Partie 4

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Fuir.

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Sur l’ordre du Commutateur, je quittai aussitôt ma cachette.

J’étais premièrement soulagé de la décision de la machine, mais dès l’enclenchement de mon déplacement vers la sortie, une nouvelle émotion commença à remplacer l’autre… Je partis de l’étagère et me dirigeai vers la vitre. Je me trouvai heureusement dans l’angle mort du policier, mais le regard de la femme, lui, me frappa de plein fouet. Il accentua le remord qui montait déjà à grand coup de griffes en moi. Au milieu de son élan sacrificatoire, alors qu’elle tentait de s’agripper au carrelage qui n’offrait aucun relief à ses doigts taché, ses yeux en amandes se plantèrent dans les miens. La haine lui brulait les rétines… Elle criait. Elle criait sa tristesse et sa colère. Envers moi… envers ma lâcheté.

Le policier ne se souciait plus de moi. Peut-être n’avait-il même jamais remarqué qu’une deuxième personne arpentait la clinique ? Il avançait vers elle, sans produire un seul son, à la manière d’un fantôme glissant sur une proie sans défense. Les cris de la mère redoublèrent. Ils devinrent si forts qu’ils couvrirent l’alarme, qu’ils couvrirent mes pensées et ma vision… Ils marquèrent mon esprit d’une tache indélébile.

Arrivé à la vitre en réparation, je passai au travers la pellicule encore amplement malléable. J’arrêtai ensuite, sacrifiant quelques précieuses secondes, pour débarrasser de mon coude l’entièreté des bandes appliquée par l‘agent de la paix… Cela devrait laisser l’issue ouverte après ma fuite.

But too little too late… Au même moment, la détonation blanche du fusil éclata sur tous les murs du SSE. La lumière était si puissante qu’elle réduisit même les hurlements de la femme. Le bébé était resté muet… Seule l’alarme retentissait toujours : criarde et plaintive.

Sa sale, mais légitime vengeance assouvie, le policier avait finit par remarquer ma présence. Je n’aperçus que le dessus de sa tête, dépassant de peu les étagères, se tourner vers moi. Deux autres déflagrations explosèrent en ma direction ! Trop tard… Je courais déjà sans un regard en arrière… Ses balles se perdirent à quelque part dans le dédale des rues avoisinantes.

Je repris sans réfléchir la ruelle qui menait au-devant de l’étrange sanctuaire… Après tout, c’était le passage le plus rapide pour arriver à Jacob. Sans grande surprise, les fidèles s’étaient réinvestis dans leurs prières et cette fois, à mon passage, ne semblèrent guère me porter d’attention. Je courus à en perdre haleine, ne soulevant que poussière et désintérêt sur mon chemin.

Mon cerveau pédalait aussi vite que mes jambes…

Et si ça avait été Judith ? Si quelqu’un avait osé abandonner ainsi Judith j’aurai, j’aurai… Mais, était-ce Judith ? Non. Je l’aurais reconnu… non ? Il est vrai que je n’avais point pris la peine de la regarder convenablement… C’est pourquoi elle m’aurait sauvé la vie ? Or donc, le bébé. Le bébé était Juliette ? Ma pauvre petite Juliette adorée… Non. Juliette est… Reprend-toi ! Elles ne peuvent pas être ici. Pas toutes les deux. Et… Je… Je les aurai reconnues.

J’en étais venu à oublier toutes les souffrances et les peines de ma vie passée. Les drames et trahisons de ma vie avaient finis par se sublimer pour ne laisser en moi qu’un profond et doux néant. Un être dont la naissance et la vie n’auraient commencées qu’à son arrivé ici. Enfin… je le crus. Cependant, cette rencontre, soldé par ma fuite, avait rouvert une brèche en moi. Je le constatai aussitôt. Toutes ces images qui hantaient encore parfois mes nuits, tous ces souvenirs que j’avais essayé de purger trois ans plus tôt en déménageant à Schäfertown, tout revenait à l’assaut. Plus fort que jamais. Chacun de ses souvenirs se fracassait maintenant à répétitions contre les parois intérieures de mon crâne…

J’étais arrivé à la cage d’escalier menant à la sortie de secours de l’appartement de Jacob. La ruelle était déserte et je me doutais que le policier ne daignerait pas me poursuivre aussi loin du lieu de son appel initial. Épuisé, vidé de l’adrénaline qui m’avait jusque-là portée, je m’effondrai contre le mur arrière du Lolita’s. J’entendais les cris d’euphories, les va et vient bruyant et la musique techno si forte qu’elle faisait vibrer le mur contre mon dos. Dans mes poches, mes deux précieux objets, maintenant imprégnés de l’aura putride de la mort, se cognèrent contre le béton. Ils me rappelèrent ainsi leur présence.

Le Fog!

J’y verrai plus clair, ensuite.

La progression anti chronologique du temps que la substance déclenchait dans le cerveau permettait un détachement quasi-totale de son corps et de son être. Aux regards extérieur la personne semblait agir normalement, quoique caractérisée d’une certaine lourdeur d’esprit et d’action, alors qu’à l’intérieur elle expérimentait successivement passée, présent et futur, dans des ordres aussi variés qu’illogique. Cette altération de la réalité, en plus de l’intérêt que représentait le phénomène en soi, offrait un regard complètement détaché sur son existence. L’ensemble de sa vie devenait emmitouflée d’un lourd brouillard (ce qui donnait le surnom à la drogue justement) pour toute la durée de l’expérience. C’était au sein de ce brouillard qu’on se mouvait pendant des heures… D’ailleurs, l’expérience durait exponentiellement selon le nombre de pilule ingérée. Si j’en prenais deux, par exemple, je serais défoncé pendant au moins cinq heures…

C’était ce qu’il me fallait !

Juste deux.

Ce sera parfait.

Oui! Oh mon vieil ami…

Mais qu’est-ce que le Commutateur dirait ?

Je devais certainement…

La femme cria une autre fois sous mon crâne.

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A) Ne pas prendre la drogue et continuer chez Jacob.

B) Attendre d’être chez Jacob pour consommer la drogue.

C) Consommer tout de suite la drogue.

D) Aller au Lolita’s sans prendre la drogue.

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