Chapitre V.2

4 minutes de lecture

*

* *

« C’est bon, tu émerges ? interrogea la voix. Je n’ai pas osé te réveiller, car tu auras besoin de toutes tes forces tout à l’heure, mais quand tu décides de dormir, c’est quelque chose ! Ça fait bien une heure que je te regarde roupiller, alors qu’il y a tant de choses à faire. Allez ! Lève-toi vite et rends-toi au premier sous-sol : tu verras, j’ai tout préparé. » La voix de l’immeuble se tut, laissant Io achever son réveil en douceur.

« Il est déjà neuf heures ! lut-il sur un réveil intégré au mur à côté de sa tête. Ça fait quand même du bien de dormir sans être tiré de son sommeil par une horrible sonnerie. Mais aujourd’hui, la pire des dissonances m’aurait quand même réveillé dans la joie, avec tout ce qui m’attend. Dépêchons-nous ! Je suis curieux de savoir avec quels objets bizarres mon ami l’immeuble va bien pouvoir m’équiper. »

Io s’habilla rapidement, se passa un peu d’eau froide sur la figure, se brossa les dents quand l’immeuble lui rappela que c’était important, puis il se précipita vers les ascenseurs.

« Enfin ! » fut le cri de joie par lequel l’immeuble l’accueillit sitôt qu’il fut arrivé au premier sous-sol. « Entre, entre ! J’ai absolument tout préparé cette nuit. » Jamais Io n’avait vu immeuble aussi enthousiaste, mais il avait toujours des doutes : « Tu veux dire que maintenant, tu sais comment je vais pouvoir t’aider à récupérer ces données, sans me faire réduire en pièce comme un hérisson imprudent au milieu d’une route?

— Ah, ben il y a toujours des risques, sans quoi ce ne serait pas drôle…

— Evidemment.

—… mais je pense les avoir réduits autant que possible. Tout d’abord, et c’est ce à quoi je me suis affairé en premier, les policiers au dehors : j’ai construit un système très complexe d’hologrammes, que tu m’aideras, avec les robots que j’ai prévus pour l’occasion, à installer aux fenêtres. Ces hologrammes projetteront une image de toi très réaliste grâce à laquelle j’espère bien attirer au loin toutes les patrouilles des environs.

— Astucieux, le complimenta Io. Dis donc, ce serait pratique si tu en profitais pour qu’ils me croient mort, par la même occasion…

— N’y compte pas trop, répondit la voix de l’immeuble. Les spécialistes en criminologie de la police seront trop heureux d’avoir enfin une occasion de se rendre sur le terrain : ils ne laisseront pas le moindre détail de côté, je te le promets. Enfin, je verrai quand même si je peux faire quelque chose. Bon, maintenant, l’objet dont je t’ai parlé hier. Il est prêt, et tout à fait opérationnel, mais il y a un hic.

— Tiens donc, et lequel ? Io ne voyait pas comment un objet "prêt et opérationnel" pouvait poser problème.

— C’est quand même, je te le rappelle, destiné à être une extension de ma personnalité. C’est donc un objet important. Et je ne sais toujours pas comment l’appeler.

— Quel hic ! Je peux choisir pour toi ? demanda Io, amusé. Ça ira plus vite.

— Vas-y. Tu as une idée ?

— Médusa, ça te va ? Je ne démordrai pas de l’idée que ce truc ressemble à une méduse en plastique.

— Jamais vu d’méduse avec une tête carrée, marmonna l’immeuble. D’accord, ça me va ! Voilà un problème de réglé. Le reste de ton équipement, maintenant. Outre Médusa, je t’ai préparé de nouveaux vêtements : en plus d’être totalement imperméables – ça peut servir, n’est-ce pas ? – ils sont aussi destinés à te donner une très grande liberté de mouvement et une importante résistance aux chocs. De plus, ils te feront facilement passer pour un travailleur tout à fait banal, sur lequel aucun regard ne s’attardera. Les autres objets dont tu vas avoir besoin sont rangés avec Médusa dans la sacoche que voici. »

Io s’empara du sac qui était arrivé juste devant lui par un tapis roulant en provenance des immenses chaînes de montage qui occupaient tout le sous-sol ainsi que ceux se trouvant encore en dessous. La sacoche donnait l’impression de garder une taille raisonnable alors même qu’elle était bourrée d’objets pour le moins étranges… Les vêtements arrivèrent juste après par le même chemin.

« Tu les enfileras plus tard, lui dit l’immeuble. Pour l’instant, je vais te dire précisément ce que nous allons faire. Tout d’abord, il faut que tu saches que, bien que nous ayons peu parlé de nos familles respectives, j’ai un "petit frère"… »


*

*  *


Les policiers patrouillaient dans la rue. Ils ne savaient pas où se cachait le criminel, mais il était dans le coin, près d’eux, et tout le quartier était étroitement surveillé. Sur les visières des casques de leurs puissantes combinaisons de combat, les signaux d’alertes virèrent au rouge, et tous se retournèrent vers l’origine du mouvement qui venait d’être détecté. Le criminel ne sortit pas de l’immeuble dans lequel tout le monde le croyait, bien que nul n’ait réussi à obtenir l’autorisation d’y perquisitionner à cause de la pagaille régnant dans les systèmes informatiques. Il sortit par l’immeuble d’en face. Mais c’était bien lui : tout dans son attitude transpirait la provocation. Il se tint face à toutes les forces de police présentes dans la rue, les foudroyant du regard. Il semblait extraordinairement puissant et dangereux ; il semblait aussi plus grand que tout. L’arrogance du personnage croissait, tandis que tout en restant immobile il paraissait prendre de plus en plus d’importance. Et puis soudain il ne fut plus qu’un faible fuyard, et tous les policiers se ruèrent vers celui qui leur avait fait si peur l’instant d'avant.

Le fugitif refusa cependant de se laisser prendre : il courait le long de la rue plus vite que n’importe qui, et il donnait aux policiers l’impression de devenir de plus en plus insaisissable à mesure qu’il s’éloignait. Mais quand ils ouvrirent le feu, ils furent certains qu’il ne pourrait leur échapper, car la rue entière fut pendant un bref instant la proie d’un brasier si intense que toute vie, jusqu’aux plus petits microbes de l’ennemi, fut anéantie : aucune trace du succès de l’arrestation n’allait être retrouvée par la suite.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Kasei ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0