Spécial St Valentin : Cigale & Fourmi

de Image de profil de Alyciane CendredeauAlyciane Cendredeau

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Elle avait les yeux sombres, noirs comme la nuit. Il n'avait pourtant pas l'habitude de s'extasier sur ce genre de fille ; il les préférait claires, fragiles et faciles à amadouer. Fourmi était toute l'inverse : d'un caractère sec et fort, il n'avait jamais pu l'ensorceler.

Cigale lui remplit un verre. C'était du vin, exceptionnellement. Il faut dire que Fourmi n'est pas prêteuse, et encore moins dépensière ; l'eau reste donc sa principale boisson. Mais pas ce soir.

Fourmi se pencha vers la cheminée, déposa une bûche de plus entre les braises. Elle soupira, las, inquiète par la journée passée.

« Vous êtes allé à la cour du roi ?

-En quoi cela te concerne ? »

Elle lui avait répondu sans gentillesse, mais sans agressivité non plus, d'une voix franche et musquée. Cigale frissonna. Voilà plusieurs semaines qu'il avait rejoint le service de Fourmi (ou plutôt elle l'avait contraint de payer tous les soucis qu'il avait pu causer -et elle en profitait grassement), et plus leur relation avançait, plus il aimait être remis à sa place. Uniquement par elle, bien sûr.

« C'est une nuit spéciale... »

Fourmi, la main posée sur son front comme prise d'un mal de crâne, se redressa légèrement. Elle fit la moue. Elle s'était assise à côté du feu, dans un petit fauteuil de tissu bordeaux, sobre mais étonnement élégant.

« En quoi est-ce une nuit spéciale ?

-C'est la fête de l'amour... »

Fourmi soupira.

« Garde tes cajoleries pour tes maîtresses, et arrête de dire des idioties. »

Cigale déglutit, mais jeta un œil derrière la fenêtre.

«Vous êtes dure... Je n'ai plus de maîtresses depuis des semaines. Elles m'ont toutes oubliées... Et puis, c'est ce qu'on dit sur le calendrier.

-Cela ne m'intéresse pas. »

Son ton ne semblait accepter aucune contestation. Un silence pesant s'installa, ne laissant que le crépitement du bois raisonner dans le petit salon. Cigale soupira pour reprendre courage, attacha ses longs cheveux verdoyant d'un cordon de soie. Il l'avait trouvé quelques heures avant dans les affaires de Fourmi, pendant qu'il fouillait près de son lit en faisant mine de ranger. Mais Cigale est aussi bon homme de ménage que fouineur, surtout pour fouiller les affaires des dames.

« Comment pouvez-vous dire cela ? Vous ne voulez-donc pas être heureuse ? » gémit-il, sincèrement désolé.

Fourmi pouffa de rire, désintéressée.

« Tu me prends vraiment pour une jeune première ?

-Ma Dame, personne ne voudrait rester seul pour toujours... »

Il avait répondu aussi sec, s'était agenouillé face à elle. Il posa sa main sur la sienne, qu'elle retira aussitôt de l'accoudoir. Elle releva un sourcil, interloquée.

« Pourquoi faire ? Et puis je ne suis pas seule. Tu es là. »

Cigale se fendit d'un sourire. Ainsi, le comptait-elle comme quelqu'un de proche ?

« Ma Dame, je suis ravi de pouvoir compter comme...

-Calme-toi un instant. J'ai juste dit que tu étais là. »

Fourmi leva la tête, comme pour prendre ses distances avec le jeune homme. Les flammes du foyer brillaient dans son regard, le rendait encore plus noir qu'à l'accoutumée.

« Ma Dame... »

Cigale se releva doucement, lui offrit le verre de vin encore posé sur la table à côté. Elle accepta sans broncher, gardant son regard froid et hautain. Elle semblait vraiment le détester. Ce n'est pas qu'il aimait ça, mais c'était la première fois qu'une femme lui résistait. Pire, lui vouait tant de méfiance. Mais ce n'était pas ça qui le fascinait : peut-être était-ce sa chevelure d'ébène, ou bien son caractère piquant... Ou bien même ses lèvres rouges comme le sang.

