Mise en situation

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  Mon oeuvre n'a rien d'original, à part la mise en scène et le style. Je n'ai aucun mérite... sauf peut-être un : j'ai lu un livre. Incroyable mais vrai ! En passant : lisez ce livre, bon Dieu de merde ! Il s'agit d'une merveille de Stephen King "Ecriture : Mémoires d'un métier". "Tout à la fois essai sur la création littéraire et récit autobiographique", dedans aux pages 219 à 223 il y a aussi un exercice d'écriture très intéressant. J'ai hésité à mettre cet exercice en défi d'écriture, mais je ne suis pas à l'aise avec le procédé et j'avais peur qu'il finisse par disaraître : libre à vous de le faire ! ;)
  L'exercice en question est simple : King nous raconte le déroulement que pourrait avoir un fait divers et, au terme de son histoire, nous demande d'inverser les rôles (d'où le nom, je suis un putain de génie ! :D) En apparence simple, maisl'écriture de 5 pages m'a pris un peu plus de cinq heures (pourtant j'écris plus vite en temps normal), mais l'idée m'a bien fait kiffer. Je vais vous rédiger mot pour mot l'exercice - qui fait environ trois pages, alors désolée d'avance pour les longueurs.

« Votre travail consistera à écrire cinq ou six pages, sans partir d'une intrigue préalable, à propos de [cette idée]. Vous allez vous mettre à fouiller le site, pour le dire autrement, et voir ce que vous exhumez. Je crois que vous risquez d'être très surpris et ravis par le résultat. Prêts ? On y va.
  Les éléments de base de l'histoire qui suit sont connus de tous , avec ses nombreuses petites variantes, elle semble figurer une semaine sur deux, en moyenne, dans la rubrique faits divers des quotidiens de toutes les grandes villes. Une femme – appelons-la Jane – épouse un homme intelligent, plein d'humour et débordant de magnétisme sexuel. Nous l'appellerons Dick ; c'est le prénom le plus freudien qui soit [diminutif de Richard et terme argotique américain pour pénis]. Malheureusement, Dick a sa part d'ombre. Il a du mal à contrôler son mauvais caractère, et il est peut-être même paranoïaque (vous le découvrirez à la manière dont il parle et se comporte). Jane déploie les plus grands efforts pour supporter les défauts de Dick et réussit à ce que leur couple tienne bon (pourquoi cela est-il aussi important pour elle, c'est aussi quelque chose que vous trouverez ; elle montera sur scène pour vous le dire). Le couple a un enfant et, pendant un temps, les choses semblent mieux se passer. Puis, alors que la petite fille a environ trois ans, les mauvais traitements et les crises de jalousie recommencent. Mauvais traitement verbaux, tout d'abord, puis physiques. Dick est convaincu que Jane couche avec quelqu'un, peut-être un collègue de bureau. Est-ce une personne en particulier ? Je ne le sais pas et ça m'est égal. Dick finira par dire qui il soupçonne. S'il le fait, nous le saurons tous les deux, n'est-ce pas ?
  Finalement, la pauvre Jane n'en peut plus. Elle divorce et obtient la garde de leur fille, la petite Nell. Dick se met à la harceler. Jane réagit en obtenant de la cour un interdiction pour Dick de l'approcher, document à peu près aussi utile qu'un parasol pendant un ouragan, comme vous le diraient nombre de femmes battues. Pour terminer, après un incident que vous décrirez de manière vivante et effrayante (il la bat en public, par exemple), cet abruti de Dick est arrêté et jeté en prison. Tout ce que je viens de décrire est en réalité le fond du décor. Ce que vous en faites et la manière dont vous le faites ne dépendent que de vous. Ce n'est nullement la situation. La situation est ce qui vient maintenant.
  Un jour, peu après l'incarcération de Dick dans la prison de la ville, Jane récupère la petite Nell à la garderie et va la déposer chez une amie où l'on fête un anniversaire. Puis Jane rentre chez elle, contente d'avoir deux ou trois heures de tranquillité devant elle. Peut-être vais-je faire une petite sieste, se dit-elle. Elle habite une maison, en dépit du fait qu'elle est seule et jeune employée, car la situation l'exige plus ou moins. Comment est-elle installée dans une maison et pourquoi dispose-t-elle d'un après-midi libre, autant de détails que l'histoire vous dira et qui paraîtront parfaitement cohérents si vous les justifiez par de bonnes raisons (la maison appartient à ses parents, ou bien elle est chargée de la garder ; il existe des tas de possibilités).
  Une chose l'alerte, mais d'une manière pas tout à fait consciente ; quand elle pousse la porte, elle se sent soudain mal à l'aise. Elle n'arrive pas à dire pourquoi et suppose que c'est simplement de la nervosité, une conséquence des cinq années passées en compagnie de mister Charmant Caractère. De quoi d'autre pourrait-il s'agir, d'ailleurs ? Dick est derrière les barreaux, non ?
  Avant d'aller faire sa sieste, Jane décide de se préparer une infusion et de regarder les informations (pourrez-vous utiliser, plus tard, la bouilloire qui siffle sur le gaz ? À vous de voir). La principale information, au bulletin de quinze heures, est sensationnelle : le matin même, trois hommes se sont évadés de la prison municipale, tuant un gardien au passage. Deux des trois hommes ont été repris, le troisième est toujours en fuite. On ne donne pas le nom des évadés (pas dans ce bulletin, en tout cas), mais Jane, dans sa maison vide (fait que vous aurez maintenant expliqué de manière plausible), sait, sans l'ombre d'un doute, que l'un d'eux était Dick. Elle le sait parce qu'elle a finalement identifié la raison de son pressentiment lorsqu'elle est entrée chez elle. C'était l'odeur, légère et en train de disparaître, d'un produit capillaire, un tonique du nom de Vitalis. Le tonique de Dick. Jane reste immobile dans son fauteuil, les muscles paralysés et terreur, incapable de se lever. Et tandis qu'elle entend les pas de Dick dans l'escalier, elle se dit : Il n'y a que Dick pour arriver à se procurer du Vitalis, même en prison... Elle doit se lever, elle doit courir, mais elle n'arrive pas à bouger...
  Pas mal, non ? C'est ce que je pense. Pourtant, c'est une histoire qui n'a rien d'unique. Comme je l'ai déjà fait remarquer, BATTUE (OU ASSASSINEE) PAR UN EX-MARI JALOUX est un titre qui fait la manchette des journaux presque toutes les semaines. C'est triste, mais vrai. Ce que je vous demande, dans cet exercice, c'est de changer le sexe des protagonistes avant d'attaquer votre travail sur la situation ; faites de la femme la harceleuse, en d'autres termes (peut-être se sera-t-elle échappée d'un hôpital psychiatrique, et non d'une prison), et du mari la victime. Rédigez sans élaborer d'intrigue ; laissez la situation et cette inversion inattendue des rôles vous porter. Je vous prédis que ça coulera comme de source... si, bien sûr vous êtes honnête dans la façon de faire parler et se comporter vos personnages. »

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