4 - Les Esprits Rouges 2

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Filant à grande vitesse, ils s'approchaient rapidement de l'autre côté de la salle caverneuse. En cet endroit la voûte s’abaissait pour rejoindre le sol face à eux et ne laissait pour seul passage dans une autre chambre du gouffre qu’un goulot. Une ville y trônait, avec une tour de garde à l'entrée.

Ils y montèrent d'un bond le long du mur extérieur. La sentinelle de faction les observa avec curiosité. Elle semblait perplexe face à Sephenn ligoté.

– Que vous a fait ce gamin pour subir un tel sort ?

– Regarde ses oreilles, tu ne les trouves pas un peu longues ? s'amusa à provoquer Mafarion.

– Ne t'occupe pas de ça, répliqua un des deux gardiens. Prépare-moi un messager volant.

La sentinelle sortit de sa cage un croisement entre une chauve-souris et un oiseau, duveteuse et à bec qui s'exprima par un concert de cris stridents et de claquement.

Jeté au sol contre le mur, Sephenn se recroquevilla de manière à essayer de dénouer ses entraves aux pieds.

– Si c'est un elfe, ne vaudrait-il pas mieux l'envoyer tout de suite au Maître pour un jugement ? demanda la sentinelle.

– C'est mieux qu'un elfe, assura Mafarion.

– Silence vous deux, ordonna le petit Esprit Rouge. Ce gamin représente une sorte de chimère pour nous, une contradiction à nos croyances. Bien sûr que j'en informerai le Maître, néanmoins c'est le fils d'Elliot… tu vois qui c'est ?

La sentinelle secoua la tête lentement.

– Ne me dis pas que tu n'en as jamais entendu parler : c'est le fils aîné de Dylan De La Lune, ancien héritier du Maître De La Lune, un jeune prodige dans son genre. Il s'est trouvé une elfe en chassant un mange-écume qui a remonté les conduits vers là-haut et visiblement il s'est reproduit avec. Bien qu'il ait été renié et chassé du clan, il porte le sang de notre plus haute lignée et j'estime que Sire Dylan a son mot à dire sur le traitement de cette engeance.

Sephenn écoutait, il avait renoncé à son entreprise. Entendre parler de son père par des étrangers le plongeait dans une étrange fascination. Ces gens n'étaient pas humains – la femme avait les cheveux bleus.

L'Esprit Rouge noua son message à la patte de l'animal et le fit s'envoler.

– Pendant ce temps il faut enfermer celui-là…

– On peut l'attacher et l’exposer aux yeux du peuple, grogna le grand Esprit Rouge.

– Très bonne idée, approuva Mafarion. En lui perçant une petite veine, nous pourrions en faire une dégustation.

– Cherchez-vous vraiment à me provoquer ? répliqua le petit Esprit Rouge. Je viens à peine d'envoyer une missive à Sire Dylan que vous proposez d'exécuter ce bâtard ! Lui seul décidera du verdict.

Décidé à tenter sa chance lorsqu'il serait libéré de ses liens inhibiteurs, Sephenn tenta plutôt d'ausculter leurs esprits. Ceux des Esprits Rouges étaient fermés, Mafarion le rejeta aussitôt et la sentinelle réagit trop tard pour l'empêcher de glaner quelques informations.

Tandis que le petit Esprit Rouge lui demandait d'appeler un dénommé Denlew Wyrvn, le télépathe put capter l'identité de ce vampire. Lui et un certain Dervor Sangrouge gardaient la ville et le passage au reste du territoire De La Lune, peuplés de vampires sormas.

– Quelque chose s'introduit dans ma tête, protesta la sentinelle.

– C'est le bâtard, répondit Mafarion, il possède la télépathie des elfes.

Il alla lui donner un grand coup de pied. Sephenn tenta bien de riposter, mais attaché de la sorte, il ne put que gigoter comme un ver.

La sentinelle protégea son esprit et s'en fut avec un regard de dégoût pour l'adolescent.

L'attente se mit en place pour Sephenn avec des douleurs sourdes dans les articulations. Les Esprits Rouges ne lui adressèrent pas la parole et interrogèrent plutôt Mafarion Lunedore qui se vanta de l'affaire, faisant bouillir de rage l'adolescent.

– Es-tu complètement idiot de te targuer devant nous d'être passé illégalement en Junsîl ? grogna le grand Esprit Rouge. Un tel mépris des règles ne peut demeurer impuni.

Mafarion pâlit aussitôt. Le petit Esprit Rouge se redressa.

– Que suggérais-tu de faire subir au bâtard déjà ? Une petite dégustation de sang frais raviverait sans doute la fange qui s'amasse aux porte de la ville.

Le vampire bafouilla subitement.

– Ou sinon un enfouissement jusqu'au cou et laissé à la merci des vermines anthropophages, ou encore un démembrement et chaque membre réparti à différentes entrées du Territoire ?

