j'étais prisonnière. On ne me donnait pas le choix. J'ai fini par fuir ce monde et par en découvrir un autre que j'affectionne énormément.


J'apprécie même aller faire quelques courses. Chose que je ne faisais jamais avant.
D'ailleurs, ma dernière heure de travail s'écoule rapidement et je peux enfin arpenter les rayons d'un magasin. Je prévois une soirée tranquille, comme les autres soirs, par ailleurs, et choisis une pizza pour dîner. En dehors du travail et des courses, je ne sors pas beaucoup de chez moi. J'évite. Cela est plus prudent. Je ne peux pas m'exposer davantage.


Mes pensées dérivent souvent vers mon avenir. Je ne peux pas rester plus longtemps ici, je dois prendre une décision. Au début, je pensais rester six mois mais je me suis attachée à cet endroit, à mon boulot, à mes amis. J'ai abusé de six mois de plus et maintenant, il ne me reste plus qu'à reconstruire tout ça dans une nouvelle ville. Cette fois-ci, je vise plus petit. Je me trouve actuellement dans une assez grande ville car il était impératif que je me plonge dans la masse. Pourtant l'option d'un petit village est envisageable également. Un coin perdu serait parfait, un endroit où on ne penserait pas m'y dénicher.


Après avoir rempli mon chariot, je prends la direction du rayon teinture pour cheveux. Je suis née rousse mais en arrivant ici, je devais changer et j'ai opté pour du brun. Mes cheveux étant également frisés de base, je passe tous mes matins à les lisser en ayant gardé ma longueur néanmoins. Nouvelle destination dit nouveau look et devant la multitude de couleurs à ma disposition, je décide de partir sur un blond. J'en profite pour acheter également un ciseau. Une coupe plus courte est un énorme changement pour moi mais c'est nécessaire.

En plus des cheveux, je porte aussi des lentilles. Mes yeux verts se sont transformés en yeux marrons.


Ce soir, je chercherai une nouvelle destination. Dans quelques jours, je donnerai ma démission et le soir même, je quitterai la ville. Il ne me reste plus beaucoup de temps pour me préparer. Je pars, néanmoins, avec des regrets.

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