Chapitre VII.1

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Le noir d’encre de la nuit était laminé de tous côtés par des néons de toutes les couleurs du spectre, et de nombreuses vitres étaient encore éclairées sur beaucoup d’immeubles ; ainsi la route était-elle bordée de formes jaunes brillantes, généralement des rectangles mais on trouvait aussi la quasi-totalité des autres formes géométriques.

La moto elle ne brillait pas, elle ne renvoyait même aucun reflet, et elle fonçait à travers la nuit, sans que rien ne soit là pour l’arrêter.

Elle fonçait vers l’extérieur, par la route la plus large et la plus rapide qui soit. La voie rapide était à une centaine de mètres au-dessus du sol, et la moto allait si vite qu’il se passerait un long, très long moment avant qu’elle ne retombe sur terre si jamais la route disparaissait.

Mais la route continuait indéfiniment, passant tout droit à travers les gratte-ciel et les autres immeubles si concentrés, si serrés que même sur la voie rapide en hauteur on ne distinguait rien sur les côtés à plus de quelques mètres. Il faudrait être encore plus haut, beaucoup plus haut dans les airs pour y voir un peu plus clair. Et là, ce ne serait plus la concentration énorme des immeubles mais les limitations de l’œil humain qui empêcheraient de se rendre compte de l’étendue de la ville. L’empilement des bâtiments s’étendait à l’infini.

Pourtant, c’était bien vers la fin de la ville que se dirigeait la moto. Et avec elle, la résolution même : Io. Lui aussi était du noir le plus mât qui puisse être, et il était prêt à tout. Il se sentait au meilleur de sa forme, il s’était entraîné, et Imalbo l’avait pleinement équipé : sa combinaison n’était plus cette fois une simple tenue de travail conçue pour résister aux chocs les plus durs, c’était une véritable armure de combat, casque compris. Sur sa cuisse droite était fermement accrochée la plus polyvalente des armes de poing modernes, et il savait la manier à merveille. La visière de son casque lui affichait toutes les données dont il avait besoin, et érigeait un plan de tous les lieux où il passait à partir des moindres informations. Il aurait même pu être directement relié à Imalbo, si les communications longue distance ne risquaient pas tant d’être repérées.

Quant à sa moto, c’était la plus rapide qui soit, et encore son trajet fou durait plusieurs heures avant d’atteindre la périphérie de la ville. Mais ces heures allaient bientôt être derrière lui : soudain les immeubles avaient commencé à s’espacer.


La périphérie de la ville. Enfin. Là se trouvait tout ce qui était voué à modifier la vraie ville, tous les projets à long terme ayant un bâtiment au sein duquel ils pouvaient se développer. Io quitta la voie rapide et commença à redescendre vers le sol ; d’en haut, sur la route où beaucoup d’humains passaient pour se rendre dans une autre ville, on ne voyait rien du chantier dans lequel régnait cette périphérie. Il n’y avait en effet nul ornement, nulle commodité dans l’installation des immeubles : le sol était à même la terre, il n’y avait aucun trottoir et en dehors de quelques routes c’était la couleur ocre de cette terre qui dominait le paysage.

Tout semblait sens dessus-dessous, des grues par-ci, une cabane par-là, le vide ici, quelques grands immeubles disséminés un peu partout dans une absence totale d’ordre.

La moto était au niveau du sol depuis quelque temps, elle suivait une petite route au milieu d’un champ de poussière rouge. Droit devant elle, se rapprochant, était sa destination.

La route passa au travers d’une épaisse muraille de sable ocre qui semblait faire le tour de l’immeuble, et la moto entra dans la cour d’entrée.

Io avait longuement répété ce moment : il dégaina son arme, une sorte de gros pistolet qui paraissait à moitié organique, noir mais bardé de tubes, de bulbes et de boutons verdâtres, et qui changeait même de forme et de taille selon qu’il voulait tirer de l’eau ou bien une roquette. Mais il ne voulait sûrement pas tuer : il régla l’arme de façon à ce que la cible s’effondre instantanément mais sans aucun dommage, seulement étourdie pour un temps largement suffisant.

Il y avait quatre gardes dans la cour bétonnée de l’immeuble. La moto décrivit un large arc de cercle ; une, deux, trois puis quatre pressions de la détente et les gardes gisèrent au sol, inertes, sans avoir eu le temps de réagir à l’attaque. Puis la moto retourna vers la route d’où elle était venue avant de faire demi-tour et de stopper net. Io régla alors une nouvelle fois son arme : pleine puissance.

La moto vibra, gronda, puis enfin repartit en trombe vers les portes blindées transparentes du bâtiment. Io attendit que son véhicule soit stable, visa soigneusement la porte et pressa la détente. Une boule de feu prit forme au bout du canon de l’arme, Io relâcha la pression de son doigt et la boule frappa : la matière transparente de la porte se fissura de partout, comme si on y avait incrusté une gigantesque toile d’araignée.

Io fonça à travers la porte, levant bien haut la roue avant de sa moto pour se protéger. Dès qu’il sut qu’il avait traversé la vitre, il tira une nouvelle fois, le plus vite qu’il put, et brisa la seconde porte avec la roue de son engin sitôt après l’avoir atteinte.

Il était entré, assez bruyamment, au sein du Projet Contrôle.

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