1 - Le passé nous rattrape 2

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– Pouvons-nous en revenir à l'affaire qui vous amène aujourd'hui ? exigea le vampire qui souhaitait en finir. Il s'agit du cadavre trouvé dans un chantier ce matin, n'est-ce pas ?

De la méfiance passa sur le visage des enquêteurs. Elliot sortit d'une poche son téléphone portable, qu'il manipula avant de montrer une photo reçue le matin même.

– Voici ce que m'a envoyé mon fils aîné, transmis préalablement par un camarade de classe.

Les humains étudièrent l'image et s'assombrissant.

– Un instant, votre fils peut-il encore lire dans mes pensées ? s'inquiéta Manaa.

Alicia secoua la tête.

– J'ai bloqué sa télépathie vers moi uniquement.

Il soupira de soulagement.

– Un camarade de classe, disiez-vous, répéta Schillig. Peut-on parler à votre fils ?

– Quand il sera rentré du lycée.

– Bien, il prépare le bac, n'est-ce pas ? Brave garçon. Où étiez-vous hier soir, Elliot ?

– Ici.

– Ainsi que tous nos enfants, rajouta Alicia. Je croyais que vous aviez déjà l'empreinte dentaire de mon mari ?

– Enquête de routine. Avez-vous eu vent de la présence d'un vampire récemment arrivé ?

Elliot lâcha un rire jaune.

– Vous plaisantez j'espère ? Les vampires de la ville m'évitent comme la peste par peur des clans ! La plupart d'entre eux sont des bannis ou des expatriés volontaires, pourtant ils craignent toujours les représailles.

Il se pencha sensiblement en avant.

– J'appartiens à la puissante famille De La Lune. J'étais l'héritier du Maître De La Lune. Vous pensez bien qu'un vampire d'Arranë évitera soigneusement de m'approcher sous peine d'être considéré comme un de mes sympathisants. Ainsi, je vous assure que je serais le dernier à être informé de l'arrivée d'un nouveau vampire, à moins qu'il ne vienne m'attaquer directement.

Il précisa aussitôt face à l'expression de Schillig.

– Non, de ce côté-là, aucune agression à déclarer.

– Pourquoi les autres vampires vous évitent  ? demanda Manaa.

Devoir expliquer cela de nouveau… Elliot inspira lentement. Alicia lui envoya une onde de motivation.

– Je me suis marié avec une Vallynaya.

Devant le regard incompréhensif de l'enquêteur, Alicia précisa.

– Elliot et moi venons de la même île partagée par deux peuples d'espèces différentes, la Vallynä, un royaume elfique dont je viens et les Territoires vampires. Malgré la paix entre nos peuples, la cohabitation reste difficile.

– Une trêve plutôt, incisa Elliot. Le hasard m'a conduit à la surface, j'y ai rencontré Alicia et nous sommes tombés amoureux.

– Voilà qui est très synthétisé, rit-elle.

– Nous avons décidé de nous marier, ce qui nous a valu l'exil d'abord de nos patries respectives, puis de la Ragguî sous la pression des consuls vallynayas et vampires. Ils ne se seront jamais mieux entendus que sur notre question. Je ne connais pas la rancune des elfes, en revanche, je sais que ma tête est mise à prix par mon peuple. Même ici, je ne suis pas parfaitement à l'abri d'une agression individuelle.

Pour tout vampire d'Arranë, me fréquenter signifie être catalogué de traître et se fermer les portes de la Rasîl sous peine de devenir la proie des chasseurs. Voilà pourquoi, dans cette ville, aucun vampire ne risque de s'approcher de moi.

  »D'autres questions  ? ajouta-t-il d'un ton sec.

– Cela fait beaucoup d'animosités pour un mariage, résuma Manaa. Aucun vampire n'a souhaité vous attaquer ici  ?

Elliot afficha un rictus entendu.

– Ça, c'est votre domaine, inspecteur, railla-t-il. Toute intervention en Junsîl doit faire l'objet d'une déclaration aux portails et d'un suivi par l'Inexistante. Ai-je bien retenu, Commandant Schillig  ?

– Merci de contribuer à la formation du bleu, renchérit le commandant avec un peu de sarcasme, il précisa pour son confrère  : c'est pour ça qu'on les a exilé chez nous. Mais revenons à l'enquête. Ce qui est utile pour toi, Arthur, c'est de retenir qu'un vampire introduit illégalement en Junsîl peut s'en prendre aux Vallynayas résidents dans l'agglomération ou à ce couple. Ils sont tout autant notre priorité que les humains au nom des accords inter-monde.

Elliot entendait au ton de l'humain qu'il ne l'approuvait pas  ; Schillig privilégiait toujours les junsiliens quand il le pouvait.

– Si vous n'avez pas d'autres questions, nous avons des enfants à nous occuper, asséna Elliot.

– Loin de moi l'envie de vous déranger plus longtemps, railla à son tour Schillig. Il me faudra les empreintes dentaires de votre aîné.

– Il n'est pas encore majeur, répliqua Alicia une main sur la cuisse de son mari pour l'encourager à la patience.

– Autant pour moi, mais cela ne va plus tarder n'est-ce pas  ?

– Dans quelques mois…


– Bon débarras, siffla Elliot lorsque les enquêteurs furent partis.

– Oublions-ça, soupira Alicia. Rodyle est plus important pour nous, il pleure. Un adolescent a perdu la vie de manière atroce et mon fils ne parvient pas à s'intégrer même quand il fait des efforts. Il est tellement adorable avec nous. Ses institutrices sont folles.

Elliot l'enlaça. Que ne donnerait-il pas pour que son fils grandisse dans un environnement adapté à sa nature  !

Alicia détendit son visage pour masquer sa peine.

– Bien, je suppose que nous devrions effectivement envisager l'éducation à domicile, soupira-t-elle. Dans ce cas, il faudra engager un précepteur pour compléter mes connaissances.

– La fin de l'année approche, nous y réfléchirons pour l'année prochaine, confirma Elliot. Je m'occupe du repas.

– Je vais monter le voir, souffla Alicia en essuyant ses yeux.

Tandis qu'Elliot cuisinait, assisté de Tatian à l'épluchage relatif des carottes, le vampire ressassait la venue des enquêteurs. Autant l'avenir de ses enfants l'inquiétait, autant ce nouveau meurtre le taraudait. Les traces de mutilations indiquaient des morsures, et si Schillig s'était déplacé pour voir Elliot, c'était que les soupçons se portaient sur un vampire.

Rares étaient les vampires désolidarisés des clans, et les clans obéissaient aux Maîtres qui interdisaient l'accès à Junsîl en dehors du contrôle de la Ragguî.

– Oh  ! s'exclama Tatian.

Une image brève d'un silhouette dans le jardin traversa l'esprit d'Elliot.

D'un bond, il franchit la porte-fenêtre  ; il ne voyait ni ne sentait rien d'anormal. Les voisins préparaient un barbecue et leurs chiens aboyaient vivement.

La présence du bambin dans son dos l'immobilisa sur place  ; il se refusait à le laisser sans surveillance.

Une forme arriva dans le jardin en contournant le mur. Elliot reconnut son fils aîné, Sephenn. Ce dernier indiqua à son père son intention d'aller patrouiller d'un message mental. Lui aussi avait perçu une menace.

Au plus profond de ses pensées, là où il ne laissait pas ses enfants entrer, Elliot se rendit à l'évidence qu'un vampire avait choisi de s'en prendre à eux.

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