J'aime les repos insignifiants dans mon vaisseau, les repos de quelques paragraphes avachis, de ceux que mon esprit réclame, comme un corps un canapé, lorsqu'il revient d'une évasion captivante. Pour saisir cet espace au vol, j'ai dû abandonner un interlocuteur avec éloquence en bout de concombre, en disparaissant devant ses yeux dans un nuage de fumée désintéressée ; j'imagine qu'il est resté debout bêtement, poseur interrogatif, dans le selfie permanent de son intellect.

  Précieuse dans son pesant repos, cette pause est un câlin de Saint-Bernard. Sous la respiration tranquille d'un coussin brun et blanc, je réfléchis vaguement à ma réalité d'écrivain, à l'exigence désireuse qui me cajole ou me fête un peu trop fort. Je sais à quoi ressemble une histoire accouchée, et je connais la force envahissante des pages lues ; par conséquent, ma qualité d'accoucheur m'effraie.

  Je me rêve en avorton et pourtant, puisque j'aime tant et tant les avortons magnifiques, les enfants de papier, pédalants paperboys idéalistes, lisibles dans les abîmes intraduits des gens, je reste un accoucheur dans un monde en suspension, le père de fils insolubles. La qualité de l'auteur pèse comme une femme enceinte ; alors écrire ou non ? J'aime autant câliner un chien.