9 : Association de malfaiteurs

3 minutes de lecture

Île Seguin

Boulogne-Billancourt (92)

Fin janvier 2011

Le premier jour

18:00

L'Audi TTs glissa lentement sur l'asphalte et s'arrêta au cœur du terrain vague. L'ancien site industriel des usines de l’ex-régie nationale était en attente de réhabilitation. Un lieu idéal pour une entrevue clandestine. Joseph Cash, la soixantaine décrépie, patientait assis dans le coupé sport que lui avait fourni Rusty, une figure du proxénétisme parisien qu'il avait connu à l'époque où il était encore commissaire de police à la Brigade des Mœurs. Une époque bénie où la corruption lui avait permis d'amasser beaucoup d'argent et nombre d'avantages en nature... Une époque aujourd'hui révolue. Désormais, il était en cavale, recherché par toutes les polices de France. Pour tuer le temps, il zappait entre les innombrables stations de la bande FM et tomba sur un indémodable standard de Piaf, Rien de rien. Il constata alors que sa devise n'était pas aussi éloignée de celle de La Môme. Il ne regrettait absolument rien des méfaits qu'il avait pu commettre par le passé.

Une monumentale Rolls-Royce Ghost traversa le pont Renault et s'immobilisa non loin du véhicule du fugitif. Un gigantesque chauffeur de maître en sortit et ouvrit la porte antagoniste de l'imposante limousine grise. Izmaar Eagle en descendit et fit quelques pas en direction de l'Audi. De son côté, dans la pénombre, Cash ouvrit le hayon de son auto et s'empara d'un volumineux sac de voyage en cuir. Il referma le volet arrière de la voiture et vint à la rencontre du nouveau prince du hip-hop. Depuis que son dernier album était en vente dans les bacs, le Caïd de Sarcelles arborait un look inspiré des meilleurs westerns spaghettis, singeant ainsi les héros du maître du genre, Sergio Leone. Face à lui, dans la lumière blanche aveuglante des phares au xénon, l'ex-flic faisait dans la sobriété vestimentaire. Il jeta le sac aux pieds du Caïd et les deux hommes se donnèrent l'accolade.

— Jo ! Ça fait un bail...

— Trois ans Izzy, trois longues années !

— Et tu t'es fait la malle, vieux briscard...

— Cette fois-ci, j'étais mal barré pour une remise de peine. Cela dit, les affaires ont l'air de rouler pour toi. T'as fait du chemin depuis Fleury.

— Le show-biz, et tout le reste... Tu es là pour régler ta petite note ?

— Le compte y est, tu peux me faire confiance. Il y a même une avance pour ton prochain boulot...

— Une autre catin ?

— Exact. Mathilda Triviani, la protégée de la Crim', n'était qu'une mise en bouche.

— Qui est-ce ?

— Katia Sdresvic, la poule d'Oettinger.

— Celui qui t'a balancé à l'IGS ?

— Lui-même...

— Il y a un truc qui m'échappe, Jo. T'as jamais eu peur de te salir les mains, alors pourquoi avoir recours à mes services ?

— Je vieillis, Izzy ! En cabane, j'ai manqué d'exercice. Je suis trop rouillé pour prendre la tangente si jamais ça tournait mal. Par ailleurs, côté sexe, les transgenres, ça n'a jamais été ma came. C'est un peu comme les crossovers, tu vois. C'est un mélange de tout qui, au final, ne ressemble à rien... Et surtout, je n’ai pas envie de retourner au trou.

Cash s'empara d'une enveloppe en papier craft qu'il avait dissimulée dans la doublure de son blouson et la confia à Eagle.

— Tout est là-dedans. Les photos de la fille, son adresse, ses habitudes. Et les instructions à suivre à la lettre. Dans soixante-douze heures, je serai loin. C'est tout ce dont tu disposes pour mener à bien ta mission. Je te ferai parvenir le complément de tes honoraires une fois le contrat exécuté.

— Putain, Jo, quand t'as quelqu'un dans le nez, tu ne fais pas les choses à moitié !

— J'aime le travail bien fait, Izzy. Et comme tu partages mon goût de la mise en scène et de la perfection…

— Je sais ce que je te dois, amigo. Et je m’acquitte toujours de mes dettes d’honneur. Sois tranquille, c’est comme si c’était fait…

Les deux hommes se saluèrent et regagnèrent leur véhicule respectif. Le Caïd considéra le fugitif s'éloigner dans les volutes de fumée de son cigarillo à moitié consumé, le jeta par la fenêtre, puis ordonna à son chauffeur de mettre les voiles.

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