Chapitre XI.4

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De retour dans sa cellule, donc. Celle-ci était toujours aussi normale, à part le cadavre d’une pauvre abeille électronique caché derrière un des pieds du lit. D’ailleurs, cette abeille faisait penser à Io que, parti comme il était à tout remettre en cause de la sorte, Imalbo était vraiment sa seule chance de s’en sortir sans trop de dommages. Tant pis ! Il fallait savoir (et aimer) prendre des risques. Pour l’instant, le procès allait avoir lieu dans les jours à venir (Io pensait en tout cas l’avoir repoussé au maximum), et il comptait s’y rendre en le considérant comme une magnifique occasion de s’amuser. En plus, si comme il le pensait l’affaire serait médiatisée et étalée à la vue de tous, peut-être pourrait-il secouer un peu la population de Citoyens Tout Mous qui allait le regarder ; enfin, s’il allait trop loin il serait à coup sûr censuré, mais tant qu’à faire autant essayer…

On lui avait confisqué toutes ses affaires personnelles, et il n’avait connaissance du temps passé depuis sa dernière sortie que par le nombre de repas qu’on lui apportait : à peu près deux jours déjà qu’il moisissait ici. On lui avait présenté un avocat ce matin-là ; il avait bien insisté pour pouvoir se défendre lui-même, mais voilà, on lui avait dit que cela était propice à des litiges sur le règlement, et qu’il avait causé assez de troubles comme cela. On parvint à un compromis, à savoir que Io aurait un avocat, mais qu’il ne le défendrait pas. L’avocat serait présent uniquement pour la forme, et pour lui indiquer tous les renseignements dont il pourrait avoir besoin.

Le troisième jour, au matin, on vint le chercher : le procès allait commencer. Io dit qu’il ne voyait pas en quoi on avait besoin de lui, mais on insista pour qu’il assiste à la cérémonie, alors il autorisa les gardes à le jeter sur leurs épaules et à le porter menotté jusqu’au palais de justice.

Io n’avait pas la moindre idée de ce à quoi allait ressembler le palais de justice : il avait toujours été là, car la Justice était une valeur forte qui demandait des attaches matérielles dans la Société ; mais à part comme symbole il y avait vraiment longtemps qu’il n’avait pas servi. Il y avait une foule qui se pressait à l’entrée, et que des gardes armés empêchaient d’entrer : en effet, c’était le Réseau qui avait régulé l’accès au public de la salle, et ainsi cinq cents personnes étaient installées dans les gradins à l’intérieur. Celles qui se pressaient à l’entrée avaient été invitées en surplus, afin de créer un léger tumulte propre à conférer à l’événement l’importance qu’il méritait.

Les gradins accueillant les cinq cents personnes se trouvaient de part et d’autre de la porte d’entrée ; comme ils étaient assez colossaux l’entrée était suivie d’une sorte de couloir avant d’aboutir à l’« arène du jugement ». Cette arène, circulaire, se trouvait abaissée par rapport au plus bas niveau des gradins, et tout au centre figurait un autre cercle, encore plus abaissé, dans lequel on conduisit Io. C’était la place de l’accusé : placé de la sorte au niveau le plus bas, il était en plus assis sur une simple chaise de bois (et solidement assis, pas moyen de se relever) ; son avocat se tenait debout à ses côtés, et il ne pouvait lui non plus sortir du cercle en soubassement.

Io était donc assis sur sa chaise dos à l’entrée ; derrière lui, donc, étaient les gradins du public dont le regard était supposé se concentrer sur sa pauvre nuque. A sa droite, il y avait la table des jurés. Cette table était au même niveau que les premiers rangs des gradins, c’est à dire plus haut que le cercle de l’accusé, et plus haut que l’arène du jugement. Les jurés étaient au nombre de onze, confortablement assis derrière leur table, en rang sage et discipliné. Face aux jurés, donc à la gauche de Io, il y avait un énorme écran, au même niveau que leur table. Cet écran était ce par quoi le Réseau allait s’exprimer ; car le Réseau se portait, comme il en était convenu, partie civile, et pourrait faire entendre des « remarques » qu’il jugerait nécessaires au bon déroulement du procès. En outre, dans l’arène et de chaque côté de Io étaient installées des barres auxquelles viendraient les témoins ou toute autre personne destinée à être entendue par la Cour.

Et face à Io, il y avait les juges. Si tout était fait pour que l’accusé soit au plus bas, en revanche les juges étaient fort élevés : chacun avait une installation particulière, comprenant fauteuil de cuir, table, étagère à dossier, ordinateurs de communication, boissons rafraîchissantes…, et ces installations se trouvaient élevées du sol de plusieurs mètres. Les juges étaient trois : les installations des deux juges-assistants étaient telles qu’ils avaient les pieds au niveau des têtes des personnes les plus élevées parmi les gradins, soit à peu près cinq mètres au-dessus de l’arène ; et le juge en chef, au milieu, avait ses pieds au niveau de la tête de ses acolytes : il était ainsi suprêmement élevé, et Io avait froid.

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