Problèmes

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« Ne lui réponds pas, pensa Maia, elle a voulu jouer les idiotes et faire cavalier seul, bien fait pour elle, casse-toi de là ... »

Mais elle défit pourtant le manteau qu'elle venait de boutonner, et lâcha son sac en soupirant.

"Quoi ? dit-elle d'un ton plus rogue qu'elle n'aurait voulu

Je … J'ai reçu ça, là, pendant qu'on parlait. Je l'ai pas vu tout de suite, j'viens juste de m'en rendre compte."

Maia s'approcha de l'écran, bien décidée à renvoyer Lucie sur les roses à coups de « je te l'avais bien dit », mais quelque chose dans l'expression de son amie la poussa à se taire. Le petit visage rond de Lucie, encore un peu poupin pour son âge et moucheté de taches de rousseur, était d'une blancheur cadavérique. Ses grands yeux bleus s'écarquillaient de terreur à mesure qu'elle lisait et relisait le texte que Maia découvrit :

On sait ki t'es, salope. Prépare-toi, parce kon va te fair la peau.


"Hé ben quoi ? demanda Maia. Qu'est-ce que c'est que ces conneries, encore ?

  • C'est … C'est un mec que je vois souvent commenter les publications, il est complètement cinglé. Il habite dans notre ville, et il dit qu'il tabasse les gauchistes, c'est-à-dire tous les gens qui pensent pas comme lui, en fait.
  • Ça, c'est ce qu'il raconte."

Dans un geste amical dont elles avaient autrefois l'habitude, Maia prit son amie par l'épaule et l'entoura de son bras :

"Mais Lucie, je comprends pas, t'as reçu des trucs bien pires que celui-là. Pourquoi tu flippes pour lui ?

  • Parce que … Parce que je crois que je le connais, en fait.
  • Quoi ?"

Lucie enfouit son visage dans ses mains et commença à marmonner à toute vitesse, tout en secouant la tête en cadence. Maia l'attrapa doucement par les poignets et dégagea les cheveux blonds de ses yeux :

"J'ai rien compris. Tu peux répéter ?

  • C'est … Je … J'ai vu ses photos sur son profil, je crois que c'est un mec qui habitait dans mon ancien quartier, quand j'étais encore chez mes parents. Il me connaît, et je suis sûre qu'il a mon adresse !
  • Attends, me dis pas que ce type fait des expéditions punitives sur les féministes ! Ça n'a pas de sens, enfin !
  • Mais si ! Pour lui, on est des erreurs de la nature, et il veut nous corriger ! Et en plus, il en a trouvé d'autres aussi tarés que lui !"

La jeune fille serra les mains de son amie :


"J'ai peur, Maia ! Je suis morte de trouille ! Ce type va me retrouver et me tuer, j'en suis sûre !

  • Mais non, enfin ! Tu t'emballes, là !
  • Tu as vu son message, non ? Il SAIT qui je suis !
  • Il bluffe, Lucie ! Il veut juste te faire peur ! Et c'est réussi !
  • Non, non, il va venir, je te dis qu'il va venir …"

Le visage de Lucie s'empourpra ; elle se mit soudain à haleter, les yeux exorbités, mains sur la gorge comme pour appeler l'air dans ses poumons.

« Merde, pensa Maia, elle fait une crise d'angoisse ! » Sans réfléchir, elle fit ce qu'on lui avait appris dans ces cas-là : elle administra une bonne gifle à son amie. Lucie accusa le coup quelques secondes ... avant de fondre en larmes. La colombienne la prit dans ses bras et la berça comme une enfant, en lui murmurant des paroles apaisantes :

"Ça va aller, t'inquiète pas, je suis là, il va rien t'arriver ..."

Peu à peu, Lucie parvint à s'apaiser, et à sécher ses larmes. Elle s'était mise en quête d'une boîte de mouchoirs quand les deux femmes entendirent frapper de grands coups à la porte. Elles se regardèrent, sans dire un mot, subitement terrorisées.

Puis une voix tonna à travers le blindage :

"OUVRE, PÉTASSE !"


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