YOUNG

3 minutes de lecture

Je me souviens.

SIXIÈME NUIT.

L’oubli de la mort.

Chère Narcisse, tu étais fraîche et pure comme la rosée du matin ; tu n’as brillé comme elle que l’espace d’une aurore : comme elle tu es montée de la terre dans les cieux aux premières heures du jour. O ma fille ! ton père en cheveux blancs est devenu ton disciple. Que ta jeunesse et ta mort prématurée m’instruisent. Les années ont blanchi ma tête, et je la porte encore élevée et fière ! Occupé de la mort des autres , je ne vois pas mon tombeau qui se creuse sous mes pas.

Ainsi parlait Edward Young à la mort de sa belle-fille, Elizabeth Temple. Elizabeth mourut à Lyon, sur la route de Nice, loin de son beau-père et loin de sa patrie.

Une Anglaise protestante dont on refusa l'enterrement dans le cimetière catholique...

Edward Young, poète anglais et poète de cours, en conçut un terrible chagrin.

TREIZIEME NUIT.

La tristesse et le malheur.

Sais-tu, Lorenzo, ce que vaut un soupir ?

As-tu jamais étudié la philosophie des larmes ?

Ce n’est pas dans les écoles qu’elle s’apprend.

La science n’est pas la sagesse. [...]

O tristesse, c’est dans ton école que la sagesse instruit le mieux ses disciples ! Quand la mort nous enlève un ami, ceux qui nous restent nous exhortent à nous consoler promptement de sa perte. Mais, en voulant sitôt essuyer nos larmes, l’aveugle amitié se méprend sur nos vrais intérêts.

Les hommes pensent-ils être plus nos amis que celui qui a frappé le coup ?

Ainsi écrivait Edward Young, lorsque le chagrin était trop dur à supporter et lui inspirait des vers de tristesse et de larmes.

Je me souviens.

Le poète de cours, si célèbre et si adulé, frappé par les tristesses de la vie.

Son âme tourmentée lui fit écrire ses Pensées nocturnes sur la vie, la mort et l'immortalité (1742-1745).

Ce furent les Nuits et ce fut la naissance du romantisme.

Edward Young, poète courtisan, passa sa vie à offrir dédicaces et panégyriques aux grands de ce monde, ministres et puissants.

Mais ce n'était que la face visible, celle qui lui apportait argent et fonction.

Car à l'intérieur de ce poète, sans éclat, se cachait une âme de géant, plus grande que les trônes et les sceptres.

Le malheur frappa cette âme et en tira l'essence de la poésie.

La mort de sa belle-fille, la mort de son gendre, la mort de son épouse... ce furent des coups du destin qui firent d'Edward Young, un génie sublime.

ONZIEME NUIT.

L'anéantissement.

Si l’immortalité n’est qu’une erreur, que cette erreur m’est chère ! Que ce mensonge consolant serait

encore préférable à la triste vérité ! L’espérance qu’il nous laisse nous sert du moins à jouir de ce

monde. La vie future est l’âme de la vie présente. Si nous les séparons , nous n’avons plus qu’à gémir

dans celle qui nous reste. L’incrédule qui coupe sa durée immortelle en deux portions, pour se

borner à la première, détruit le bonheur de son existence présente ; en mutilant son être , il double

ses malheurs. Ah ! s’il est vrai que je sois dévoué au néant que j’abhorre , quel désespoir profond et

nouveau vient tout-à-coup me saisir ! Quelles affreuses pensées noircissent mon imagination et

flétrissent mon cœur ! Comme l’horizon de mes maux s’étend autour de moi ! O terre misérable, ô

ciel barbare ! écoutez la plainte de l’homme.

Ainsi songeait Edward Young en espérant la vie éternelle et les retrouvailles.

Je me souviens.

Les Pensées Nocturnes (Night thoughts) furent composées sous les coups du malheur.

Edward Young écrivit ce long poème, fait de questionnement sur la religion, sur la morale, sur l'immortalité de l'âme et le divisa en neuf nuits.

Un livre fait d'espoir et de crainte.

Etait-il sincère ?

Je l'ai vu écrire des nuits entières et pleurer de chagrin...mais je l'ai vu aussi chercher avec rage des emplois et des mécènes. Les Nuits eurent beaucoup de succès et Young en profita bien.

Je ne sais rien de plus.

Edward Young se retira de la vie publique et vécut dans le rappel constant de sa femme bien aimée.

Il se brouilla avec son fils et refusa de le voir durant des années, préférant vivre dans une solitude quasi complète.

Il fallut l'ombre de la mort pour que le père se réconcilie avec le fils...

PREMIÈRE NUIT.

Les misères de l'humanité.

DOUX sommeil, toi dont le baume répare la nature épuisée. Hélas ! il m'abandonne. Semblable au monde corrompu, il fuit les malheureux. Exact à se rendre aux lieux où sourit la fortune, il évite d'une aile rapide la demeure où il entend gémir, et va se reposer sur des yeux qui ne sont point trempés de larmes.

Après quelques momens d'un repos agité, et depuis longtemps je n'en connais plus de tranquille, je me réveille.... Heureux ceux qui ne se réveillent plus !... Pourvu toutefois que les songes effrayants n'épouvantent pas les morts dans le fond des tombeaux.

Annotations

Vous aimez lire Gabrielle du Plessis ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0