Partie 3

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Retourne t’introduire dans le SSE.

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Je fus aussitôt parcouru d’un frisson d’excitation. Laissant là les disciples et leurs étranges croyances, je retournai au coin de la rue en quelques enjambés alors qu’eux restèrent silencieux devant mon départ.

Les vendeurs ramassaient leurs produits à la va-vite et les passants accéléraient leurs pas pour quitter l’intersection avant l’arrivée des autorités. À la vue d’un de leur véhicule vide, mais dont les sirènes étaient allumées, j’avais la désagréable impression qu’il était trop tard. Cependant, aucun patrouilleur n’était présent ! Il n’y avait que moi pour être assez fou et me jeter ainsi dans la gueule du loup…

En face du SSE, au milieu des morceaux de vitres éparses, gisait les restants du système de surveillance de l’endroit. En l’honneur, je présume, de ces compagnons d’une époque révolue (les seuls chiens qu’on trouvait maintenant se devait d’être évités ou abattus pour freiner la propagation de la rage) la caméra était installé dans les yeux d’une statue de taille réel, constituée d’un acier gris-foncé, lisse, représentant un berger allemand assit au garde-à-vous. Cette pratique grandement répandue de camouflage du dispositif de surveillance parmi les membres du corps policier avait amené leurs supérieurs, il y a de cela un moment déjà, à installer un peu partout, principalement au-devant des édifices appartenant à l’État, des dizaines de ces molosses électroniques. Ils servaient à surveiller, mais surtout à avertir… Assit calmement, mais avec leurs babines retroussées pour laisser entrevoir les canines, ces bêtes étaient rapidement devenues un symbole fidèle de la bestialité et de la violence exacerbée des gardiens de la paix de cette partie du globe. Ironiquement censé protéger les lieux, celui-ci était la honte de la meute en ayant plutôt servi à briser la fenêtre par laquelle j’entrai maintenant.

Le pan du mur étant presque complètement éclaté je pus entrer sans difficulté. Le volume de l’alarme à l’intérieur devenait insupportable et contribuait à l’augmentation, parallèlement équivalente à l’intensité ambiante, de mon adrénaline. Comble de la chance, je trouvai sur la première étagère adjacente, non pas du Fog, mais sa version générique appelé Fertiapine. Cela ferait l’affaire…

Malgré l’urgence du moment, plusieurs questions émergèrent tout de même à mon esprit: était-ce possible que le Commutateur me pousse vers ce qui avait failli causer ma perte quelques années auparavant ? Qu’il m’amène bras dessus bras dessous dans la dépendance et l’excès ? Je devais faire confiance. Une confiance aveugle même. N’est-ce pas là le seul réel critère d’une foi digne de ce nom ? Le plan était peut-être de les revendre… Oui. C’était certainement cela : j’allais les vendre dans le but d’effectuer une série d’actions qui me mènerait à un motif supérieur ? Un motif ultime ? Oui. Oui… Mais d’un autre côté…

Mes yeux baissèrent sur le flacon déjà dans ma main. Ce ne serait pas un seul comprimé qui me ferait replonger. Ou deux même… Après tout, j’étais clean depuis plus de trois mois! Je me surpris à humecter instinctivement mes lèvres gercées.

Je déballai la ridicule bande de plastique servant à bloquer le bouchon. J’appuyais ma paume à son sommet et, de cette pression familière et salvatrice, je le tournai.

C’était la première étape de mon court, mais sublime rituel…

- Qu’est-ce que… !? Ils sont déjà là. Cachez-vous, vite !

Je n’eus point le temps de me remettre de ma stupéfaction que la femme qui avait chuchoté ces mots me tirait par le collet derrière une autre étagère. Malgré son geste brusque, je pus dissimuler le flacon dans mes poches, mais apparut, aussitôt, un premier policier! Exactement là où je me tenais quelques instants auparavant.

La femme devant moi, c’était la silhouette que j’avais reconnue plus tôt, me pointa son oreille et articula des mots que je ne pus point déchiffrer… Devant mon incrédulité elle me fit comprendre de laisser tomber et me montra le couloir tout au fond. Il menait sur une série de petites pièces servant normalement aux consultations privées. Sans attendre une réaction, elle marmonna quelques mots à la chose qu’elle avait visiblement d’attachée à sa poitrine et longea un large îlot jusqu’à l’extrémité est de la pièce.

