L'école

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Ah... l'école, cette merveilleuse institution inscrite dans le patrimoine français, ce bon vieux François, pratiqué depuis des lustres comme une évidence. Cette façon qu'a l'état de vouloir mettre au diapason un individu afin qu'il s'ajuste parfaitement à un modèle de société, qu'il apprenne par le biais de notations qu'il est mauvais ou alors qu'il est bon. Tout le monde a la même enseigne, ne pas valoriser la différence... Enfin je m'égare car si je parle de l'école je pourrais en marquer des tonnes. Je voulais parler d'un moment précis de l'école, que je vis souvent malgré le fait d'avoir un boulot prenant je vais essayer de vous le faire deviner.

Nous voici un matin tout ce qu'il y a de plus normal. Je me réveille un poil plus tard qu'à l'habitude car je travaille du soir, avec des horaires en décalés. Après avoir profité d'une nuit de sommeil revigorante à souhait, non ce n’est pas vrai, quand je me lève je suis fatigué. C'est assez incroyable de se lever et d'être fatigué, je mets 200 ans à être en forme. J'ai beau prendre une douche, un café ou un thé si j'ai la flemme de me faire un café. Ah oui, avoir la flemme de se faire un café se justifie par un choix, bien personnel mais assumé, enfin pas totalement, d'avoir investi dans un appareil qui moue le grain. Donc je dois m'enquérir de cette tâche avant de tremper le grain dans une eau frémissante, et non bouillante c'est important, pendant quelques longues minutes, ce n’est pas vrai ce n’est pas long, afin d'avoir mon merveilleux café.

J'ai beaucoup de chance car mon fils est très autonome. Je lui indique des tâches à effectuer et il s'exécute gentiment et avec le sourire, c'est totalement faux. Donc une fois ces quelques préparatifs effectués, je saute dans la douche, c'est une expression soyez pas con, et je me savonne tout ce qu'il y a à savonner. J'ai des cheveux particuliers, très épais mais vraiment très épais. Je suis parfois dans l'intentionnalité de vouloir mettre un terme à l'envie de les ordonner de manière "esthétique", mais bon vous savez, quand on a une femme à la maison, faut faire des trucs du genre ; faire attention à ne pas ressembler à un castor en putréfaction qui se serait mangé un 44 tonnes un dimanche férié.

Une fois tout cela fait je regarde l'heure, je regarde très souvent l'heure, c'en est presque une obsession. C'est fou de tout le temps regarder l'heure. Même quand je passe un bon moment. Faut vraiment que je travaille là-dessus. Quand j'y pense ça fait de la peine, ça fait un peu comme si tu savais ta date de péremption et que l'heure t’affichait le compte à rebours avant de te mettre en terre comme ce bon vieux castor. J'espère d’ailleurs qu'il a fini en terre et qu'il n'y a pas un vieux clodo qui s'en est fait un sandwich de grand gourmet.

Bref, une fois sur deux, voire deux fois sur deux je me tâte et constate que j'ai encore le temps d'effectuer une nouvelle tâche absolument pas indispensable comme consulter une vidéo idiote avec deux mecs qui se demandent qui a la plus grosse. Constat est fait que je suis à la bourre pour amener mon fils à l'école.

Alors je le presse. Je ne sais pas si vous ça vous choque mais je trouve ça injuste de presser un enfant. C'est vraiment lié à un constat, celui d'être constamment sous pression. Alors perso je la subis de façon modérée, mais vraiment. Malgré tout, je suis conscient de son existence parfois omniprésente pour certains. Et pour y avoir goûté, très peu, mais goûté quand même, je trouve que c'est une sensation très désagréable. Vous savez se mettre l'estomac dans un mixer puis déverser une quantité d'acide sulfurique dessus assez importante, mais pas trop, pour qu'il ne reste que de quoi confier le reste à un catcheur mexicain qui le mettra KO d'un bon vieux coup dans les parties, tout cela se fait en envisageant la possibilité qu'un estomac ait des parties. Tout cela pour dire que le monde est stressant, tu as des factures, des responsabilités, un job plus ou moins intéressant avec des collègues parfois faux cul, je ne parle pas des patrons cela fera sûrement l'objet d'une nouvelle gueulante... Mais la vie est rude. Est-ce que je dois commencer à foutre la pression à mon gosse alors qu'il n'a pas de poil ? Franchement même les poils ça peut être stressant.

Bon une fois que j'ai bien stressé mon gosse, jeté dans la bagnole, foncé à l'école en trombe, parfois dans les pleurs car je lui ai coupé un super dessin-animé qu'il souhaite voir pour la 17ème fois, je fais toujours ce constat accablant : l’école n’est pas encore ouverte. Putain, tu culpabilises pendant 35 secondes, mon temps de trajet en voiture. Je tiens d'ailleurs à m'excuser auprès de la planète, car franchement n’allumer un véhicule que par manque de temps ce n'est pas sympa pour la planète. Après, faut quand même avouer qu'il y a une part de flemme, même une grosse part, vraiment...

Bref, l'école n'est pas ouverte et je me retrouve donc à poireauter comme un bon vieux clampin dans une fosse de parents pressés, en train de stresser leurs gosses chacun de leur côté. Parfois ils sont en groupe, car c'est mieux de stresser à plusieurs. Je ne sais pas si vous avez remarqué, j'aime observer les gens et décortiquer leurs habitudes. Le constat que j'ai pu faire dans cette situation c'est que les parents ont un mode de fonctionnement tout particulier. C'est à dire qu'ils s'installent comme dans un jeu d'échec, comme sur une sorte de quadrillage ou tout le monde respecte l'espace vital de l'autre. Parfois on a l'impression que c'est, pour certains, le meilleur moment de leur vie car ils rencontrent enfin leur super copine maman, avec qui elle cause de rien mais au moins elles ont l'avantage de laisser penser que leur vie est pleinement épanouie de ragots et autres sujets sans intérêt, comme celui de savoir au bout de combien de points de croix il faut insérer une variante pour faire un effet de superposition qui donne un effet relief à son œuvre…

Ces parents qui essaient devant la grille de briffer les gamins : "Tu sais quoi mon fils, maman parle avec sa copine mais toi tu fermes ta gueule, tu joues surtout pas avec ta pote à couettes et tu restes bien rangé comme un bon vieux soldat bien éduqué". Vous savez ce truc de parents où il faut faire voir aux autres parents que ton éducation a été prodiguée par des moines Shaolin du sud du Tibet (au nord se sont des cons) avec des méthodes en accord avec le corps et l'esprit, qui font de vos enfants des modèles d'harmonie. Alors que la réalité c'est que ton gosse est un gosse. Il gueule, il chiale, il rit, il joue, la vie quoi. La question à se poser est surtout de savoir quelle partie du fun qui sommeille en chacun tu as oublié de conserver.

Après se joue l’enjeu final de l'ouverture. Quel suspens... Mme la maitresse ouvre enfin cette fichue porte et enfin on peut se voir jouer les dernières minutes des 24h du Mans. Tous les parents se transforment alors en une horde de gladiateurs prêts à décrocher les lauriers de Césars. Faudrait que j'essaie de courir, car en même temps je dis ça mais il y a peut-être vraiment une récompense à l’arrivée. Je vous assure l'autre jour quelqu'un m'a doublé en trainant limite son gosse par les pieds. J'exagère, mais pas tant que ça.

Enfin voici la libération d'avoir accompli la tâche merveilleuse de confier son enfant à l'éducation nationale.

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