8 mai 2020 (Guerre et paix)

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Elle : « Bonjour ! Bien travaillé aujourd’hui ?

Moi : - No travail le 8 mai. C’est un jour férié.

Elle : – Encore un jour férié ?!

Moi : - Eh ouais, ça n’arrête pas.

Elle : - Jésus a fait quoi, ce coup-ci ?

Moi : - Rien. Dans notre beau pays laïc, certains jours fériés ne sont pas des fêtes religieuses.

L’autre : - Pas croyable.

Elle : - Ah tiens, Ursula parle. Elle boudait depuis hier.

Moi : - Justement, aujourd’hui, on célèbre la paix avec la commémoration de la fin de la Seconde Guerre mondiale. La paix, ça vous parle ?

Elle : - Han ! Une Seconde Guerre mondiale ! Tu me l’avais cachée, celle-là !

Moi : - Quand on parle d’une Première Guerre mondiale, ça sous-entend qu’il y en a eu d’autres, n’est-ce pas ? Mais je vous parlais de paix…

Elle : - Dis-moi combien il y a eu de guerres mondiales en tout, qu’on se débarrasse du problème une fois pour toutes…

Moi : - Eh bien, il y en a eu deux.

Elle : - Seulement deux ?

Moi : - Oui, et c’est largement suffisant. À la suite de quoi, les Allemands et les Français ont fait la paix, si vous voyez ce que je veux dire.

L’autre : - Comment ? C’étaient les mêmes protagonistes ?

Moi : - En effet, à peu de choses près, c’étaient les mêmes. Les Français, avec les Britanniques et les Américains, contre les Allemands.

Elle : - Les Allemands, c’étaient encore les méchants ?

Moi : - Absolument.

Elle : - Mais c’est une manie, chez eux !

L’autre : - Unglaublich! On avait peut-être de bonnes raisons de faire la guerre, cette fois-là.

Moi : - Je crois pas, non.

Elle : - La deuxième fois, les Allemands ont encore lâché des boules puantes sur la région d’Ypres ?

Moi : - Non. Ils ont encore fait des choses peu recommandables avec le gaz, mais pas au même endroit, pas de la même façon. Ça puait moins, mais ça tuait plus.

L’autre : - C’est tout de même curieux, cette appétence qu’ont mes compatriotes pour les gaz.

Elle : - Mais… Comme le président Macron a dit que nous étions en guerre, c’est pas la Troisième Guerre mondiale, là, comme maintenant ?

Moi : - Non.

Elle : - Alors elle s’appelle comment, cette guerre ?

Moi : - Elle n’a pas de nom pour le moment.

Elle : - On peut l’appeler comme on veut, dans ce cas ?

Moi : - Pourquoi pas ? T’as quelque chose à proposer ?

Elle : - Et si on l’appelait la Drôle de Guerre ?

Moi : - Je crois que le nom est déjà pris.

Elle : - Ah ?

Moi : - C’est justement ainsi qu’a débuté la Seconde Guerre mondiale, avec la Drôle de Guerre.

Elle : - Oh ? Tout le monde était malade ?

Moi : - Non, cette guerre était "drôle" parce qu’elle était bizarre. On ne combattait pas vraiment, l’armée française attendait et faisait du surplace.

L’autre : - J’y vois là des points communs avec la situation présente.

Moi : - Si on veut, oui. On a eu parfois l’impression que la France était aussi peu préparée en mars 2020 qu’en mars 1940. Par la suite, il a fallu circuler avec un ausweis. Mais il y a bien sûr des différences notables avec la Seconde Guerre mondiale. On n’en est plus à vouloir en découdre avec des Panzerdivisionen, nos actes d’héroïsme ont consisté à faire de la chaise longue ou à taper l’incruste dans le canapé. Nous avons combattu à grands coups de recettes réconfortantes et d’accords toltèques. Quand je pense que ma grand-mère me répétait tout le temps que pendant la guerre, ils avaient eu faim ! Nous, on s’est vautrés dans le pilou-pilou pendant deux mois, et résultat, on est la première armée au monde à avoir pris du gras au bide.

Elle : - Tu peux critiquer ! Et toi, tes exploits de guerre ? Pas de bivouac impromptu derrière le garage à vélos… Tu ne nous as pas ramené de pamplemousses sauvages…

Moi : - Ah pardon. J’ai au contraire pleinement participé à l’effort de guerre, avec un certain sens de l’effort et du sacrifice. Pour sauver la production de fromage AOC, en chute dès la mi-mars, j’ai acheté un demi-Maroilles et il a embaumé mon intérieur pendant plus de deux semaines, le temps qu’il a fallu pour le manger à moi seule. À ce niveau-là, vous noterez que ce n’est plus seulement du dévouement, mais de l’abnégation.

Elle : - C’est bien. On te remettra la médaille laitière du mérite.

Moi : - Il y a aussi des surplus de pommes de terre en Belgique. Le sens du devoir et du sacrifice nous impose de manger plus souvent des frites.

L’autre : - Attention à ne pas tomber trop vite pour la France, tout de même !

Moi : - Bon alors, et cette paix du 8 mai ? Ça vous inspire ?

L’autre : - Also gut. J’ai mes principes, mais quand je boude, le temps paraît deux fois plus long.

Moi : - Affaire réglée. C’est fois-ci, contrairement au printemps 40, la capitulation est allemande ! »

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