Moi : « Salut ma grande !

Elle : - Bonjour ! Eh bien, d’où nous vient ce grand sourire ?

Moi : - Depuis ce matin, je me sens un peu mieux, j’ai enfin vu des recettes au beurre dans "Le Monde". Ils ont enfin revu le sens du mot "réconfortant" et se sont aperçus que winter is coming.

Elle : - C’est important, le beurre, en hiver ?

Moi : - Oui, il est très important de se faire une couche de gras pour mieux résister au froid.

Elle : - Donc… en hiver, tu ne grossis pas mais tu te protèges du froid ?

Moi : - Voilà. Non, en fait, pour être tout à fait honnête avec toi, je souhaite juste essayer plein de trucs en ce moment. Les recettes bio, sans gluten et/ou véganes, j’en peux vraiment plus. Puisqu’on va direct vers la fin du monde, autant y aller franchement.

Elle : - Ah. Et le beurre, c’est extrême ?

Moi : - Je n’en suis pas sûre à 100 %, mais d’après mon expérience, on se pète rarement la sous-ventrière avec des crêpes quinoa-lait de riz ou une décoction de chou kale, et on fait assez peu fréquemment des orgies de produits Björg. Culinairement parlant, je connais plus fun.

Elle : - Toi, tu es beaucoup plus fromage et oignons…

Moi : - Ça t’a marqué, ça. Eh bien figure-toi qu’en cas de non-accord sur le Brexit, Marks et Spencer ne pourra sans doute plus importer ses sandwiches d’Angleterre où ils sont fabriqués. En fait, si, ce sera toujours possible, mais si les produits frais restent coincés en douane deux ou trois jours, c’en est fini des sandwiches britanniques. Tout le monde se focalise sur les quotas de pêche à l’heure actuelle, mais personne ne parle de cette autre épée de Damoclès suspendue au-dessus de nos têtes.

Elle : - Quoi, ça va nous tomber dessus ?

Moi : - Ça se pourrait bien. Les quotas de poisson, je m’en fiche un peu, mais si le Brexit me prive de mes sandwiches préférés…

Elle : - Non mais des épées qui tombent du ciel, ça abîme les carrosseries…

Moi : - On n’a vraiment pas mesuré toutes les conséquences de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Il y a bien des drames en coulisse qui se préparent, avec tout ça !

Elle : - On va reparler de beurre, si causer sandwiches te déprime.

Moi : - La vraie question c’est : que faire en cas d’Apocalypse imminente ? Mieux vaut tout essayer, tu ne crois pas ?

Elle : - C’est l’Apocalypse, la fin des sandwiches ?

Moi : - Mais non, je suis revenue sur le sujet de la pandémie !

Elle : - Pfiou, moi, entre le Brexit et la pandémie… Y a pas de bonnes nouvelles en vue, pour changer un peu ?

Moi : - Ben non. Et avec tout ça, on ne sait plus quoi faire, voilà la vérité. J’ai rarement eu autant envie d’évasion et si peu d’occasions de me laisser aller.

Elle : - Si ça peut te consoler, ça n’a jamais été super ouf avec toi, même quand on pouvait faire tout ce qu’on voulait.

Moi : - Toi, il te faut toujours du flamboyant, de la fantaisie et du délire. Mais ce n’est pas ce qui est en apparence le plus dingue qui est le plus fou, tu sais. C’est ce que j’ai compris à Carrefour l’autre jour.

Elle : - Pardon ?

Moi : - J’ai eu une espèce d’épiphanie devant le Paic citron alors que j’étais coincée devant le rayon détergents – ça, c’est à cause des queues à la caisse qui s’allongent quand on respecte les distances barrière entre clients. Je me suis alors aperçue que l’univers des liquides vaisselle était complètement dément.

Elle : - Tu m’expliques d’abord ce que c’est, les liquides machin…

Moi : - Ce sont des détergents qui servent à enlever la graisse et autres salissures de la vaisselle… tu sais, les ustensiles où nous les humains nous posons la nourriture pour manger.

Elle : - Mmm, je vois à peu près. Ça n’a pas l’air très folichon, tes détergents.

Moi : - En effet, ça ne l’est pas du tout, mais il faut voir les bouteilles de liquides vaisselle pour s’apercevoir de la force du génie humain.

Elle : - À ce point ?

Moi : - Pfiou, t’as pas idée. Tu as le Paic Excel + anti-dégraissage, mais aussi le Paic Excel + ″Expert hygiène″ qui enlève les résidus tenaces, à se demander ce que les gens foutent dans leurs plats et assiettes pour que ça tienne autant…

Elle : - Du mazout.

Moi : - …et puis le Paic Extrême (nous y voilà) qui fait briller – et en fait, tout ce qu’il a d’extrême, c’est qu’il contient du vinaigre blanc, soit très exactement ce qu’utilisaient déjà mes grands-mères pour faire leur ménage. Tu vois, pas de quoi se monter le bourrichon quand on y regarde de plus près. Mais là où ça devient grandiose, c’est la gamme de produits Carrefour. D’abord, tu as le liquide vaisselle Ultra – qui est simplement anti-gras, pas de quoi grimper aux rideaux non plus. En parlant de ça, la dernière fois que j’ai vu autant de produits appelés Excel, Extrême et Ultra, c’était au rayon des capotes…

Elle : - En effet, il n’y a pas de quoi s’enthousiasmer : les voitures à capote, ce sont toutes des crâneuses !

Moi : - Heu… ouais, les voitures… Bref. Je disais donc, le plus loufoque dans tout ça, ce sont les liquides Brazil, Orient et Bora-Bora de la marque Carrefour. Déjà, je n’ai jamais trop compris pourquoi certains détergents devaient sentir les agrumes alors qu’ils ne sont pas faits pour être bus… Cela dit, je peux concevoir qu’on aime autant quelque chose qui sente bon quand on lave ses assiettes, mais là, j’ai été confrontée à un grand mystère. Qu’est-ce que ça peut sentir, le liquide vaisselle Orient ? Le patchouli ? La rose persane ? Le couscous ?

Elle : - Le pétrole brut ?

Moi : - Et la senteur Bora-Bora, c’est quoi ? Ça sent le mérou frais grillé au bord du lagon ? Et Brazil, c’est parfumé aux effluves de danseuse de samba en fin de carnaval ?

Elle : - Bon alors, ça fait rêver au moins…

Moi : - Il y a peut-être une vague utilité de penser aux lagons tropicaux quand tu as les deux mains dans l’eau grasse… Cela dit, faire la vaisselle est le plus sûr moyen en ce moment de participer à une soirée mousse sans risquer de se faire pincer par la police.

Elle : - Mais si, c’est bien plus beau ainsi… Ah mais je sais ! Il devrait faire ça, le gouvernement, pour mieux faire passer ses mesures anti-COVID !

Moi : - Un confinement, oui mais dans les bulles ?

Elle : - Meuh non, juste faire reluire un peu les choses… »