Chapitre XVIII.4

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Le moment de vérité était arrivé. Ils n’avaient plus qu’un bouton sur lequel appuyer, et les Citoyens recevraient tous… leurs Messages.

Imalbo et Féhna étaient loin sous la terre, dans le dernier sous-sol du nouveau Centre d’Analyse du Réseau. Cela faisait près de vingt-quatre heures qu’ils se battaient l’arme au poing, pour en arriver là.

Le nouveau Centre d’Analyse avait été rebâti dans la deuxième ville la plus importante du continent (maintenant la première), peu de temps après qu’il soit détruit par les ruses de Io. Imalbo et Féhna s’étaient rendus dans cette ville avec leurs lions noirs, mais auparavant ils s’étaient fait accompagner par une impressionnante escorte de guerriers animaux, car dans cette ville les robots étaient partout. Les batailles furent nombreuses, et terribles ; beaucoup d’animaux périrent, et ils étaient loin, très loin, de pouvoir remporter au final. Mais cette victoire n’était pas leur but ; tout ce qu’ils étaient venus faire, c’était protéger les deux humains, et en cela ils réussirent : ils purent entrer vivant dans le Centre d’Analyse.

Mais que de choses n’avaient-ils pas déjà accomplies auparavant ! Imalbo était retourné dans les profondeurs labyrinthiques du Réseau ; Féhna avait dû le protéger seule contre une horde de policiers humains déchaînés ; ils avaient fait plusieurs jours de voyages sous la menace des bombes ; ils avaient tout affronté, et maintenant ils étaient faits de pierre brute.

Pourtant, ils faillirent bien laisser leur peau dans le Centre d’Analyse, car ce fut là qu’eut lieu la plus grand bataille, et il n’y avait que très peu d’animaux pour les soutenir, la plupart des survivants étant occupés à se battre au-dehors. Heureusement, depuis qu’Imalbo était retourné dans le Réseau, ils savaient précisément que faire et où aller ; mais les robots semblaient connaître eux aussi leur destination, et ils durent négocier le moindre mètre avec les terribles décharges de leurs armes, dont ils priaient pour qu’elles ne s’épuisent pas trop vite.

Le danger avait véritablement été partout, et la mort les avait accompagnés en se réjouissant d’avance dès qu’ils avaient pénétré à l’intérieur. Mais Féhna se révéla une combattante redoutable ; elle sut tirer au maximum profit de l’armure de Io, dont la mémoire devait lui donner encore plus de rage, de volonté et de courage. Pourtant elle fut blessée, gravement même, et ce dès la première des cinq heures qu’ils venaient de passer dans cette forteresse, malgré l’épaisseur de ses protections, et ne tenant plus debout que par l’amour qu’elle portait à un mort. Imalbo aussi fut touché, et eut bien du mal à rester en vie quand ses munitions s’épuisèrent, son arme ne se rechargeant pas d’elle-même contrairement à celle de Féhna. Quant à Kryël, il fut héroïque : il brava tous les dangers pour protéger ses deux amis, et sauva leur vie à de très nombreuses reprises en brisant de ses terribles dents les rouages infernaux de robots cachés dans les plus petits interstices d’un lieu qu’ils connaissaient depuis toujours ; malheureusement, le petit dragon rouge aux longs poils ne survécut pas à son courage contre raison, et mourut transpercé simultanément par une dizaine de lasers qui brûlèrent sa tendre chair alors qu’il forçait le mécanisme d’ouverture de la dernière porte qu’il restait à franchir au groupe.

Imalbo le vengea dans un horrible cri où se mêlaient la colère et le désespoir de perdre encore un ami : prenant l’arme de Io, ils réduisit à néant toute trace de vie électronique sur les deux derniers niveaux. Puis, la rage au ventre, il entra avec Féhna dans la salle où ils allaient pouvoir accomplir les dernières volontés de celui qui avait élaboré leur plan.

Maintenant, quand Féhna presserait le bouton sur lequel elle avait posé le doigt, tous les Citoyens du globe qui possédaient encore un bloc-poignet, et tous ceux qui avaient encore accès à un ordinateur (c’est-à-dire la très large majorité, même parmi la ville en ruine), recevraient le Message qui avait poussé Io à se sortir de sa vie sans histoires, ce même Message dont il n’avait parlé qu’à Féhna, et qui au début lui avait donné tant d’énergie, sans qu’il comprenne vraiment pourquoi.

Voilà le Message que Io avait reçu, par la faute d’une petite abeille électronique : c’était un extrait de son dossier médical. Sur cette page figurait la date, précise à la minute près, à laquelle les micro-organismes qui pullulaient dans chacun de ses organes, et dans ceux de tous les Citoyens qui les recevaient dès la naissance, entreraient en activité, apportant une mort immédiate et inévitable. Io avait reçu la date de sa mort, et la certitude qu’il ne pourrait pas y échapper.

Lui avait choisi de profiter du court temps qui lui restait à vivre ; les autres Citoyens réagiraient peut-être différemment, mais au moins cette fois ils réagiraient : la mort ne leur laisserait pas le choix.

Féhna prit une profonde inspiration, et envoya les « Messages ».

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