Inconnu

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"Le Sud n'est que le repère des gens barbares, qui ne méritent pas de vivre avec nous. Mais ne t'inquiète pas, là où ils sont ils ne peuvent pas nous atteindre.

- A quoi ressemblent-t-ils ?

- Ils sont diformes, horribles."

Je me souviens de cette conversation avec ma mère. J'étais encore petite à l'époque. Le Sud me faisait peur, c'est toujours le cas. L'homme qui se tient devant moi n'est pas si horrible que ça. Je m'attendais à bien pire. Sa différence saute aux yeux, c'est pour cela que j'ai tout de suite su que j'étais passée de l'autre côté. Il a les yeux plus allongés que la normale.

Je fixe l'individu devant moi, abasourdie. Comment est-ce possible ? Le grand mur est censé nous protéger, ce n'est pas possible de le franchir.

J'ai envie de crier, de pleurer. Je ne dois pas lui montrer que j'ai peur, même si c'est difficile à cacher. Il est si près de moi. Normalement, le grand mur est censé nous séparer. Qu'est-ce que je fais ici ?

- Calmez-vous ! Je suis sûr que vous devez être sous le choc.

- Vous m'avez enlevé.

- Vous nous auriez suivi de votre gré ? Répond-il du tac au tac.

Je ne réponds pas, c'est inutile. Il connait la réponse. Jamais je ne les aurais suivi. C'est de la folie.

- Si vous me relachez maintenant, j'oublierai ce qu'il s'est passé. Vous devez savoir que ce que vous êtes en train de faire est extrêmement grave !

J'essaie de négocier. Je ne sais pas quoi faire d'autre. L'homme sourit, ma réflexion le fait rire.

- Une telle occasion ne se représentera jamais ! Personne ne vous cherchera.

Il est au courant, je ne sais pas comment il a fait. Il sait que je suis en période de deuil, et que de ce fait, personne n'est au courant d'où je suis censée être. Je n'ai droit à aucune visite, aucune prise de contact. Je suis isolée pendant six mois, personne ne se rendra compte de rien.

Il compte me garder tout ce temps avec eux ? Mon coeur recommence à s'affoler. Tandis que l'individu continue de me scruter, je m'agite de plus en plus. Tout mon corps me crie de m'enfuir, par n'importe quel moyen. Je m'apprete à me lever et à courir comme jamais je n'ai couru.

Comme s'il avait compris mon intention, il m'attrape le bras.

- Où comptez-vous aller ? Vous ne connaissez rien d'ici, même si vous êtes la princesse de cette nation.

Une pointe d'amertume se fait ressentir quand il prononce ces paroles. Il s'en est sans doute rendu compte puisqu'il baisse les yeux un moment et secoue la tête, comme pour reprendre ses esprits.

- Je suis Aaron. Et...

- Qu'avez-vous fait à mon protecteur ?

Cette question est sortie de ma bouche sans que je puisse l'empêcher. Depuis que je me suis réveillée, cette question tourne en boucle dans ma tête. Je n'arrête de me sentir coupable, il est peut-être arrivé quelque chose de terrible à Noah, et tout ça serait de ma faute.

Ma question reste en suspens, il n'a aucune intention de me répondre. Mais je ne lâche pas l'affaire.

- Vous l'avez tué, n'est-ce pas ?

- "Le Sud est rempli de gens barbares, sans pitié. Ce sont des monstres". J'ai conscience de tout ce qu'il se dit dans vos livres à notre sujet. Il est temps que vous jugiez par vous-même.

- La situation que vous êtes en train de créer ne joue pas vraiment en votre faveur.

- Je vous ai déjà expliqué que nous n'avions pas d'autres choix. Si j'étais aussi barbare que les gens du Nord le prétendent, vous ne seriez peut-être plus de ce monde. Vous n'êtes ni attachée, ni blessée. Si j'avais voulu vous faire du mal, croyez-moi je l'aurais fait.

Il est vrai que je n'ai aucune blessure sur le corps, il ne s'est pas montré agressif jusqu'à présent. Je ne lui fais pas confiance pour autant ! De plus, il n'a toujours pas répondu à ma question. Je suis sûre qu'il est arrivé quelque chose à Noah.

- Il n'est rien arrivé à votre protecteur ! Me dit-il comme s'il arrivait à lire dans mes pensées.

Je ne réponds rien, je ne le crois pas. Si ce qu'il me disait était vrai, Noah serait déjà là pour me sauver. Il est la preuve que ce Aaron me ment.

J'entends dans mon dos la porte s'ouvrir. Automatiquement, je me retourne. Je vois une femme, elle est noire. Je ne parviens pas à m'accoutumer à cette différence. Jamais j'aurais pensé me retrouver ici, avec des individus qui me sont étrangers.

Pourtant, bizarrement, je n'arrive pas à la considérer comme un danger. Un large sourire se dessine sur son visage.

- Bonjour ! Dit-elle d'un ton enthousiaste.

Elle ne semble pas se rendre compte de la gravité de la situation ! Elle sourit comme si tout ce qui était en train de se passer était normal. Sa joie de vivre se ressent dans son ton, et se lit sur son visage.

- Anna, c'est bien ça ?

Mon visage se décompense, personne ne m'appelle par mon prénom. Le fait qu'il sorte de sa bouche m'étonne au plus haut point. Je ne lui réponds pas. J'essaie encore de comprendre ce qu'il se passe. Je dois être en train de rêver, ce n'est pas possible.

- Moi, c'est Vanessa. Je suis sûre qu'on s'entendra bien.

Une certitude que, de toute évidence, nous ne partageons pas. C'est comme si elle venait d'une autre planète, comme si elle ne savait pas tout ce qui se dit sur les gens du Sud. Nous sommes à l'opposé l'une de l'autre, nous ne nous entendrons pas bien. Je suis ici contre mon gré, j'ai envie de lui dire tout ça. J'ai envie qu'elle comprenne que je ne serais pas docile, par tous les moyens j'essaierai de m'enfuir.

Elle adresse enfin un regard à Aaron. Elle se demande certainement pourquoi je ne lui réponds pas.

- Je te rassure, elle n'est pas muette. Dit Aaron en se relevant.

Il est resté accroupi à mes côtés pendant tout ce temps. Et moi je suis toujours assise par terre. Aaron marche désormais vers Vanessa et ils se font une accolade. Elle retrouve son sourire qu'elle avait perdu devant mon mutisme. Ils doivent être très proche, peut-être même amoureux.

- Elle se demande où est son protecteur.

Il s'adresse à Vanessa, qui pose un regard sur moi. Je ne parviens pas à décrypter son expression.

- Je suis là.

Une voix que je connais bien provient du couloir. Ses pas se font entendre. Il ne faut pas attendre longtemps avant de le voir apparaitre à la porte.

Je me sens rassurée, il va me sortir de là. Et tout ça ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Pourtant, sans que je me l'explique, le soulagement fait vite place à de l'angoisse. Il m'adresse un regard, je comprends que quelque chose ne va pas.

Mon intuition ne se trompe pas car il ne se dirige pas vers moi, mais vers Aaron et Vanessa. Il passe une main sur la taille de Vanessa, qui lui adresse un regard profond.

Noah est de leur côté.

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