20 avril 2020 (Désirs humides)

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Elle : « Mais une bagnole française, c’est capable de faire grève, na.

L’autre : - Il n’y a que pour la grève que vous êtes doués, vous les Français. Pour le reste, les Allemands se débrouillent toujours mieux.

Elle : - Si vous vous la pétiez un peu moins, ça vous rendrait plus sympathiques.

L’autre : - Faites comme nous, travaillez un peu. On ne vous aimera qu’un peu plus.

Elle : - Ben c’est ça, dis tout de suite qu’on est une nation de branleurs !

L’autre : - C’est un peu comme ça qu’on vous connaît !

Moi : - Salutations à toutes deux. Je vois qu’on baigne dans la joie et la bonne humeur cet après-midi.

Elle : - Toujours à prendre l’air supérieur, les Allemands !

Moi : - Eh là ! Eh là ! C’est le fait d’avoir évoqué la Première Guerre mondiale hier qui vous met dans cet état-là ?

L’autre : - Oui, depuis hier, le sujet revient sans cesse sur le tapis. Elle essaie de me prouver l’importance de la France dans le monde. Alors que nous, les Allemands, nous n’avons même plus rien à prouver.

Moi : - Vous me feriez un grand plaisir en arrêtant votre discussion tout de suite. Personne n’est meilleur que son voisin, voilà !

Elle : - Le pompon, c’est de subir une leçon de morale, par-dessus le marché…

Moi : - Écoutez, si on a fait l’Europe, c’était surtout pour mettre un terme définitif aux querelles franco-allemandes, donc soyez mignonnes, enterrez la hache de guerre, même momentanément. Tout le monde est beau et gentil.

Elle : - Han ! Il n’y avait pas d’Europe avant la Première Guerre mondiale ? Ils étaient où alors, les pays ?

Moi : - L’Europe existait déjà géographiquement, mais pas en tant qu’entité politique.

Elle (après un silence) : - Comprends pas.

L’autre : - Ben pourtant c’est simple : quand tu vas en Belgique, il n’y a pas de frontières, pas vrai ?

Elle : - Oui, m’enfin, rien que de très normal là-dedans…

L’autre : - Eh bien c’est exactement ça : quand il n’y a pas de frontières, c’est l’Europe !

Elle : - Pfff, mais c’est pas nouveau ! Les frontières, c’était il y a très longtemps !

Moi : - Détrompe-toi, petit scarabée. L’abolition des frontières est au contraire très récente. En plus, ce n’est pas acquis pour l’éternité, car en ce moment, les frontières ont été rétablies entre les pays de l’Union européenne.

Elle : - On ne peut plus aller chercher son essence en Belgique ?

Moi : - Non.

Elle : - Et pourquoi ils ont fait ça ? Pour arrêter les invasions de pangolins ?

Moi : - Il n’y a pas de pangolins en Europe, pour commencer. Le but, c’est de limiter les mouvements de population.

Elle : - Et pour aller voir les soldats enterrés près d’Ypres ?

Moi : - Pareil. On peut pas.

Elle : - Han ! Mais c’est vraiment la fin de tout !

L’autre : - Ouais, tout fout le camp.

Moi : - La frontière n’est pas complètement étanche. J’ai reçu hier soir des SMS d’une copine qui bosse pas loin de Tournai et doit y aller deux ou trois fois par semaine – le reste du temps, elle télétravaille.

Elle et l’autre : - Et alors ?

Moi : - Eh bien, jusqu’à présent, elle n’a été contrôlée qu’une seule fois, par des gendarmes gantés et masqués.

Elle : - Gantés et masqués… GANTES ET MASQUES !!! T’as entendu, Ursula ?

L’autre : - Ouais. Gantés et masqués. Des mecs. En uniforme. Hhhhh. Du latex et de grosses matraques. Tu imagines, Sis ?

Elle : - Wouah… Pourquoi on fait pas ça, nous ?

Moi : - Pardon ?

Elle : - Ben ouais, moi aussi, j’aimerais me faire tripoter par des types gantés et masqués.

L’autre : - Et moi donc ! Oh là là ! Depuis le temps que ça ne m’est pas arrivé !

Moi : - Heu, c’est quoi le sujet ?

L’autre : - Nous parlons de choses que vous ne pouvez pas comprendre… Ah, la dernière fois qu’un garagiste m’a touchée avec ses gros gants…

Elle : - Raconte ! Raconte ! Il t’a touchée où ?

L’autre : - Sous le capot.

Elle : - Et c’était comment ?

L’autre : - C’était… J’avais le moteur en surchauffe.

Elle : - À ce point ?

L’autre : - Non, ce que je veux dire, c’est qu’il m’a examinée sous le capot précisément parce que j’avais le moteur en surchauffe.

Elle : - Ah, OK. Il n’empêche que c’est chaud-bouillant, ton truc.

L’autre : - Tu peux le dire. Et toi ? Tu as eu des expériences comme celle-là ?

Elle : - Je suis déjà allée plusieurs fois chez le garagiste et… ouais, je vois ce que tu veux dire… Tiens, par exemple… Le châssis ? Tu t’es déjà fait palper le châssis ? Par en-dessous ? Quand tu es maintenue sur le pont élévateur ?

L’autre : - Hhhh, non, mais ça a l’air super hot…

Elle : - Le contrôle manuel, j’te raconte pas. Et te faire démonter les pare-chocs ? T’as déjà essayé ?

L’autre : - Wouaouh, tu dois te sentir complètement à poil…

Elle : - Et les pneus ? Les pneus, Ursula !!! Quand tu sens des mains viriles et étrangères vérifier si tu n’es pas un peu déjantée… Quant au déjantage en lui-même, s’il va jusqu’au bout… Le graissage des rebords de la jante et des talons avant le dégonflage… pour finir avec le coup du démonte-pneu ! ’Tain, ce truc !!!

L’autre : - Moi, j’aime particulièrement le contrôle du niveau d’huile, quand il plonge la jauge pour voir si tu es correctement lubrifiée…

Elle : - Aaah ouiiiii, une bonne petite lubrification…

L’autre : - Mais tu sais, rien qu’un peu de polish… Un petit coup, ici, ou là… Cela peut faire un bien fou, surtout si le mec a des doigts de fée.

Elle : - Ouais, quand le type est un petit peu adroit de ses mains… Y en a un qui m’a bien débouché les gicleurs, une fois. C’était divin.

L’autre : - Je veux bien le croire !

Elle : - Et tu t’es déjà fait dessouder le pot d’échappement ?

Moi : - Ben ça alors !!! J’en crois pas mes oreilles ! Ça y est ? Le conflit franco-allemand est résolu ?

Elle : - On pourrait pas aller voir les gendarmes à la frontière, s’te plaît ? Chuis en manque de gars en uniforme.

Moi : - Ah non, c’est pas possible. Je ne veux pas risquer l’amende pour assouvir les fantasmes de madame.

Elle : - C’est ça, des fantasmes ? Meuh non, enfin c’est juste qu’on a besoin de contacts, nous aussi !

L’autre : - Et de la part de types gantés si possible. Et plus si affinités.

Moi : - Vous nous refaites "50 nuances de graisse (moteur)" ?

L’autre : - Laisse tomber, Marie-Apolline, elle n’y est pas.

Moi : - Ah mais si, je comprends ! Voiture et beau mec avec des gants, pour moi, c’est Ryan Gosling dans "Drive". À moi aussi ça me donne des frissons.

Elle : - Drive, on en est bien loin pour le moment…

L’autre : - Mmm, c’est plutôt "Halt!"… »

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