19 avril 2020 (La Grande Guerre)

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Moi : « Bonjour vous deux !

Elle et l’autre : - Bonjour !

Elle : - Quel jour on est ?

Moi : - Dimanche. Hier on était samedi.

Elle : - Ah c’est vrai. Tu vois, Ursula, en temps normal, elle m’aurait sortie de mon juste sommeil à cinq heures du mat’, et on aurait pris la route dans le petit matin glacial vers un trou perdu de l’Artois.

Moi : - OU un coin du Saillant d’Ypres, OU le Cambrésis, OU le nord de la Somme… Tu nous fais une fixette sur l’Artois, ma parole !

Elle : - Bref, on se serait caillées allègrement sur les petites routes…

Moi : - Je me serais gelé les doigts pour prendre mes premières photos…

Elle : - Il faut dire que Madame s’extasie dès qu’il y a un petit peu de givre !

Moi : - Ben quoi ? Les premiers rayons du soleil matutinal sur une rangée de stèles britanniques blanchies par un frimas printanier, c’est beau.

Elle (à voix basse) : - Elle et moi, on ne cultive pas le même sens de l’esthétique…

L’autre : - Je ne comprends pas très bien ce que vous allez voir comme ça.

Moi : - Eh bien, les cimetières militaires datant de la Première Guerre mondiale. Il y en a des centaines dans la région.

L’autre : - Une guerre ? Mais avec qui ?

Elle : - Moi je sais ! Moi je sais ! Je peux lui dire ?

Moi : - Après tous les kilomètres faits ensemble, ce serait dommage que tu ne saches pas ! Allez vas-y, instruis-la…

Elle : - Plusieurs pays se sont frittés grave il y a un peu plus de cent ans. Ça a fait beaucoup de morts.

L’autre : - Quoi ? Déjà une pandémie ?

Moi : - D’abord, la COVID-19 n’est pas la première cause de pandémie de l’histoire de l’humanité, et ensuite c’était juste un peu plus grave qu’une épidémie.

L’autre : - Mais quels pays étaient concernés ?

Moi : - Eh bien, en Europe, il y a eu la France, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Autriche-Hongrie, la Russie… et l’Allemagne.

L’autre : - L’Allemagne ? Qu’est-ce qu’on serait allés foutre dans un conflit qui devait à peine nous concerner ?

Elle : - Tu rigoles ? L’Allemagne était vachement concernée.

L’autre : - Was? On est des pacifiques, nous…

Moi : - Allemagne : principal protagoniste de la Première Guerre mondiale, a déclaré la guerre à peu près à tout ce qui bouge en Europe de l’ouest.

Elle : - Et surtout, les Allemands ont lâché un paquet de boules puantes sur Ypres, même que ça empeste encore pas mal là-bas.

Moi : - Je t’ai déjà expliqué que ça sent la vache dans la campagne, rien de plus.

Elle : - Non mais les pets de vache, c’est à peine mieux que l’ypérite.

Moi : - Tu exagères, ça n’atteint pas le système neurobiologique.

Elle : - En es-tu bien sûre ? (Un silence s’installe)

Moi : - L’odeur de l’ypérite rappelle un peu la moutarde, d’où son surnom de "gaz moutarde", mais pas tant que ça…

Elle : - Han ! N’empêche, ça doit sentir horrible, la moutarde. Ils n’avaient pas encore inventé les pots catalytiques ?

Moi : - Non, pas vraiment.

L’autre : - Il y a donc eu beaucoup de morts ?

Moi : - Oui, plusieurs dizaines de millions.

Elle : - Et aussi les soldats n’arrêtaient pas de se casser la gueule. D’où leur surnom.

Moi : - Franchement, je crois qu’il y a des notions à revoir. Ou alors c’est fou le nombre d’imbécillités que je t’ai racontées sans m’en apercevoir.

Elle : - Ah, Ursula, la Première Guerre mondiale, c’était horrible. Les soldats se battaient avec des lance-flammes et des bonbonnes de gaz, des obus… et résultat, ils finissaient braisés et défigurés. Je suppose qu’en plus ils ont tous finis bien fatigués. C’est pour ça que ça s’est terminé dans un wagon-restaurant, ils avaient bien mérité un bon repas. Comme Jésus et ses potes le dernier soir.

Moi : - Bon, c’est fini, ces bêtises ?

Elle : - Et puis j’oubliais, les Allemands, c’étaient les méchants de l’histoire !

L’autre : - Pardon ?

Elle : - Ouais, ils font toujours mieux que nous, les Allemands ! Soi-disant !!! Ils gèrent mieux les crises, ils ont moins de chômage, ils jouent mieux au foot, ils ont moins de morts à cause du coronavirus, gnagnagna ! On a quand même la preuve qu’ils peuvent faire eux aussi des conneries.

L’autre : - Ça, ça s’appelle de la jalousie, et rien d’autre. Je ne suis pas là pour soulager vos complexes. Déjà que dans le secteur automobile, on est les meilleurs…

Moi : - Les Allemands sont peut-être les plus futés, mais ils ont de gros ratés à leurs moments perdus. Je trouve par exemple qu’ils ont singulièrement voté en 1933. Je n’ose penser ce que ça aurait été avec moins d’intelligence de leur part.

L’autre : - 1933 ? Si j’ai bien compris, ce que vous appelez Première Guerre mondiale était terminé, non ?

Moi : - En 1933, les Allemands ont voté pour un type qui allait…que… Qui a créé Volkswagen !

L’autre : - Et c’est mal, ça ?

Moi : - C’est plutôt tout ce qu’il a fait autour qui est gênant.

L’autre : - En tout ças, la création de Volkswagen, ça me parle.

Moi : - Vos notions d’histoire ne se rattachent qu’à la voiture, si je comprends bien…

L’autre : - Parce que rien n’existe vraiment en dehors de la voiture.

Moi : - La pandémie actuelle met un peu à mal l’hégémonie de la bagnole, vous savez.

L’autre : - Non, nous sommes de la race des seigneurs. Rien ne viendra nous détrôner.

Moi : - Là, je crois que vous vous révélez un peu trop Volkswagen et pas assez Porsche, pour le coup… »

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