26 mars 2020 (Une nouvelle amie)

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Elle : « Weißt du, ich bin allein…

Moi : - Tiens, écoute, j’ai trouvé un article intéressant sur les véhicules survivalistes.

Elle : - Nachts bin ich allein mit meinen Träumen. Nachts bin ich allein mit meinem Leid.

Moi : - "D’abord, il faut que la voiture survivaliste soit en état de marche et bien entretenue."

Elle : - Ça, c’en est presque insultant.

Moi : - Allons, je sais très bien que tu es en état de marche et que tu es entretenue, je paie assez cher pour ça.

Elle : - Tu n’écoutes pas du tout ce je dis, hein ?

Moi : - Mais si. J’ai compris que tu t’appelles Alain – ce qui est faux, d’ailleurs.

Elle (soupire) : - Laß mich nicht einsam sein.

Moi : - Si tu ne me parles pas dans une langue intelligible, la situation ne va guère avancer.

Elle : - Ce n’est pas à toi que je cause, mais à Ursula.

Moi : - Ursu… ? Ah, c’est…

Elle : - Oui, c’est ma voisine.

Moi : - Et alors, ça va ? Vous avez pu lier conversation ? Elle a l’air sympa ?

Elle : - Bah, moyen. Un peu péteuse.

Moi : - Tu m’étonnes. On dirait parfois qu’elle nous nargue, avec sa carrosserie écarlate, ses phares rétractables et ses coussins germains.

Elle : - Je vois que tu ne perds pas le moral, toi. Toujours le bon mot.

Moi : - Bah, je viens de décider de tout plaquer pour passer mon week-end à corriger des devoirs. Une envie subite. Ça entretient le moral.

Elle : - Et puis surtout, tu peux pas faire grand-chose d’autre. Pauvres de vous, les humains ! Mais sérieusement, ça va ? Tu tiens le choc ? Tu n’as rien choppé ? Tes cycles sont réguliers, tu n’as pas de fuite dans ton système d’échappement ?

Moi : - Ça va. Merci de t’inquiéter de ma petite santé de cette manière-là…

Elle : - Mais de rien. Donc, toi, tu as l’air d’aller à peu près bien. En revanche, il y a des habitants de la résidence qu’on ne voit plus.

Moi : - T’as remarqué, toi aussi ?

Elle : - De deux choses l’une, soit ils sont partis, soit ils sont morts.

Moi : - Vu le nombre de volets roulants baissés, j’opterais plutôt pour la première option.

Elle : - Ah ?

Moi : - Bah oui, je ne vais pas spéculer sur la mort des gens ! Je laisse ça aux voitures mal élevées.

Elle : - Tu parles des Toyota ?

Moi : - Je vois que toi et les allusions, ça fait deux. En tout cas, ça la fout mal, toutes ces personnes qui se sont tirées.

Elle : - Han ! Des gens partis malgré les consignes !

Moi : - Oui. On les tondra à la Libération. Et en attendant ce jour-là, pour patienter un peu, j’ai un bon bouquin qui m’attend. Je vais regagner mes pénates.

Elle : - Tu fais comme tout le monde, quoi : tu te remets à la lecture. Tu lis quoi en ce moment ?

Moi : - Eh bien justement je fais comme tout le monde en me la pétant grave : j’ai relu tout Proust, "Du côté de chez Swann", "À la recherche du temps perdu", "Les misérables" et "Crime et châtiment".

Elle : - Il a écrit tout ça, Proust ?

Moi : - Presque.

Elle : - Sérieux, t’as lu tout ça ?

Moi : - Bien sûr que non. Je suis actuellement plongée dans "20 recettes à base de boudin". C’est absolument prodigieux.

Elle : - Mmm, on voit que le printemps est arrivé. La cuisine légère est de retour. »

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