4 mai 2020 (Demain)

4 minutes de lecture

Moi : « Bonjour vous deux !

Elle et l’autre : - Bonjour !!!

Moi : - Bon esprit aujourd’hui ? Bonne humeur ?

Elle : - Mais oui, on positive à fond.

L’autre : - Alors, quel effet ça vous fait d’être à huit jours de la fin du confinement ?

Moi : - Rien, ou presque. J’ai compris que ça n’allait pas changer grand-chose dans ma vie quotidienne.

Elle : - Ne raconte pas d’histoires, tu vas pouvoir ENFIN aller te faire couper les cheveux.

L’autre : - Mon propriétaire, avec sa tignasse ébouriffée en toute saison, il a tout compris !

Moi : - J’imagine qu’en plus il a fait preuve de bon goût en investissant dans une voiture allemande, n’est-ce pas ?

L’autre : - Natürlich.

Moi : - …même vieille.

L’autre : - Vieille ?… Qui ça, vieille ? Où ça, vieille ?

Elle : - Nulle part, vieille. T’en fais pas, Ursula. Positive ! Positive !

Moi : - Je disais donc que, mis à part peut-être les cheveux, je n’ai rien de spécial qui soit prévu dans un futur proche. Mes stagiaires vont poursuivre leur télétravail. Pas besoin de bouger pour continuer mes cours.

Elle : - On dirait que tu vas prolonger les joies du confinement.

Moi : - C'est ça. Et donc je ne suis pas vraiment impatiente, et en cela, je ne suis pas franchement au diapason du reste des Français. Il y en a, à les entendre, on a l’impression qu’ils sortent de six mois de QHS et que ça va être la fête tous les jours.

Elle (tristement) : - Je vais continuer à faire du sur-place ? Ouhouhouhou…

Moi : - Quoi ? Tu ne vas pas te mettre à pleurer ?… C’est déjà fini, la positivité ?

Elle : - Je n’ai pas encore choisi si c’est le désespoir de ne plus revoir Seclin par gros temps ou la tristesse de ne plus risquer notre peau à chaque échangeur de Lille sud…

Moi : - On aura bien d’autres plaisirs à l’avenir, t’en fais pas… On va peut-être se dégourdir un peu les jambes et les pneus la semaine prochaine.

Elle : - Ah YES !

Moi : - Mais il faudra rester de ce côté-ci de la frontière.

Elle : - Pourquoi ? Les Belges ont chopé un virus plus puissant que le nôtre ?

Moi : - Non, mais les frontières restent fermées pour le moment.

Elle : - Donc nous n’irons pas dans le Saillant d’Ypres.

Moi : - Non.

Elle : - Nous resterons en France.

Moi : - Dans un rayon de cent kilomètres.

Elle : - On peut quitter le département ?

Moi : - Oui, et c’est heureux, sinon, nous, dans le Nord, nous ne serions autorisés qu’à nous déplacer du nord au sud et inversement.

Elle (réfléchit) : - Heu, attends…

Moi : - Je crois que tu commences à comprendre.

Elle : - Tu peux me rappeler la distance Lille-Arras ?

Moi : - Une soixantaine de kilomètres…

Elle : - Ne me dis pas que tu as déjà vérifié la distance Lille-Vimy.

Moi : - Ben si.

Elle : - Comme tu dis ! Le futur qui se profile ressemble singulièrement au monde d’avant !

Moi : - Comme je le disais déjà l’autre jour, je suis nettement moins optimiste que la moyenne et je ne suis pas persuadée que tout va changer.

Elle (grommelant) : - Surtout avec ce genre de plan…

L’autre : - Les choses ne vont pas bouger, d’après vous ?

Moi : - Pas mal de monde essaie d’imaginer l’après de la crise du coronavirus et chacun y va de son petit avis. Il y en a beaucoup qui délirent sec et qui se voient déjà en néo-zadistes drapés dans des sous-vêtements de lin à cultiver du quinoa bio en Ardèche, mais la réouverture de quelques McDo la semaine dernière et les queues géantes qui se sont formées pour y aller montrent qu’on est assez loin du monde écologiste et solidaire rêvé.

L’autre : - Il y en a bien quelques-uns qui vont revoir leur mode de vie…

Moi : - J’y crois assez peu. Pour la plupart des gens, la redécouverte des racines signifie plus ″péripétie capillaire″ que ″véritable retour aux sources″, je n’y peux rien…

Elle : - Alors, pas de changement ?

Moi : - On verra bien, je ne m’appelle pas Madame Irma et je ne lis pas dans les boules de cristal. Mais j’ai des doutes sur l'établissement d'un nouveau modèle économique quand tout le monde dans ma résidence boude la fête des voisins. C’est vrai, quoi ! Comment encore avoir foi dans l’humanité quand les gens sont capables de se battre pour des rouleaux de papier toilette ? (Un bref silence) Et vous, vous le voyez comment, le monde d’après ?

Elle : - J’ai l’impression que le coronavirus vous a tous transformés en chiens et que votre nouvelle ligne d’horizon se résume à ça. Vous passez le plus clair de la journée à la maison, votre seule occupation est de chercher de la nourriture et vous devenez super excités à l’idée faire un tour en auto. C’est la nouvelle idée du bonheur.

L’autre : - Mais il y a du vrai dans ce que tu dis, Marie-Apolline !

Elle : - Je crois que j’ai bien cerné le nouveau comportement humain… Il faudra faire gaffe qu’en cas de déprime, ils ne se mettent pas à manger les meubles comme certains braves toutous !

L’autre : - Moi, pour ma part, j’ai du mal comprendre quelle sera la suite des événements. Vous savez ce qui va se passer pour les vacances d’été par exemple ?

Moi : – Voilà, on nous demande de penser le monde tel qu’il sera dans quelques années quand on ne sait déjà pas si un apéro à La Bourboule sera possible au mois d’août !

L’autre : - Confiner, déconfiner… Ce sont des décisions difficiles que personne n’aimerait avoir à prendre.

Moi : - Vous savez quoi ? On dirait que 2020 a été écrit jusqu’ici par un enfant de cinq ans : "Au départ, on va faire comme s’il y avait une méchante chauve-souris qui mord un gentil pangolin. Ensuite, on dirait que le pangolin se fait manger à son tour par un Chinois."

Elle : - Qui lui-même se fait manger par…

Moi : - Mais non, t’as pas suivi, toi !!! (Bref soupir) "Ensuite, quand les Chinois deviennent tous malades, il y a une pénurie mondiale de papier toilette tellement les gens prennent peur. Et là, boum, plus d’école pendant deux mois !" Je crois que le plus cancre de tous les gosses n’avait jamais imaginé ça, même dans ses rêves les plus fous… »

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