Face à face

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Lucie se raidit, tétanisée.

Son regard, figé, n'exprimait plus la moindre émotion.

Ecran noir.

Erreur 404 : page non trouvée.

La panique l'avait littéralement sidérée, si bien qu'elle ne parvenait plus à penser ou à bouger.

A la porte, les coups redoublèrent ainsi que les injures, et le bois commençait à gondoler sous l'impact des vibrations, menaçant de faire sauter le mince verrou.

Dans la tête de Maia, en revanche, les pensées se bousculèrent à toute allure :

"Impossible

Ça peut pas être lui

Non, coïncidence

Trop rapide

Mais qui ?

Un voisin ?

Une blague ?

Non, arrête

C'est pas ça, c'est lui, c'est le taré

Merde, on fait quoi ?

Y a rien pour se défendre ici

Et s'ils sont plusieurs ?

La police

Faut appeler la police, vite !"

"Lucie ! dit-elle en secouant son amie, appelle les flics !

  • Hein ?
  • Laisse tomber, je m'en occupe. Planque-toi dans ta chambre !
  • JE SAIS QUE T'ES LA, SALOPE ! OUVRE !
  • TA GUEULE, CONNARD !" beugla Maia à travers le chambranle.

Cris et coups s'arrêtèrent un instant.

"On dirait que je l'ai surpris, pensa la colombienne, un point pour moi !"

Elle tira une Lucie amorphe jusqu'à la chambre, et ferma la porte pour la mettre à l'abri.

"Tu ne bouges pas tant que je ne reviens pas te chercher, okay ? Si t'as peur, tu te bouches les oreilles.

Lucie acquiesça, et se roula en boule au pied du lit, le menton sur les genoux. Maia tourna les talons, et repartit dans le salon.

Dehors, les coups avaient repris, mais la voix commençait à s'érailler. Le justicier semblait manquer de souffle, ce qui permit à Maia de réfléchir un peu au calme. Elle prit son portable dans son sac, partit s'isoler dans la cuisine, et composa le 17.

Quelques sonneries et un jingle mou plus tard, une voix humaine, bien qu'un peu lasse, répondit :

  • Commissariat central, j'écoute.
  • Bonjour, j'habite au 17 de la Grand Rue, un homme essaie de s'introduire chez moi et me menace, vous pouvez envoyer quelqu'un s'il vous plaît ?
  • Pas d'équipe disponible avant une heure. Rappelez plus tard, Madame. Bonne journée.

CLIC.

"Génial, pensa Maia, et je fais quoi, maintenant ?"

Elle regarda son portable muet pendant quelques secondes, comme si la solution allait s'afficher sur le petit écran.

Nouveaux coups.

Nouveaux cris.

A présent, on entendait aussi les voisins taper à la cloison :

"C'est pas un peu fini, c'bordel ? J'vais appeler les flics, moi !"

"Te gêne surtout pas", répliqua mentalement Maia.

Elle inspira un grand coup, essayant de faire abstraction du bruit qui l'entourait et de se concentrer.

"Dépêche-toi, se dit-elle, fais quelque chose, et vite !"

Manifestement, il était impossible de compter sur Lucie, elle devrait donc agir seule. Maia pressa son cerveau de se mettre en mode "urgence", un truc qui marchait assez bien chez elle en cas de crise, et quelques secondes plus tard, sa décision était prise. Le temps de chercher quelque chose dans son sac, elle était de retour dans la chambre, où Lucie, toujours prostrée, serrait dans ses bras un vieux nounours. La jeune fille pleurait, des larmes roulaient sur son survêtement déjà taché ; mains sur les oreilles, elle chantait à voix basse une petite chanson pour tenter de s'apaiser.

Lorsqu'elle se pencha vers elle, Maia reconnut une comptine :

"Il était un petit navire

Qui n'avait ja-ja-

Jamais navigué

Ohé ohé ..."

"Il est vraiment temps d'arrêter ce cirque, se dit Maia, ou je vais la perdre pour de bon." Elle prit doucement Lucie par l'épaule :

"Lulu ? Je vais arranger tout ça, je te le promets".

La petite blonde la regarda, ses yeux bleu noyés dans des iris devenus rouges à force de pleurs. Elle hoqueta :

"C'est vrai ?

  • Ouais. J'en ai ras la casquette de ces crétins, j'vais y mettre un terme une bonne fois pour toutes.
  • M ... Mais qu'est-ce que ... tu vas faire ?
  • T'occupe. Prends ça, dit la colombienne en lui tendant son portable et des écouteurs, et mets le volume à fond. T'inquiète pas, je gère. N'ouvre surtout pas la porte, c'est tout.
  • O ... Okay, renifla Lucie, en se torchant le nez avec sa manche. T'es sûre que ça va aller ?
  • J'en ai vu d'autres, tu sais. Ils vont voir ce que ça fait, de s'attaquer à Maia !"

Une fois Lucie isolée sous son casque, la colombienne sortit de la pièce et se planta devant la porte de l'entrée. Elle écouta l'homme qui tapait toujours à l'huis ; faisant abstraction des bordées d'injures, elle attendit le moment propice, entre deux coups. Elle devait agir vite : elle n'aurait pas de deuxième chance.


"Un coup ... arrêt ...Un coup ... MAINTENANT !"


Avant que l'agresseur n'ait pu poser son poing sur la porte, Maia ôta le verrou ... et ouvrit la porte en grand. Déséquilibré, l'homme tomba à terre en hurlant, de surprise cette fois, et son menton cogna le plancher. Il y eut un "crac" sec quand ses mâchoires s'entrechoquèrent, et un peu de sang jaillit de sa bouche.


Sans perdre de temps, Maia referma la porte et profita de l'étourdissement de l'homme pour le ceinturer. A califourchon sur son dos, elle replia l'un de ses bras entre ses omoplates, et maintint le second à terre, bien calé sous son genou.


"Bonjour cher monsieur, on peut causer ?"


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