28 octobre 2020 (Wesh wesh qu’est-ce qui se passe ?)

4 minutes de lecture

Elle : « C’est bien. Reconfinement ou pas reconfinement, tu as eu le réflexe d’aller chez le coiffeur.

Moi : - Le reconfinement n’a rien à voir avec mon rendez-vous chez le coiffeur. C’est une semaine de vacances, donc j’avais le temps d’y aller.

Elle : - T’as du flair, pour une fois.

Moi : - On verra bien ce que le président dira ce soir. Les rumeurs sur un durcissement des règles de vie vont bon train, mais on n’est pas encore fixés.

L’autre : - Wesh, il va faire du sale, le Macron !

Moi : - Oui, bonjour la nouvelle… Excusez-moi, mais je pense que nous n’avons pas encore été présentées.

L’autre : - Zyva, comment qu’elle me parle, la bolosse ! "Excusez-moâ, mais je pense que bu-bu-bu." Bourgeoise, la meuf, hein. Bon, allez j’me présente, chuis Zeup. Salut.

Moi : - Zep ?

L’autre : - Nan. Zeup. Ze Peugeot from ze ghetto.

Moi : - Ze ghetto ? Où ça ze ghetto ? Il y a un ghetto par ici ?

L’autre : - Bah, on est en lieue-ban, non ?

Moi : - Heueueu… ouais, m’enfin il y a banlieue et banlieue. Derrière la haie que vous voyez là-bas se niche un superbe hippodrome, au centre duquel se trouve le golf de Marcq-en-Barœul. C’est pas exactement la zone, ici. On se trouve dans la deuxième ville du Nord, après Lille, en nombre de contribuables assujettis sur la fortune immobilière.

L’autre : - Ben moi wallah j’me drive dans les beaux quartiers avec le seum qui fait peur aux riches. J’suis une tchop assise en first class dans cette city de ieuv en Méphisto, logeant sur ce king-par que tous les miens rêvent d’avoir. Chuis sortie de la jungle mais là d’où je viens c’est le ghetto, et à force de respirer la rue, on a le béton dans le coffre, tu vois. Tu parles à une vraie soul sista qui se bat pour aller au bout de ses rêves.

Moi : - Je pense que tu avais raison, Marie-Apolline, elle parle curieusement, ta voisine.

Elle : - Je ne suis pas sûre de tenir tout un confinement avec elle à côté de moi.

L’autre : - Tu dis ça parce que t’aimes pas les renois ?

Moi : - Vous parlez de qui au juste ?

L’autre : - Ben, moi. Je suis une tchop black.

Moi : - Pardon, mais vous n’êtes pas noire.

L’autre : - C’est quoi c’délire ? Pas renoi ? Moi ??? Non mais t’es qui toi pour dire c’que chuis ? Les renois, nous on met de l’ambiance partout, et en plus on est toujours de bonne humeur. Je kiffe grave ma couleur de tôle. Ça correspond à un aspect de ma personnalité, sensuel, un peu chill.

Moi : - Toujours de bonne humeur, qu’elle dit. Sauf là comme maintenant. Et de mauvaise humeur, ça donnerait quoi ?

L’autre : - Non mais tu viens en mode dézingage et après tu t’étonnes si je réagis ! Non mais sérieux : viens pas m’agresser sur mon schéma de couleur, c’est tout ! T’es bête ou quoi ?

Moi : - Je suis désolée, mais vous n’êtes pas noire. Gris, c’est pas noir – enfin ça n’a jamais fait noir chez moi.

Elle : - "Ça n’a jamais fait noir chez moi"… Prrrt, tu devrais faire gaffe, un quart d’heure avec ma voisine, et tu ne parles déjà plus normal…

L’autre : - Non mais gris c’est du renoi éclairci. Ou du clairement sombre si tu préfères.

Moi : - Pas d’accord. Surtout le gris métallisé. Le gris n’est pas au sens strict du terme une couleur ; au mieux c’est une teinte.

L’autre : - Une teinte ! Chuis un mélange de blanco et de black, une tismé silver, je sais c’que chuis, on vient pas m’agresser sur mon identité. Chuis la fierté de mon gang, et mon posse, il rigole pas trop.

Moi : - Votre gang ?

L’autre : - Bah ouais, t’as vu combien on est de Peugeot sur le king-par ?

Moi : - Oui, et… Ouais, quand même un certain nombre. J’avais jamais fait attention.

L’autre : - Donc si je dis que je suis black, y a pas à tortiller, je suis black.

Moi : - Ouh là, oui… bon… Si vous voulez… On ne va pas y passer la journée non plus, héhé.

Elle : - Tu fais quoi, là ?

Moi (à mi-voix) : - Pollinette, j’opère ce qu’on aurait appelé pendant la guerre de 14-18 "un repli stratégique".

L’autre : - Bah c’est tout, faut pas me chercher des puces, quoi.

Moi : - Eh bien merci, Zeup, c’est un plaisir que de converser avec vous. Si je devais résumer, vous êtes une Peugeot 208 grise à l’extérieur et black à l’intérieur, et votre propriétaire est manifestement fan des musiques urbaines. À part ça, vous faites quoi dans la vie ?

L’autre : - Je suis coach de développement personnel. J’apprends aux gens à être chercheurs dans leur monde intérieur pour qu’ils kiffent au mieux leur réalité de vie.

Elle et moi : - PARDON ?

L’autre : - Le motto de chez Peugeot, c’est "pour que l’automobile soit toujours un plaisir", ou "motion and emotion" en plus moderne si tu veux. Bah moi j’applique et je fais profiter les autres de ma bonne humeur avec mon personal coaching.

Moi : - Mmmm, m’est avis que c’est un peu du personal branling, tout ça…

L’autre : - Zyva, elle a dit quoi, la meuf, là ?

Moi : - La meuf, elle a dit rien, elle s’en va regarder Macron à la télé. Allez salut. Je t’envoie plein d’ondes positives pour la soirée, Marie-Apolline. »

Annotations

Vous aimez lire Grande Marguerite ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0