14 avril 2020 (Graine de championne)

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Moi : « Libérééééée, délivréééééée…

Elle : - D’où tu reviens ?

Moi : - De chez ma kiné. Maintenant qu’elle m’a dénouée, je suis body positive à mort.

Elle : - Je me disais bien, il n’y a pas de supermarché en vue sur ce boulevard. Je me demandais ce que nous faisions là.

Moi : - Aaah, ça fait du bien.

Elle : - Quoi ? Tu as bénéficié d’une offre vidange ?

Moi : - Meuh non, sotte ! Sais-tu au moins ce qu’est la kinésithérapie ?

Elle : - Heu… pas vraiment.

Moi : - Eh bien voilà : tu arrives chez un ou une kiné plus emmêlée qu’un plat de spaghettis, et tu en sors libérééééée, dénouéééééée…

Elle : - Ah non, tu vas pas recommencer avec ça ! Il y a ton bien-être, d’accord, mais il y a le mien aussi. Et en l’occurrence, merci de ne pas chanter faux, ça fait s’écailler ma peinture.

Moi : - Je voulais seulement dire que les kinés te font du bien, mais pour arriver à un résultat, ils doivent te plier dans tous les sens façon origami.

Elle : - Je vois. Ils sont censés te remettre la carcasse en bon état.

Moi : - On peut dire ça. Ils agissent sur le squelette et surtout sur les muscles. Et puis ils ont un point commun avec les esthéticiennes : ils n’ont pas peur de palper les gens qui ont la peau grasse.

Elle : - Non ?! Ta kiné te touche ?

Moi : - Ben oui, je ne vois pas trop comment un ou une kiné pourrait travailler autrement qu’avec ses mains. L’essentiel passe par des massages et des mainpulations.

Elle : - Han ! Elle va te transmettre le virus !

Moi : - Mais non, allons, son cabinet est le seul endroit où j’ai toujours vu du gel hydroalcoolique à foison, et puis je ne vais quand même pas me priver de la seule occasion de toute la semaine de parler en face en face avec quelqu’un ! En fait, le seul moment où je me méfie vraiment de ma kiné, c’est quand elle annonce qu’elle va "effectuer une petite manipulation" et que je dois "rester détendue." Quand elle dit ça, ça sent franchement mauvais.

Elle : - Ah. Problème de clim’ ?

Moi : - Non. Ça veut seulement dire qu’elle va se venger sur mon grand dorsal. Cela dit, elle m’épate, ma kiné, parce qu’elle connaît la moitié de la ville. Et puis, elle a réponse à tout. Si je dis que j’ai mal dans le bas du dos : "Faiblesse musculaire." Si j’ai un torticolis d’enfer : "Faiblesse musculaire." Si je me suis tordu la cheville : "Faiblesse musculaire." Quand je lui demande ce qui ne va pas chez moi, elle me répond : "Défaut de fabrication."

Elle : - Ça justifierait un retour à l’usine, non ? Mais à part tes dégâts des os, il y a d’autres raisons à ton mal de dos ?

Moi : - Eh bien oui tu vois, un prof stresse et somatise… Mais d’après ma kiné, si mon dos est douloureux, c’est probablement à cause une mauvaise posture des cervicales au moment de la déglutition. Et là-dessus elle me demande si je grince des dents la nuit.

Elle : - C’est comme ça qu’elle te remonte le moral ?

Moi : - Oh, mais elle peut faire beaucoup mieux ! J’ai retenu en particulier sa petite phrase : "Nous allons lutter contre l’effondrement de votre colonne vertébrale." Ce jour-là, je n’ai jamais eu autant l’impression de ma vie d’être un chef-d’œuvre en péril, la voûte de Notre-Dame de Paris proche de la rupture.

Elle : - On va bientôt te retrouver en chaise roulante, à ce train-là…

Moi : - Je te remercie… Toi et ma kiné, vous embellissez vaiment ma vie…

Elle : - Ah mais j’y pense, où en es-tu de ton stage "survivalisme et handicap" ? Tu n’en parles plus !

Moi : - C’est difficile de trouver quelque chose de bien, tu sais, et même de se concentrer sur quelque objectif que ce soit. En ce moment, j’essaie plutôt de m’instruire un peu. J’ai regardé ainsi pas mal de tutoriels vidéo pour vider un canard ou un poulet. Ça occupe… Ça donne des idées pour de futurs cours d’anglais. Maintenant, pour être franche avec toi, je suis en train d’en revenir un peu, du survivalisme. Tout ce que j’ai lu sur le sujet ne me rassure pas vraiment sur la nature humaine.

Elle : - Ah non ?

Moi : - Non. Quand on pense que certaines personnes sont capables du pire quand tout va bien, faut pas trop se demander ce que ça donnerait quand tout va mal… Mais j’ai découvert à côté de tout ça que j’ai probablement le survivalisme dans mes gênes, malgré, heu, quelques faiblesses physiques.

Elle : - C’est vrai ?

Moi : - Oui, à force de lire toute cette littérature sur le bon usage des couteaux, les méthodes pour faire son feu soi-même ou construire un abri, ça a fini par faire tilt. Bon sang ne saurait mentir : mon père était scout. »

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