« Qu'est-ce que tu regardes ? »

Il ne s'en était pas vraiment rendu compte, mais il fixait à ce moment même ses lèvres veloutées et exquises, légèrement humidifiées par le vin. Il s'était rapproché, sentit son parfum enivrant de fleur.

« Ma Dame... »

Il ne su quoi dire d'autre, lui pourtant si habitué à bavarder.

« Tu es un peu trop proche... » continua Fourmi.

Elle semblait énervée. Ou peut-être troublée ? N'était-ce pas un peu de rouge sur ses joues ? Cigale ne prit pas le temps de s'en assurer quand il cala vaillamment sa main sur le fauteuil, posant un genou à côté du sien. Aussitôt Fourmi le foudroya du regard, essaya de lui attraper le poignet.

« Qu'es-tu donc en train de... »

D'un coup, le fauteuil bascula en arrière. Le bois craqua ; Fourmi poussa un cri surpris. Lui aussi. Il n'avait pas du tout prévu ça. Le vin se renversa un peu partout sur elle, se répandit sur sa robe, sur sa peau blanche.

Ils se retrouvèrent ainsi, face à face, à moitié allongés par terre. Cigale le sentait, il allait passer un mauvais quart d'heure. Mais il refusa de bouger. Il sentit sa poitrine palpiter sous la sienne, son cœur battant à toute vitesse. Fourmi le fixa d'un air courroucé, le souffle long, mais ne bougea pas non plus. Ses lèvres étaient à quelques centimètres des siennes. Les longues mèches encadrant le beau visage de son valet lui chatouillaient le visage, la caressait presque. Elle sentit son souffle chaud s'accélérer.

« Je suis désolé... » murmura-t-il, presque haletant.

Fourmi le toisa du regard, interdite.

« Mais je ne veux pas vous laisser si seule... » continua Cigale, s'approchant un peu plus encore.

Ils s'effleuraient presque, luttant pour ne plus bouger. Le temps s'était arrêté, l'air réchauffé.

Fourmi ferma les yeux, comme dans un instant de faiblesse. Il les ferma lui-aussi quand il l'embrassa, glissa avec désir sa langue entre ses dents. Ses lèvres étaient chaudes, brûlantes, au goût langoureux de groseille. Il les mordilla, glissa ses doigts dans sa chevelure.

« Ma Dame... Je vous... »

Une douleur lancinante le fit arrêter. Elle lui avait attrapé les cheveux, elle aussi, mais pour les tirer violemment en arrière.

« HAAAAAAAAAAAaaaaaAAAAAAAAAAAAAAAAAA » cria Cigale, pris au dépourvu.

Fourmi ne dit cependant pas un mot et semblait juste retrouver ses esprits. Ses yeux ne brillaient pas de colère, mais juste peut-être d'excitation. Enfin, elle se lécha la bouche comme pour l'essuyer, et le fixa. Cigale fit la grimace, essayant de se défaire de son étreinte.

« Je peux savoir ce que tu viens de faire ? » répondit-elle enfin.

Elle tira encore d'un coup sec, et Cigale roula sur le côté. Elle se releva lentement, lui posa un pied sur la poitrine.

« Est-ce que tu as vu tout le désordre que tu viens de faire ?!

-Ou...oui ! gémit Cigale, essayant de repousser le talon s'enfonçant dans sa chair.

-Tu vas me faire le plaisir de me nettoyer ça ! Et ce vin, bon sang ! Tu sais combien il coûte au moins ?!

-Je suis désolé !!! » répondit Cigale, apeuré.

La jeune femme lui jeta un regard énervé, puis s'écarta.

« Je vais arranger ça ! » continua Cigale en se relevant douloureusement, ramassant les bouts de verre éparpillés par terre.

« Tu as intérêt » répondit la jeune femme.

Elle sortit enfin de la pièce comme une tornade, laissant Cigale penaud. Ce dernier se frotta le torse, regarda les reflets cristallins briller dans sa main. Puis il sourit. Son cœur battait encore la chamade, son sang bouillonnait encore au souvenir de cet acide baiser.

« Et va faire la cuisine !!! cria Fourmi à travers la porte.

-Tout de suite, Ma Dame ! »

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Commentaires & Discussions

RapprochementChapitre3 messages | 5 ans

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