Oui, j'ai un vaisseau ; bien sûr, je n'ai pas de vaisseau. De fait j'en ai un. La mesure du ''oui'' n'est jamais aussi redoutable qu'en pleine possession de la mesure du ''non''. Parmi les débats de ce temps, au sein des communautés biaisées par le discours, la mesure du ''non'' est, hélas, oubliée. L'évidence du ''non'' est crucifiée sur la montagne du faux-semblant, du refus de voir tel qu'il s'appuie sur l'illusion d'un pouvoir décisionnel, en des matières où la matière-même est le plus beau des verbes. Amusés dans l'époque, leur carrosse chahuté par l'idiotie extraordinaire, le langage et l'imagination font un couple de seigneurs incompris, que l'on viole, souvent, avec bienveillance sur des pages progressistes.

 Je ne veux pas lancer de piques ; mon vaisseau est désarmé, comme l'honnêteté qui compatit. Je ne veux pas lancer de piques car j'ai un vaisseau. C'est un vaisseau-bureau, c'est un vaisseau-chambre, un grenier mordoré avec un hublot de matière grise, illuminé par Andromède, par la mémoire, ou par un matin ; c'est un château de Versailles dont les rois se guillotinent à jamais, dans lequel des clochards invités rajeunissent pour jouer à trape-trape, en traînées d'ivresse et de joie salissante – je nettoierai demain en courant avec eux.

  Depuis mon vaisseau, je rêve à la dissolution des intérieurs, aux cosmos qui avalent, et alors tandis que je rêve, je deviens sûr que mon vaisseau constitue un extérieur inverti, qu'avaler signifie dire, ''oui'' signifie ''non'', au-delà de toute mesure, si toutefois l'affirmer peut signifier quelque chose. La signification crie tout autour de mon corps ; j'ai un vaisseau ; bien sûr, je n'ai pas de vaisseau.