Mont Méru
Mont Méru
Symboliquement, toute approche d’une montagne « impressionnante », nous fait faire un saut en direction de ce Kailash (कैलास) vénéré par les grandes religions orientales. Considérée comme le lieu du mythique Mont Méru, elle en aurait les hautes fonctions cosmiques, position éminemment axiale, séjour des dieux. Au-dessus sont les Cieux, au-dessous les Enfers, autour tout l’ensemble du monde visible. Le soleil tourne autour du Mont dans une sorte de rayonnement céleste. De ceci nous sommes imprégnés en la puissance des archétypes qui traversent notre conscience et en façonnent la forme à notre insu. Du reste, que ces images matricielles soient conscientes ou inconscientes importe peu. C’est l’empreinte qui se dépose à même nos corps qui en est la manifestation la plus singulière. La flamme qui percute notre chair, l’ayons-nous enfouie dans les plis de notre « oublieuse mémoire ».
Géants de pierre
C’est majestueux, une montagne. Alors on ne peut l’aborder que par paliers, par approches successives, en glissant, tel un Sioux, parmi les herbes des Grandes Plaines afin de se rendre discret, à la limite de l’inapparent. Puis gagner des hauteurs de sable, suivre le doux épaulement d’une dune, en épouser les sentes au milieu des touffes d’oyats et des buttes façonnées par le vent. Puis s’enhardir encore, gravir quelque pente plus abrupte, par exemple dans la chaîne des puys d’Auvergne, se mesurer au vaste paysage, observer ces monts érodés, ces cratères effondrés, en ressentir le sourd grondement, loin à l’intérieur, dans les fleuves de magma bouillonnant. Alors, à défaut d’être pris de vertige, l’altitude est si modeste ici, on vivra la démesure face au jaillissement de ses anciens feux, tout près des forges d’Héphaïstos, on entendra ses bruits d’enclume, on en éprouvera l’ancienne violence chtonienne, réponse, en quelque sorte, à la majesté Olympienne, au souffle de Zeus au foudre étincelant. Un voyage des dieux terrestres aux dieux célestes. Une indispensable transition avant que de se risquer à tutoyer ces géants de pierre qui nous dominent de toute la splendeur de leur immobile sagesse.
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