– Pourquoi subirais-je un châtiment si cruel alors que vous n'appliquez pas la loi pour le bâtard ? s'écria Mafarion. Vous ne pouvez prévenir Sire Dylan sans avertir le Maître de sa présence ici !

– Du calme, nous te taquinions, tempéra l'Esprit. La situation présente mérite réflexion, tu iras faire un tour aux cachots le temps que nous en informions le Maître. Sa loi décidera de ta peine définitive.

Sans rien en montrer, Sephenn se réjouit de voir celui qu'il haïssait puni, même pour le seul prétexte d'avoir traversé le portail. Peut-être pourrait-il plaidoyer sa cause auprès du Maître et faire condamner Mafarion Lunedore tout en innocentant son père. Dans ce cas, il serait prêt à assumer une sentence pour sa propre intrusion.

Le vampire pivota pour passer par-dessus la balustrade. Le grand Esprit Rouge l'arrêta avec une vivacité étourdissante.

– Ne crois pas t'enfuir.

Et ce fut avec grande satisfaction que l'adolescent regarda Mafarion se débattre à son tour sous la forte poigne du gardien.

La sentinelle revint avec deux vampires, tous deux de petite taille mais là s'arrêtait leurs ressemblances. Le premier, blond, paraissait curieux et ébahit de voir Sephenn ; le second aux cheveux rouges sang affichait un air de sadisme très déplaisant.

– Heureusement que je n'avais demandé que Sire Denlew, soupira l'Esprit Rouge.

La réplique claqua avec sauvagerie :

– Je suis tout autant gardien de la ville et responsable de ce qui la traverse que mon confrère.

– Aucun Esprit Rouge n'en discuterait, répliqua ledit confrère. Ose prétendre que tu ne rêves pas de dévorer ce gamin séance tenante ?

– Pourquoi le faire, il a l'air bien goûteux, saliva cheveux rouge. Nous pourrions ensuite renvoyer à sa raclure de père un crâne vidé et recouvert d'assez de lambeaux de chair pour le reconnaître… Mieux, faisons transiter le présent par le magistrat qui lui sert de beau frère pour qu'il atteigne d'abord sa sale elfe de femelle.

– Voilà pourquoi je ne souhaitais discuter qu'avec Sire Denlew, constata froidement l'Esprit Rouge. Puisque vous semblez d'humeur sanglante, occupez-vous d'enfermer le jeune Lunedore ici présent, il nous a avoué avoir traversé un portail non répertorié. Il faudra également faire prévenir la Ragguî de l'affaire…

– Pourquoi donc ? répondit Sangrouge avec un air mauvais dans le regard.

– Avez-vous oublié les accords qui nous lient à la Ragguî ?

Sangrouge le dévisagea quelques secondes sans répondre, évaluant ses arrières pensées. Bien sûr impossible pour Sephenn d'accéder dans celles du gardien des lieux.

– Sire Drevor, par le sang de Xshe, pliez-vous aux ordres des Esprits Rouges ! vitupéra Sire Denlew. Vous discuterez de vos désaccord en présence d'un membre du gouvernement compétent.

– Ne le sommes nous pas ? susurra Sire Drevor à son confrère.

– Pas sur cette décision-ci, répondit avec vigueur le blond. Et pour ce qui est du métis, je partage le positionnement des Esprits Rouges et laisse volontiers la responsabilité à Sire Dylan.

Le belliqueux n'en sembla pas convaincu.

C'était terriblement frustrant pour l'adolescent de les écouter décider de son sort sans réagir.

– Je vais de ce pas en référer aux autorités compétentes qui sauront trancher… dans la chair, je l'espère.

Il saisit avec une grande facilité un Mafarion protestant et l'entraina d'un bond au bas de la tour. Le petit Esprit Rouge alla chercher un autre volatile et un papier.

– J'espérais gagner un jour avant de prévenir le Maître.

– Je vous aurais tout de même conseillé de le faire aussitôt, assura Sire Denlew. Voulez-vous qu'il croient que nous essayons de le supplanter ?

– Loin de moi cette idée. Je souhaitais plutôt laisser le temps de la réflexion à Sire Dylan… si tant est qu'il se soucie du bâtard.

– Je vais mettre celui-là dans une prison, placé sous garde d'un de mes sbires dans le doute. Les accidents arrivent vite dans les cachots.

Il se tourna vers la sentinelle.

– Accompagne-moi, tu me serviras de témoin de la bonne procédure.

Il s'accroupit devant Sephenn, ses iris gris n'exprimaient aucun sentiment négatif, juste un profond questionnement. L'adolescent essaya d'en profiter et d'accéder à son esprit pour lui demander de l'indulgence.

– Tu t'es jeté dans la gueule du loup, petit, chuchota-t-il dans un souffle comme seule réponse.

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