V.1. Creuser pour trouver un trésor... Ou autre chose.

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- J'ai une idée, pour mieux se connaître. Tu poses une question, j'en pose une, et ainsi de suite, me propose Merenda.

- Je suis d'accord.

Ma nouvelle amie coupe de la salade. Moi, je suis entrain de cuire des champignons. Tout simplement. Nous avons décidé que cette soirée serait une soirée à questions. Afin de mieux se connaître, je suppose. C'est elle qui a proposé ce "jeu". Ça va me plaire.

Ma mère est partie se réfugier dans sa chambre. Je pensais que Merenda lui plairait, mais elle n'a envie de voir personne. Elle est sûrement entrain de pleurer dans ses draps, et je ne peux pas lui en vouloir.

- Alors, je commence. Tu es née quand ? me demande-t-elle.

- Je suis née... le troisième jour de la Sixième Lune Blanche.

- Aujourd'hui ?? Mais pourquoi tu ne l'as pas dit avant ? Bon anniversaire !

- Merci. J'ai seize ans, maintenant.

- Ça le fait. À toi de poser une question, répond Merenda.

Sans la regarder, concentrée sur mes champignons, je lui demande :

- Eh bien, je vais faire très original, j'aimerais connaître ta date de naissance.

Parler avec cette jeune fille est un véritable délice. Qu'est ce que ça fait du bien ! Un peu de légèreté dans ce monde de fous furieux ne me fera pas de mal. Bien au contraire.

- Le quatrième jour de la troisième Lune Blanche. Mais ma mère se plaît à dire que je suis née le septième jour de la deuxième Lune Noire, la même date pour les membres du Clan de l'Ombre. Elle aime me rappeler que le mal est en moi.

- Pourquoi ta mère te dit-elle ça ?

- C'est à moi de poser une question, Sahenann, répond doucement Merenda, nullement déstabilisée par ma question.

- D'accord. Alors, quelle question ? Je lui demande.

- Ton animal préféré ?

- Ah, euh, j'aime bien les serpents, et les Panthères des Glaces, même si je n'en ai jamais vu. Et toi ?

- J'aime tous les oiseaux.

Elle sourit, et c'est à peine si je lui rends la pareille. Les champignons sont prêts. Encore une fois, je n'ai pas très faim, mais ça, Merenda n'est pas obligée de le savoir.

- Tu aimes certaines couleurs en particulier ? Me lance Merenda.

- Mouais, je lui réponds, j'aime beaucoup le bleu, sous toutes ses teintes.

- Comme tes yeux.

- C'est ça. Et toi, quelle couleur ? j'enchaîne.

- Le blanc. Il symbolise la pureté, la douceur et la tranquillité. Tu comprends, tout ce que j'aimerais avoir.

- C'est vrai. Par contre, c'est l'inverse pour moi. Je ne peux pas m'associer à une couleur qui représente des choses que je ne peux posséder, ou que je ne possède pas.

- Je peux te comprendre. Moi je pense que justement, si on s'associe à des couleurs qui représentent des sentiments ou des états d'âme que l'on aimerait avoir, peut-être qu'un jour on les obtiendra.

- Je vois ce que tu veux dire, j'approuve en hochant la tête.

Elle sourit. Moi, je n'ai pas vraiment le cœur à sourire. Je mets les champignons dans un plat en bois vernis de sève d'arbre, et m'assieds. Merenda fait de même, et nous avons un repas frugal composé de salade et de champignons. Elle en mangera une grande partie, j'en garderai pour ma mère, et j'en mangerai à peine.

- Tu as une de ces têtes, constate Merenda. Tu veux bien me dire ce que tu as ? Et... Pourquoi ta mère n'est pas là ?

- Elle ne se sent pas très bien, alors elle est partie se coucher. Je pense qu'un peu de sommeil lui fera du bien.

- Et ton père ?

- Il... est à la chasse. Il fait partie de la Guilde des Chasseurs de Liniorath.

- Oh, c'est un immense privilège, fait Merenda.

- Exactement. Ma mère est fière de lui, et j'avoue que moi aussi, je renchéris, en me forçant pour faire un sourire.

Je ne veux rien lui dire. Pas maintenant. Pas comme ça, alors que ma mère est en haut, dans sa chambre, entrain de pleurer. Pas comme ça, alors que ça ne fait même pas une Lune qu'il est mort. Pas comme ça, pas à une inconnue qui finalement ne sait quasiment rien de moi. C'est trop dur d'en parler.

Mais qui est-elle ? Elle a une façon de répondre aux questions qui me laissent perplexe. Et je sens comme une aura autour d'elle. Elle est entourée de mystère, pleine de secrets, qu'elle garde au moyen de solides barrières. Pourrait-elle m'aider ? Elle pourrait être ma seule chance de remonter. Ma seule porte de sortie. Je veux m'enfuir. Je veux partir. Ça fait longtemps, à présent. Je rêve de partir vivre sur une île déserte, perdue en plein milieu du Grand Océan... Loin de tous ces hypocrites, loin de cette société qui régresse un peu plus chaque jour. Je désire m'en aller. Et je me rends compte que je suis laissée emporter par mes pensées. Comme d'habitude.

- À quoi tu penses ? m'interroge Merenda, alors qu'elle s'arrête de manger.

- À rien.

- Si, forcément. Tu rêves. Tu es pensive. Tu es méfiante. Ça se voit bien. Tu n'as confiance en personne, et je vais devoir gagner ton cœur. Mais je ne te ferai jamais de mal, me promet-elle.

- Je veux bien te croire... Mais je suis perdue dans les méandres de mon esprit, si tu vois ce que je veux dire. J'ai imaginé une métaphore à ce propos. Ils ont eu la bonté de me créer un labyrinthe, sauf que je suis perdue dedans, et à chaque tournant se trouvent des malheurs, qui s'ajoutent dans mon cœur. Beaucoup de choses font que je sature, et que je me suis perdue dans les livres. Je suis perdue un peu partout. Je me cherche. Sauf que je ne me trouve pas.

- Écoute. C'est pareil pour moi. Je suis comme toi. Quand je te regarde, quand je regarde ton esprit, j'ai l'impression de regarder dans un miroir. Ne t'inquiète pas, tu n'es plus seule, maintenant. Notre seul remède, et tu le sais autant que moi, c'est l'écriture et la lecture. La musique, aussi, ça peut aider.

- Personnellement j'écoute des musiques calmes. Ça fait du bien, je lui affirme.

Merenda sourit. En fait, elle ne cesse de sourire. Comme pour cacher quelque chose de plus profond, comme pour déguiser son visage. Elle recommence à manger, et même moi, j'avale quelques bouchées. Je n'entends pas le moindre son de la part de ma mère. Elle doit s'être endormie.

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