8.

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Pas si vite. Mon cœur vient de faire une embardée dans ma poitrine. Je lutte contre un léger vertige. Non.

"Je n'ai pas dit que ce serait ta récompense... Qui a dit que j'ai envie d'aller plus loin, et que j'accepterai de te rencontrer ?"

Pas de réponse. Je l'ai refroidi. Pour une fois. Bon et puis c'est vrai quoi, c'est pas parce que tout ça commence à m'exciter sérieusement que je vais décider de franchir les kilomètres qui nous séparent pour me lover dans ses bras, et laisser mon enveloppe charnelle devenir cendres à son contact... Mais putain pourquoi ça dérive toujours dans ce foutu cerveau ?!

Une vibration. Il a répondu. Je souris. Comme une ado.

"Eh bien, ce serait vraiment dommage. Tu as piqué ma curiosité et j'ai vraiment envie d'en savoir plus maintenant.

- La curiosité est un vilain défaut.

- Je connais des tas d'autres choses qui sont très vilaines..."

Pause. C'est moi ou... Il vient de pleuvoir dans ma petite culotte ? Une certaine chaleur fait frissonner mes muscles. Garde la tête froide. Garde la tête... Et ma culotte, aussi.

"Du genre ?"

Mais allez-y ! Je veux monter sur ce putain de bûcher, je mérite d'être brûlée vive pour ces messages de l'Enfer ! Je suis une pécheresse, une foutue pécheresse. Et je veux brûler, maintenant.

"Des tas de trucs que j'aurais très envie de partager avec toi... Mais tu ne m'avais pas dit qu'il y aurait des règles à fixer ?"

Ah oui. Les règles du jeu. Pas idiot, ça. Il est temps de reprendre le contrôle.

"Tu as raison. Mais à vrai dire, ces règles sont plutôt à découvrir au fil du jeu, je n'aime pas trop dévoiler mes cartes tout de suite.

- Ah ouais mais on ne va pas pouvoir jouer alors, si tu n'en dévoiles pas les limites. Je risque de passer à la trappe sans le savoir... Et je suis mauvais joueur. Je n'aime pas perdre."

Pourtant c'est ce qui va se passer. Tu vas perdre, je te le garantis. Et je tiens à être aux premières loges quand ça arrivera. Je vais tellement ébouriffer ta crinière que tu vas ramper pour me supplier. Tu vas m'implorer de rester, de t'en donner encore, alors que j'aurai décidé de tourner les talons, une nouvelle fois. Cette fois, c'est moi qui ai les cartes en main. C'est moi qui maîtrise le jeu. Et même si tu continues à me faire de l'effet comme il n'est pas permis, je serai celle qui te rendra enfin accro. Celle en qui tu te perdras. Et tu connaîtras le prix à payer, pour me perdre. Je serai le démon qui te tourmentera, le démon sous un visage d'ange. Pour goûter au paradis, je te ferai rôtir les fesses en Enfer.

Je ne sais pas d'où sortent ces pensées machiavéliques. Mais elles ont le mérite de me faire recouvrer toute raison. Il veut un jeu. On va jouer. Mais de nous deux, ce n'est pas moi qui perdrai. Pas cette fois.

"Bien. Règle numéro un : pas de harcèlement ou de langage lourd. Mais cette règle-là, tu peux la considérer comme obsolète, étant donné que tu as passé le filtre anti-lourdauds que j'ai créé en arrivant sur cette plateforme. Règle numéro deux : pas d'engagement. Je ne cherche rien de sérieux. Pas de promesse non tenue (et puis de toute manière, on est tous ici parce qu'on n'a pas tenu nos promesses, non ?). Règle numéro trois : pas de fantasmes bizarres. Je veux bien être ouverte d'esprit, mais y a des trucs qui sont rédhibitoires. Tout comme certaines pratiques, qui se verront opposer un refus catégorique. Mais ça, on n'en parlera que si tu remportes le droit de me rencontrer..."

Je suis satisfaite. Ces limites sont raisonnables, cohérentes. Reste à savoir s'il souhaite continuer ou hisser le drapeau blanc d'office. Auquel cas, je crois que je serai déçue. Bordel, y a vraiment un truc qui tourne pas rond dans cette boîte crânienne. Nouvelle vibration. Je jette un œil au cadran numérique sous la télé. Il se fait tard, je n'ai pas vu le temps passer. Et je n'ai toujours pas envie de dormir. Encore moins maintenant, à vrai dire.

"D'accord. Mais j'ai néanmoins quelques remarques et suggestions pour agrémenter ces conditions. Je peux ?"

Et puis quoi encore ? On a dit que c'était moi le maître du jeu, là ! Mais je suis curieuse.

"Oui. Sauf s'il est question de me déclamer des poèmes, qui n'ont ni tête ni queue - enfin si ils en ont une, bien présente d'ailleurs - comme j'ai pu en lire dans mes récents messages. Tu vas pas devenir un lourdaud, si ? :-)

- Non, clairement pas mon genre. En revanche, quand je souhaite obtenir quelque chose, je suis déterminé et j'ai du mal à gérer mon impatience, et c'est peut-être là que tu pourrais me trouver lourd. Mais j'essaierai de tempérer mes ardeurs, si ça me permet de découvrir ton visage. Et plus, si j'ose espérer. Je t'envoie mes ratifications dans le prochain message."

Bien. Je suis pas dans la merde, moi. Qu'est-ce qui m'a pris de m'embarquer là-dedans ? En attendant son message, je décide de faire un petit tour sur les réseaux sociaux. Tiens, il est en ligne. Etonnant, hein. S'il savait que c'est à moi qu'il est en train de proposer un plan cul en bonne et due forme, je me demande bien quelle tête il tirerait. Rien que pour ça, ça vaudrait le coup de poursuivre ce jeu diabolique. Remarque, si ça se trouve, moi aussi je tirerais une tête de trois pieds de long. Peut-être qu'il ne me plairait plus, dans la réalité.

Je clique sur son profil. Fais défiler ses photos. Je mords ma lèvre inférieure. Ce qu'il peut être beau sur celle-ci... Je sens de nouveau l'humidité s'installer dans mes sous-vêtements. Pas d'égarement. Garder la tête froide. Lui faire mordre la poussière. Et si c'est moi qui craque ? Si je m'enchaîne à nouveau à lui ? Je secoue la tête. Non. Non, ça n'arrivera pas. S'il existe un vaccin pour me protéger de lui, alors je suis immunisée. J'en suis certaine. Vibration.

"Tu fais quoi ?"

Thomas m'observe, inquisiteur, à l'entrée du couloir. Je lâche mon téléphone, de surprise. Je bégaie.

"E-euh rien.

- Tu viens pas te coucher ? T'es chiante avec la lumière, là. Je bosse tôt demain, je dormais bien.

- Oui, oui, j'arrive..."

Je ramasse mon téléphone à contrecœur. Je suis tentée d'ouvrir le message quand même. Non, ça attendra. Et puis la nuit me fera peut-être définitivement revenir à la raison. Ou peut-être... Pas. Je suis Thomas, m'allonge dans les draps déjà froissés, me recroqueville en me tournant vers la table de chevet. Vers mon téléphone. Dans mon esprit défile déjà la conversation qui vient de se produire, mais aussi les images de lui. De moi. De la fille que j'étais. Du jeu que je compte bien remporter. De nos corps entrelacés. De son air triomphant. De ma peau qui brûle au milieu du brasier.

Pécheresse.

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