16 avril 2020 (La chasse)

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Moi : « Quel dommage, les cerisiers du Japon, si beaux il y a à peine une semaine, sont déjà en train de perdre leurs fleurs. Et puis on dirait qu’ils se délavent. Leur floraison est maintenant couleur rose papier Q…

Elle : - C’est ces saletés-là qui vont se coller à ma carrosserie dès la première bourrasque.

Moi : - Le temps n’est pas à la bourrasque, ta carrosserie ne craint rien. Puisqu’on en est à causer beauté de la nature, notre conversation d’hier a ravivé mon instinct de chasseuse.

Elle : - Ah oui. Je t’ai rappelé tes velléités survivalistes.

L’autre : - Oh.

Moi : - Je suis tombée sur des sites Internet parlant de la chasse urbaine, ça a l’air intéressant. C’est une activité qui se pratique essentiellement au Québec.

L’autre : - Ah bon ? Les chasseurs là-bas sont-ils tellement à court d’espace pour qu’ils doivent chasser en ville ?

Moi : - Non, ce serait plutôt le contraire. Les Québécois ne sont en principe pas en manque de grands espaces… Pourquoi faut-il que certains y pratiquent la chasse urbaine ?… Hum… À part ça, je trouve le concept intéressant.

L’autre : - Sans vouloir vous froisser, je crois que les caribous sont assez rares par ici…

Elle : - C’est quoi, un caribou ?

L’autre : - C’est un grand machin qui vit au Canada et qui a des grandes cornes sur la tête.

Moi : - Ça s’appelle des andouillers.

L’autre : - Disons que c’est le genre d’animal qu’il vaut mieux avoir devant soi plutôt que derrière.

Moi : - Quand Madame von Platz évoque le caribou, moi c’est plutôt un autre animal que j’aimerais chasser. Il y a un mois je parlais surtout des chiens, mais j’ai envie de me venger sur d’autres bestioles ces temps-ci.

L’autre : - Des animaux qu’on voit traîner dans le coin ?

Moi : - Oui.

Elle : - Moi je sais ! Moi je sais ! Tu parles soit des enfants, soit des chats.

Moi : - Gagné, ce sont les chats.

L’autre : - Vous avez quelque chose contre les chats ?

Elle : - Oui, elle est allergique à leurs poils.

Moi : - S’il n’y avait que ça ! Je supporte encore moins les chats au printemps, la saison des amours pour eux. Il y a des nuits où ils font un raffut pas possible.

Elle : - D’où cet air un peu fatigué que tu as aujourd’hui.

Moi : - OUAIS. Si je tenais un de ces petits saligauds ! Ces espèces de feignants qu’on voit à peine le jour mais qu’on entend toute la nuit ! De toute façon, j’ai jamais compris ces animaux.

Elle : - Tu ne parles pas le chat couramment ?

Moi : - Non. Pourquoi aurais-je envie de communiquer avec des êtres que je dois éviter – une forme de distanciation sociale comme c’est devenu la mode entre humains, sauf qu’entre eux et moi, c’est depuis toujours ! Je ne comprends pas pourquoi un chat transforme n’importe quel espace en Berlin durant la Guerre froide, défendant son territoire comme une vraie teigne. Et pour achever le tableau, j’ai lu quelque part que le chat a une ouïe beaucoup plus fine que celle de l’homme, et pourtant ça n’entend strictement rien quand on lui demande de déguerpir d’un balcon correctement exposé au soleil.

L’autre : - Tiens, du vécu ?

Moi : - Et – cerise sur le gâteau – un chat supporte très mal la diversité alimentaire : si on lui achète une terrine de saumon top équilibre aux douze légumes assaisonnée à l’italienne, cet enfoiré se fait un plaisir de dégueuler son Miaoumix Premium à 25 euros la portion sur le tapis iranien du salon. Mais ça ne l’empêchera nullement de miauler qu’il a faim et de se mettre à gémir comme un Poilu mourant dans sa tranchée si jamais on lui sert des croquettes de chez Lidl.

Elle : - On se demande pourquoi tant d’humains ont des chats !

Moi : - Ces petits hypocrites savent très bien se faire pardonner toute bêtise, il leur suffit de ronronner un peu…

L’autre : - Vous n’êtes décidément pas très amène avec les chats !

Moi : - Je trouve qu’on leur passe beaucoup de leurs lubies ! Par exemple, s’il me prenait la fantaisie de me lécher intégralement pour faire ma toilette, dirait-on de moi que je suis super propre ? Ça m’étonnerait un tout petit peu ! Bref, les chats et la relation que certains humains entretiennent avec eux me dépassent.

Elle : - Et tu voudrais faire quoi avec eux ?

Moi : - Rendre au moins utiles ces trucs-là. Puisque nous sommes paraît-il en grande demande de recettes réconfortantes, on pourrait inventer une recette de soupe de chat aux lentilles corail, parce que j’ai remarqué que dans toute recette réconfortante qui circule sur les réseaux sociaux en ce moment, il y a des lentilles corail.

Elle : - Mmm, quoi d’autre ?

Moi : - Chais pas. On pourrait trouver un procédé pour tanner la peau des chats et en faire des masques anti postillons. J’ai remarqué qu’un chat avait la taille idéale pour qu’on y découpe un masque.

L’autre : - Il y a du commerce de peaux de chats en Suisse.

Moi : - C’est vrai. Le pays qui a inventé le coucou ne peut avoir tout à fait tort. Les Japonais faisaient certains instruments de musique avec du cuir de chat. Eh, mais j’y pense, les boyaux de chats ne servaient-ils pas à fabriquer les cordes des archets, autrefois ? Il fut une époque où on savait rentabiliser ces bestiaux.

Elle : - Dis-moi, comment les chasserais-tu ?

Moi : - Eh bien, tu pourrais reprendre du service, ma fille. Ma toute première Twingo s’est illustrée dans le massacre de chatons, à peine sortie du garage où je l’ai achetée. C’était une fière amazone.

Elle : - Tu crois pas qu’une saucisse empoisonnée judicieusement placée ferait tout aussi bien l’affaire ? »

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