l'infirmière sanglante

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La bouteille de liqueur dans les mains et une expression exaspérée et réprobatrice sur le visage, Germaine entra dans mon bureau suivit de Jeanne. La jeune femme portait une robe corsetée et une coiffure en chignon qui n’aurait pas détonnés dans un épisode de Docteur Quinn.

  - Merci Germaine.

  - Attendez au moins de finir le premier.

  - Biensûr.

  - Alors Jeanne on ne vous attendez plus ! Asseyez-vous et dites moi pourquoi vous êtes là.

  - Je m’excuse de mettre égarée malgré le plan, mais vous voyez j’ai suivit le scénario de mon auteur.

  - Ah du coup vous étiez ?

  - J’ai été ravi en pleine rue !

  - Ah oui, effectivement… ça doit pas aider à être à l’heure. Donc vous avez été libérée.

  - Non, quand je me suis réveillée mon ravisseur était évanoui et j’étais tout à fait libre dans la maison…

Je ne comprenais tellement rien à ce qu’elle me racontait que j’allais jeter un œil à son dossier. Elle devait être un poil dérangée la petiote.

  - … Il était fiévreux, les enfants pas tous polis, les deux grandes, pas commodes, mais il fallait bien rester pour les aider.

J’haussais un sourcil, elle ne délirait pas ! je la coupais :

  - Bref vous êtes là pour quoi ?

  - Pour un changement de scénario, pardi !

  - Je suppose que vous voudriez un charmant jeune-homme pour vous secourir ?

  - Non, j’ai eu assez de « charmant » pour l’instant merci.

  - Vous souhaitez être votre propre héroïne et vous échapper seule.

  - Ça aurait le mérite de coller avec ma description d’intelligente et débrouillarde, persifla-t-elle. Mais non plus. Je ne souhaite pas partir.

J’avais le mauvais présentiment que cette histoire allait se finir sur un scénario du genre « enlevée par un thug, elle tombe amoureuse ».

  - Et donc… vous restez chez votre ravisseur ?

  - Il faut bien s’occuper des enfants, pendant qu’il est malade.

  - Tout à fait…

Plutôt 50 nuances du syndrome de Stockholm, elle me semblait de plus en plus fêlée la gamine.

  - Et puis ça m’évite de payer un loyer. J’ai manqué mon emploi avec ça. Faut bien que je dorme quelque part.

Elle me voulait quoi à la fin celle-là si elle était si contente que ça de son enlèvement ? Le Caracal me l’envoyait pour tester ma patience ? J’avais trouvé une excuse pour passer la semaine tranquille, mais à ce rythme mercredi j’y serai encore.

  - Bon c’est quoi le souci ? Vous êtes la kidnappée, la plus heureuse de son sort que je croise depuis longtemps.

  - Partis comme c’est je vais me retrouver à jouer Cosette ! Trimant toute la journée, pour être payée en choux ou pomme de terre, jouant les arbitres à la maison.

Finalement, elle avait encore un peu les idées claires.

  - Et donc ? Je note quoi comme souhait ?

  - Je voudrais que mon personnage évolue en tueuse froide et calculatrice !

Je cessais d’écrire, posais mon stylo, croisais les mains et lui fit un sourire diplomatique en l’écoutant jusqu’au bout.

  - Je voudrais ne pas être une simple infirmière altruiste à l’extrême, je veux me servir de cette façade pour mieux cacher mon côté sombre. Profiter de la situation pour endormir leur garde et me débarrasser de cette peste de Marie. Je manipulerais les autres pour qu’ils me soient dévoués corps et âmes ! Et si jamais l’un d’eux s’écarte de mon désir, il me suffirait de peu pour qu’il contracte une maladie fulgurante. Le plus dangereux reste Mathias, mais tant que je n’ai pas les enfants entièrement sous mon contrôle il est utile. Mais une fois fait.

J’avais raison complètement barjo, à tendances psychopathes !

  - Ah ah ah, un accident est si vite arrivé. Dès qu’il reprendra ses méfaits… Je ferai croire que je dors à poing fermé, ronflant comme une locomotive, puis une fois partie je me posterais non loin de la fenêtre, épiant sa route pour savoir par où il reviendra. Je l’attendrai sous un porche sombre, une lame à la main. Et quand il passera à ma portée, je bondirai et d’un éclat d’argent sortiront des flots de sang de sa gorge ! Car je frapperais, encore et encore en m’assurant qu’il sache qu’on ne m’enlève pas en pleine rue sans en payer le prix !

Eh ben… La petite Jeanne avait le même genre de pensées que la renarde, heureusement qu’elle était pas institutrice !

  - Je serais l’ange de la mort de cette ville, soignant le jour avec un sourire compatissant sur le visage et précipitant la fin de ceux que j’estimerais devoir rejoindre dieu !

Je laissai sa transe carnassière retombée un peu avant de lui annoncer :

  - Requête rejetée !

Ponctuant le tout du bruit sourd du gros tampon rouge que j’apposais sur son dossier.

  - Mais pourquoi ?!

  - Drame pour les enfants. Votre auteur est classé dans la catégorie « Dysney chaste, si hors gourdin sans glouglou rouge ». Donc ça peut pleurer, mais pas de sang et ça doit rester purement platonique. Ne m’en demandez pas plus. C’est pas un point négociable. Vous allez rester la brave naïve serviable.

Elle se leva d’un bond hurla copieusement une bordée d’insultes très colorées en déambulant dans mon bureau. Germaine passa la tête par la porte, mais je lui fis signe de ne surtout pas intervenir. La brave secrétaire s’en retourna très vite à ses mots croisés. Moi j’en profitais pour savourer une gorgée de liqueur, pendant qu’elle hurlait au ciel pourquoi elle devait être altruiste.

A la réflexion, je la comprenais. A titre personnel si un mec m’avait enlevé pour me forcer à m’occuper de lui et de gamins je l’aurais sans le moindre doute incinéré. Et même si un élan de pitié venant dont ne sait où m’en empêchait, je me serais barrée sur le champ ; le laissant se débrouiller. Sérieusement, qui resterait auprès d’un homme prétendant vouloir se faire pardonner et voulait même pas lui céder son lit pour une nuit.

Au bout d’un temps, et une fois épuisé son stock de jurons, elle refit son chignon, arrangea sa robe replaça la chaise et s’assit comme si rien de s’était passé.

  - Bon et est-ce qu’au moins je pourrais avoir une chambre à moi avec mon propre lit ?

Je la trouvais réellement fascinante, flippante, mais fascinante !

  - C’est du Oliver twist, donc n’espérait pas trop un destin à la Princesse Sarah, mais je poserai la question.

  - Pfff. Je vais rentrer comment ? je n’ai même pas de plan !

  - Parce que ça changerait quelque chose ? lui lançai-je avec un regard amusé.

  - Probablement pas.

  - Germaine !

La vielle secrétaire ouvrit avec appréhension la porte.

  - Pourriez-vous appeler un taxi pour Jeanne ? Et trouver vous-même l’adresse pour la renvoyer. Et notez que j’ai de lourdes négociations à faire, je ne prends plus de rendez-vous cette semaine.

Elle fit la moue mais obtempéra.

Enfin seule, avec mon verre j’allais pouvoir profiter d’un peu de calme ! Enfin je l’espérais.mon verre j’allais pouvoir profiter d’un peu de calme ! Enfin je l’espérais.

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