Je me demande ce que ça fait de fumer un psy. D'abord c'est quoi, un psy ? Un joint ? Une pipe ? Une Camel ? Un amas de poils dans du carton blanc? Est-ce que ça se roule, un psy ? Comment ça se roule ? Comme une pelle ou comme un chien dans l'herbe ? Comment ça se vend ? En sous-main ? Chez l'épicier ? Sur ordonnance ? Si je rends visite à mon psy et lui fais part de mes interrogations, comment qualifiera-t-il celles-ci ? De symptomatiques ? Mais comment ça fume, un symptôme ? comment ça brûle ? Avec une bouche en cœur ? du creux d'un cœur en croix ? Par quel bout ça fume, un symptôme ? Comment ça se fume, un psy ?

Peut-être avec les lèvres noires d'un flingue. Ma psy d'enfance a presque été ma première amie. Je ne l'ai pas fumée. Je ne fumais pas, à l'époque, et je ne fulminais pas non plus ; j'étais silencieux, plus silencieux que la normale, alors mes parents m'ont envoyé chez ma psy me sentir différent, évaluer et connaître dans son bureau mes distances pulmonaires, mes fumées distancielles ; fabriquer mon pistolet nécessaire, coller mon mutisme à son canon. J'ai longtemps cru, dans les couloirs de ce temps-là, qu'un cierge me protégeait depuis l'intérieur de mon corps, qu'il me valorisait comme on soulève une église. Mais je n'étais qu'enfumé.

Je n'étais qu'enfumé. Sur la ligne du temps, j'ai dû apprendre à m'inverser dans l'espace à travers les clopes, à me rêver sanctuaire au décor vide, cendrier sur une table aveugle. J'ai fumé tant de Marlboros que je me suis embryonné par leur filtres, que j'ai côtoyé dans mon œuf un double mort. Notre église est tombée, encore elle tombe ; les psys lui ont menti au premier jour de l'aube dans laquelle elle se dressait, fragile comme un silence d'enfant. Je voudrais rendre la pareille à nos psys. Je voudrais leur demander comment ils se fument, et leur dire mon amour des Marlboros, peut-être leur hurler. Je voudrais leur faire entendre le glas du flingue à mes lèvres.