À côté de moi, le policier avait sorti une machine et effectuait de large mouvement de haut en bas, de droite à gauche, dans le but d’appliquer par bande une épaisse pellicule transparente à l’ensemble de la vitre brisée. Je savais trop bien que cette pellicule se durcirait en l’espace de quelques minutes pour refermer d’une nouvelle vitre la seule issue visible de l’endroit. Plus angoissant encore, aucun des mouvements de l’officier ne semblait produire de sons… Il était vrai que l’alarme créait encore un vacarme incommensurable, mais ce n’était pas là la raison… C’était plutôt lui qui n’émettait aucune fréquence. Comme si tout son être était étouffé au sein d’une bulle aussi invisible qu’inviolable… ni même par le son.

Pour tenter de rejoindre la femme qui avait pratiquement rejoint le couloir, je transférai le plus furtivement possible de l’étagère vers l’îlot, comme elle l’avait fait elle-même. Ma courte traversé fut intercepté par un deuxième policier! Il avait surgit devant moi, sans un bruit ! Il me pointa de son revolver chromé et me fixa d’un sourire carnassier. Je pouvais à peine voir ses yeux à travers la visière protectrice qui cerclait son casque.

Débutant une phrase que je ne pus toujours pas entendre, il toucha un bouton dans le collet de son gilet pare-balles et dès lors, après un froissement presque imperceptible de l’air, on entendit d’un coup l’ensemble des bruits que produisait son être :

- …merdeux que la milice ne soit pas arrivée les premiers. Ils sont beaucoup moins… « soucieux » de votre santé. Bon, allez ! Recule !

Incapable de réfléchir ou de me sauver, je levai stupidement les mains en tremblant.

- J’ai dit :…

Il appuya l’extrémité de son canon sur mon torse.

- …recule, sac à merde.

Son sourire doubla. La pression de son arme se fit plus insistante.

Tout se passa en l’espace de quelques secondes… Surgissant de nulle part, la femme sauta dans le dos du patrouilleur. Elle planta son couteau dans la tendre chair de son cou… il pénétra jusqu’à la garde.

Le patrouilleur fut parcouru de soubresaut alors qu’elle se tenait toujours agrippé de son autre main à ses épaules. Elle retira la vieille lame rouillée et sauta au sol. Le sang gicla. Sur le plafond. Sur les murs !

Il s’effondra gauchement.

La femme ne s’était point éternisé et avait repris son « colis » pour aller se mettre à couvert quelques mètres plus loin. Une fois assise sous un comptoir, elle se mit à bercer la chose que j’avais prise pour un lourd paquet… Se pourrait-il que ce soit plutôt un enfant ? Un bébé même…

Le policier près de la vitre, qui avait suivi la scène des yeux, dégaina et ouvrit sans hésitation le feu dans notre direction. Bien que les détonations du fusil fussent toujours silencieuses, l’impact de ses balles, elles, étaient perceptibles par le sifflement aigu de leurs passages quelques millimètres près de mes oreilles. Je me penchai instinctivement.

Partout au-dessus de moi les balles broyaient l’établissement… Les flacons de toutes sortes explosaient ! Les éclats de bois étaient propulsés à travers la pièce. Je respirais difficilement. Mes oreilles sillaient. Mes muscles étaient en feu. Une répugnante odeur de poudre à canon imbiba toute la clinique.

À la première accalmit du tireur, j’en profitai pour relever la tête et essayer de voir l’état de la fenêtre brisée… La pellicule ondulait toujours au vent : il restait de l’espoir.

Une autre rafale passa tout près de ma nuque et termina sa course quelque part au fond du SSE ! Je me recachai prestement. Je tentai de percer le brouillard environnement pour tenter d’apercevoir comment s’en sortait ma nouvelle camarade.

Je constatai alors que notre chance s’effritait rapidement.

Mon amie ne tentait plus du tout de calmer son enfant… Au contraire, blessé par balle à l’une de ses jambes et acculé à un des murs, elle rampait péniblement dans une épaisse marre de sang… Elle essayait de s’interposer entre son bébé et les bottes ravageuses du patrouilleur. L’écume aux lèvres, les ongles plantés dans le sol pour avancer plus vite : elle criait. Des cris à faire déchirer l’âme… Pourtant, il apparaissait certain qu’elle se trainait beaucoup trop lentement pour espérer rejoindre à temps son précieux trésor.

Debout devant l’amas de vêtement immobile, l’ennemi sembla hésiter.

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A) Fuir.

B) Rester caché.

C) Attaquer l’agent.

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